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Les relations entre les agences de design et leurs donneurs d'ordre des services marketing.

Les relations entre les agences de design et leurs donneurs d'ordre des services marketing seraient-elles en train de se dégrader ? Les déclarations plaintives, pour ne pas dire larmoyantes des designers dans la presse professionnelle à propos des compétitions non rémunérées sont autant de signes incontestables d'un profond malaise. Mais au fait, à qui la faute ?

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"Certaines agences crient leur "ras-le-bol" en dénonçant publiquement les mises en concurrence "sauvages" que des clients peu scrupuleux pratiquent de plus en plus régulièrement. Actuellement, il n'est plus rare de voir cinq, six, jusqu'à dix agences interrogées, en compétition non rémunérée, pour résoudre une même problématique de design. Notre agence est de temps en temps consultée pour participer à de tels coups tordus. Mais, en farouches opposants de cette pratique scandaleuse d'extorsion de créativité, nous refusons systématiquement de concourir. Au mieux, nous proposons à notre interlocuteur de s'acquitter d'un dédit significatif en cas de non-acceptation de nos propositions créatives. Cependant, face à la recrudescence de propositions indécentes de la part de certaines marques, j'ai décidé d'ouvrir la liste noire.
En décembre dernier, je reçois un appel de la fameuse épicerie de luxe Fauchon. La responsable du marketing, de cette maison de renom, me propose de la rencontrer rapidement. Elle veut me parler d'un projet de la plus haute importance stratégique pour son entreprise... Elle estime qu'à la vue de nos différentes réalisations, P'Référence a la compétence et l'expertise pour résoudre son problème.

Quelques jours plus tard, je retrouve mon interlocutrice dans ses locaux, chez Fauchon. Le projet semble effectivement très intéressant : il s'agit d'imaginer un concept original de quatre coffrets, d'en concevoir le design volume et graphique. Ces écrins luxueux contiendront des produits emblématiques de la marque, ils seront produits en série limitée pour être vendus fort chers en France, au Japon et aux Etats-Unis. Les principes créatifs proposés par l'agence devront être déclinables pendant trois années par le biais d'un changement de décor... Le brief est assez clair, nous avons quatre semaines pour remettre nos projets. La cliente souhaite voir des maquettes finalisées pour deux des coffrets, des croquis d'intention illustrant les déclinaisons de décor pour les deux années suivantes et bien-entendu, un devis complet. En résumé une belle masse de travail devant nous, tant au niveau de la créativité que de la réalisation de maquettes destinées à visualiser nos idées.

En toute fin de présentation de son briefing, elle juge utile de me préciser qu'elle a interrogé cinq autres agences sur le sujet, donc qu'il s'agit d'une compétition. Merci de nous prévenir, il n'est jamais trop tard... Néanmoins, elle omet d'aborder un point crucial : celui des modalités financières de sa consultation. Bien évidemment, je pose la question : « Quel est votre budget par agence consultée ? ». Alors, très naturellement elle me répond : « C'est une compétition sans rémunération, nous procédons toujours de la sorte chez Fauchon... ». Stupéfait, je lui rétorque : « Dans ce cas, je vais descendre dans votre boutique, je vais tout goûter. Ensuite j'irai à côté, chez Hédiard, pour faire la même chose, puis, je ne paierai que si cela me plaît... ». Visiblement étonnée par ma réaction, mon interlocutrice me fait part de son sentiment : « Je suis très déçue de ne pas pouvoir travailler avec vous, car tous vos confrères ont accepté nos conditions ». Pour ma part, je quitte cette charmante personne sans éprouver le moindre sentiment de déception, mais sérieusement agacé d'avoir perdu deux heures.

Le design est un investissement Sur le chemin du retour, mon agacement se transforme vite en colère, non vis-à-vis de Fauchon, mais envers des confrères qui ont encore accepté de travailler gratuitement ! Dans de tels cas, tous les arguments sains que l'on peut avancer pour défendre notre profession resteront vains tant que des irresponsables considéreront qu'une étude de design peut se brader comme n'importe quel produit fini. Notre mission s'apparente à de la recherche et nous devons disposer de moyens pour la mener à bien.

Pour nos clients, le design doit représenter un investissement et non un coût. Lors de l'inauguration de l'exposition de "l'Observeur du Design 2003", Madame Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'Industrie, soulignait l'importance d'une bonne coopération entreprise/ designer pour accroître la créativité, source de compétitivité. « Cette créativité naît, notamment de la confrontation entre différentes approches telles que le marketing et le design... Là sont les principaux facteurs de développement économique de l'entreprise. »
Mesdames et Messieurs les collaborateurs des services marketing, vous qui nous demandez de réfléchir quotidiennement à l'avenir de vos produits, vous êtes payés tous les mois par votre entreprise, que je sache. Les designers sont comme vous, ils mangent tous les jours. Et vous les quelques designers qui ne semblez pas avoir faim, ou trop peut-être pour participer aux compétitions non rémunérées, gardez toujours à l'esprit que ce qui ne coûte rien n'a aucune valeur.

Notre profession doit faire front et réagir de façon active contre ces pratiques abusives. Nos amis designers anglais semblent encore une fois en avance sur nous. Le British Design Initiative met en place une "Task Force" réunissant des professionnels de diverses disciplines, annonceurs, agences, avocats pour établir, d'ici à la fin de l'année, un cadre réglementant les compétitions. Chez nous, la seule solution est de refuser en bloc de travailler gratuitement et de montrer du doigt les coupables des deux camps qui s'y livrent. Car s'il n'y avait plus d'offre, il n'y aurait plus de demande. C'est une évidence marketing."

Fabrice Peltier

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