Les ports, nouvelles escales du "fun shopping"
Avec la croissance du tonnage des bateaux, les ports ont dû s'agrandir et
ont été déplacés à l'extérieur des villes, laissant au coeur des cités des
zones urbaines en totale déprise. Si, pour certaines villes, ces friches se
sont révélées être une véritable catastrophe économique et urbaine, pour
d'autres, elles sont au contraire l'occasion de revoir totalement leur
urbanisme, notamment sur le plan des commerces et des loisirs. Aux Etats-Unis,
le phénomène est apparu à Baltimore au début des années 80, suivi, dans la
foulée, par d'autres villes, telles Boston et, actuellement, San Francisco qui
revoit l'ensemble de son front de mer entre Fisherman Warf et Market Street.
Montréal attire tous les étés des millions de touristes dans son vieux port
transformé en pôle de loisirs avec parc d'exposition et omnimax. En Australie,
après Sydney et son fameux centre commercial de Darling Harbor, c'est au tour
de Melbourne de tenter de revaloriser 220 hectares d'emprises industrielles et
portuaires. En Afrique du Sud, le Victoria et Alfred Waterfront de CapTown
voient passer, chaque année, quelque 16 millions de touristes, attirés
notamment par Pierhead, principal pôle culturel et commercial de
l'agglomération.
Barcelone, Lisbonne et Londres
En
Europe, le cas le plus connu de ce type de mutation portuaire est bien entendu
celui de Barcelone, qui, dans le cadre des Jeux Olympiques de 1992,
revitalisait Port Vell autour du centre de Mare Magnum. Aujourd'hui, la
capitale catalane s'apprête à ouvrir Diagonale Mare, nouveau pôle commercial
installé dans une ancienne zone industrielle en front de mer. Lisbonne s'est
directement inspirée de cette démarche pour reconquérir sur le Tage d'anciennes
emprises portuaires, et crée, dans la foulée de l'Expo 98, un nouveau quartier
autour du centre commercial de Vasco de Gama, adossé lui-même à un parc et à un
musée de la Marine. A une échelle beaucoup plus vaste, Rotterdam et Hambourg
suivent avec intérêt l'expérience des Docklands de Londres afin de repenser
entièrement leur urbanisme. Dans ce contexte européen que dire de la France ?
Le constat est plutôt cruel tant le retard français en la matière est flagrant.
Si Lorient et Saint-Nazaire travaillent actuellement à la revalorisation de
leurs anciennes bases militaires avec des pôles ludiques et muséographiques,
rien de significatif n'est encore sorti de terre. A Cherbourg, il faudra
attendre 2002 pour pouvoir visiter la Cité de la Mer aménagée dans l'ancienne
gare maritime. A Bordeaux et Marseille, les projets ludo-commerciaux ne
devraient pas voir le jour avant 2005. Seule Dunkerque avec le centre
commercial Neptune est aujourd'hui capable de montrer une réalisation récente.
Tokyo, Yokohama et Osaka
Un décalage étonnant par
rapport à ce qui se passe dans d'autres villes, et plus particulièrement au
Japon où plusieurs agglomérations misent sur leur front de mer pour développer
de véritables mégacentres de "fun shopping". A Tokyo, l'île artificielle
d'Odaiba accueille plusieurs centres commerciaux, dont Sun Walk, Venus Fort et
Aqua City, qui abritent de nombreux pôles de restaurations thématiques, des
pôles de loisirs électroniques (Joypolis de Sega, entre autres) et des
activités de fêtes foraines avec notamment une grande roue. Grande Roue et
activités foraines que l'on retrouve à Yokohama, au Cosmo World, mais aussi
dans le port d'Osaka au Tempozan Harbor Village. Dotées de musée, ces nouvelles
zones ludo-commerciales sont devenues des quartiers à part entière où les
Japonais passent leur journée. Des exemples qui pourraient servir de modèles à
nos aménageurs français.