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Les nouveaux atouts des médias imprimés

Fascinés par internet, les éditeurs de médias imprimés négligent trop ce qui a fait et continuera de faire leur différence et leur force: la valeur de l'écrit, le potentiel des marques médias et leur capacité à s'adapter à de nouveaux modes de diffusion.

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Après avoir craint de disparaître à l'arrivée de la radio, puis de la télévision, les éditeurs de presse doivent désormais affronter Internet, média d'autant plus menaçant qu'il est le premier à proposer de l'écrit, du son et de l'image en plus de ses propres fonctionnalités. Pourtant, le Web leur permet de valoriser des atouts qu'ils sont les seuls à détenir.

L'image ne tuera pas l'écrit

Dans notre «société émotionnelle», le son, l'image et les ressentis règnent en maîtres. Ils donnent l'illusion du vrai et sont à l'origine de jugements affectifs (les bons et les méchants, le juste et l'injuste... ) qui supplantent le raisonnement fondé sur l'analyse des faits. Pourtant, dès qu'ils sont confrontés à des prises de décision qui portent à conséquence, les téléphages impénitents et les «digital natives» se tournent vers l'écrit. Selon le rapport «How much informations 2009?» de l'Université de Californie, le volume de lecture consommé par les Américains a triplé en 30 ans. Et il devrait continuer d'augmenter, tant la complexité du monde implique apprentissages, décodages et modes d'emploi. Les éditeurs ne doivent pas oublier que l'écrit qu'ils produisent est la source de la grande majorité des informations que diffusent les autres médias.

Besoin d'informations labélisées

Il aura fallu moins de 10 ans pour que l'abondance d'information facilement accessible soit plus perçue comme un problème que comme un avantage. Face à une hyper offre indifférenciée, le processus traditionnel de lecture laisse la place au zapping, le choix devient plus difficile et la crédibilité de l'information en ligne chute d'année en année. Les consommateurs d'information en ligne, à la recherche de «l'info juste», sont attentifs à la source. Ils font de plus en plus confiance aux producteurs d'information du monde réel présents sur le Net car ils les perçoivent comme des marques expertes et référentes. Pour les éditeurs de presse, c'est un avantage concurrentiel essentiel.

C'est à partir des médias du monde réel que peuvent se bâtir les stratégies de marques médias. Internet a fait naître de vraies marques conjuguant différence, valeur d'usage, notoriété, affinité et esprit de communauté. Mais il s'agit plus de sites de services et de réseaux sociaux que de sites médias. Par ailleurs, ces marques du Web parviennent mal à monétiser la valeur qu'elles produisent, que ce soit auprès des internautes ou des annonceurs, à la différence des éditeurs de médias traditionnels. Elles ne parviennent toujours pas à se diversifier dans le monde réel, comme l'indiquent les résultats médiocres des supports imprimés de différents sites d'information pure players. A l'inverse, les grands noms du média imprimé démontrent depuis plusieurs années, et plus que tous leurs concurrents, leur capacité à se prolonger en ligne au travers de sites compagnons et de communautés, à vendre à leur vrai prix toutes sortes de produits dérivés et, pour certains, à faire payer des contenus et services en ligne.

Les tablettes, une opportunité pour la presse

Au lancement du Kindle par Amazon, Steve Jobs, p-dg d'Apple, parlait de « concept stupide », 40 % des Américains lisant moins d'un livre par an. C'est le même homme qui courtise les éditeurs, considérant désormais que les livres, journaux et magazines sont indispensables pour son iPad.

Certes, les tablettes n'ont pas encore fait leurs preuves: la première, lancée en 1998 aux Etats-Unis pour lutter contre l'illettrisme, a été un échec, comme le C.Book français que vantait Jacques Attali en 2001 ou le Tablet PC de Microsoft en 2002. Enfin, les 400 000 iPad qui devraient avoir été vendus en France à la fin 2010, selon GfK, sont bien insuffisants pour en faire un support puissant. Croire aux tablettes est cependant raisonnable car, en une décennie, l'univers dans lequel évoluent leurs utilisateurs potentiels est devenu largement numérique, ce qui a des conséquences sur les attitudes et comportements des consommateurs. Il suffit d'observer des possesseurs d'iPad pour constater que leur relation avec ce support est naturelle, largement irrationnelle et polysensuelle, et qu'ils en attendent des surprises et des expériences nouvelles, autant que de la valeur d'usage.

Les applications pour tablettes des médias imprimés demeurent, à la différence de leurs sites, des journaux et des magazines. Le média ne change pas de nature mais de support ; ses traitements de fond et de forme demeurent et s'enrichissent des apports du «rich media», y compris pour les publicités. C'est parce qu'il reste lui-même que sa valeur perçue ne se dégrade pas. Ainsi, ce qui ne pouvait être monétisé sur un site le sera vraisemblablement dans des conditions acceptables sur les tablettes.

Bernard Petitjean (Seprem Etudes & Conseil):

« Les grands noms du média imprimé démontrent leur capacité à se prolonger en ligne au travers de sites compagnons ainsi que de communautés. »

Bernard Petitjean, directeur associé de Seprem études & conseil

Bernard Petitjean

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