Les médias tactiques passent la vitesse supérieure
Ils se sont baptisés “médias tactiques”, non parce que les autres le sont moins mais pour marquer leur différence. Ces médias, qui font de plus en plus parler d'eux, ont franchi un nouveau pas vers l'institutionnalisation pour être reconnus médias à part entière.
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Imaginez un véhicule “habillé” à l'image de votre marque qui circule dans
les rues en diffusant les effluves de votre produit, qu'il soit alimentaire,
cosmétique ou autre. Science-fiction publicitaire tout droit sortie de
l'imagination d'un créatif fou ? Pas du tout, il s'agit bien là d'un produit de
communication réel proposé par Carlogo qui l'a même déjà testé grandeur nature
en Espagne pour le lancement de BMen de Thierry Mugler Parfums. La société
d'affichage mobile donne la possibilité de marier communication visuelle et
olfactive en utilisant le concept Scenty Cars qui permet de piocher parmi 450
fragrances disponibles ou de créer la sienne. Ce nouveau produit illustre le
dynamisme dont font preuve les médias tactiques, derniers-nés de la famille
médiatique, qui font de plus en plus parler d'eux. Une famille très hétérogène,
qui regroupe à la fois des réseaux d'affichage publicitaire dans l'univers des
golfs (Affigolf), dans les stations de sport d'hiver (Affiski et Aspen Events),
sur les practices de golfs (Leaderboard), dans les toilettes de bar (Loomedia)
ou sur les tables de bistrot (Mediatables), sur les tickets de parkings (Atout
Ticket), les cartes de connexion Wi-fi (Hotcafé), les boîtes à pizza livrées à
domicile (Publipizz), les gobelets de distributeurs automatiques (Mediacup),
les collecteurs de canettes usagées (Canibal), sans parler des réseaux de
cartes postales (Cart'com, Cartapub) ou d'affichage mobile (Carlogo, Upskin).
Une liste en forme d'inventaire à la Prévert qui est loin d'être exhaustive, vu
le nombre de créations de produits qui voient le jour régulièrement.
Des médias syndiqués pour compter
« Nous sommes une
quinzaine de sociétés à avoir la même problématique, à savoir émerger sur le
marché publicitaire et expliquer la pertinence de nos médias. C'est pourquoi
nous avons décidé l'an dernier de nous regrouper en syndicat, explique Stéphane
Marrapodi, à la fois président du Syndicat des médias tactiques (SMT) et Dg de
la régie DDQ Media qui commercialise Cartapub et Loomedia. Aujourd'hui, ce sont
les agences qui nous demandent de leur faire des présentations pour avoir une
meilleure visibilité sur ce marché, mais il y a beaucoup à faire pour rattraper
le retard que l'on peut avoir par rapport à un pays comme les Etats-Unis où les
médias tactiques représentent plus de 40 % des plans. » Baptisés médias de
compléments hier et tactiques aujourd'hui, ils se définissent comme un support
publicitaire dédié à des cibles identifiées sociologiquement et
géographiquement, quantifiables et surtout en affinité avec le support
identifié. Pour regrouper des supports très différents les uns des autres, le
SMT a défini un certain nombre de critères d'éligibilité, à savoir
l'homogénéité du support, l'organisation autour de réseaux segmentables, une
traçabilité, une couverture reconnue, une implantation en affinité avec la
cible et une récurrence du support. Objectif : être reconnus « comme des médias
à part entière et en aucun cas alternatifs », résume Vincent Berny, directeur
général de la société d'affichage mobile Upskin. Les sociétés réunies au sein
du SMT ont marqué des points supplémentaires depuis novembre dernier avec leur
arrivée dans la base de données de la pige publicitaire plurimédia de TNS Media
Intelligence au sein de la catégorie 7e média. « Depuis deux-trois ans, on a pu
noter que la plupart des campagnes innovantes comportent un volet événementiel
ou tactique, explique Eric Trousset, directeur marketing du Pôle
Investissements Publicitaires de TNS Media Intelligence. Si le montant des
investissements du média est de l'ordre de l'infiniment petit à l'échelle du
marché publicitaire, on a eu la surprise en le pigeant de constater que tous
les grands secteurs du marché sont là. Pour beaucoup d'annonceurs qui ont une
culture très grands médias, c'est un bon moyen de créer une connivence, une
sympathie avec la marque. »
Reconnaissance publicitaire
Les 8,3 millions d'euros investis dans les médias
tactiques en 2004 (période allant du 1er janvier au 30 septembre) représentent,
en effet, une goutte d'eau dans la mer des 13,1 milliards d'euros qui
constituent le montant global des investissements publicitaires en France, tout
comme les quelque 56 000 euros de budget moyen par annonceur. Mais, quand on
zoome sur les résultats dégagés par TNS Media Intelligence, on constate que 20
secteurs ont utilisé au moins des médias tactiques sur la période de référence.
Le premier secteur annonceur est la Culture/Loisirs avec 24 % des recettes
brutes du média devant la Toilette-Beauté (18 %) et les Télécommunications (18
%). Les montants investis par les secteurs du Transport, des Services, des
Boissons, du Voyage-Tourisme ou de l'Alimentation sont également significatifs.
Sur les 31017 annonceurs qui ont communiqué sur au moins un des sept médias
suivis par TNS Media Intelligence en 2004, quinze annonceurs ont utilisé la
panoplie des sept. Au total, 149 ont utilisé les médias tactiques en plus d'un
autre média pour optimiser leur visibilité, dont douze seulement en
exclusivité. Freshlook, par exemple, est de ceux qui n'ont communiqué qu'à
travers un plan composé de médias tactiques. Pour le lancement d'un nouveau
produit, le spécialiste des lentilles de contact colorées a ainsi fait circuler
100 Smart dans les rues de Paris et de la Région Parisienne en mai-juin
dernier sur le thème “Suivez mon regard”. Le message était également repris sur
500 000 cartes postales disposées dans les présentoirs de bars, restaurants,
boutiques et lieux tendance de l'Hexagone ainsi que sur 5 400 tables de
bistrots de 393 établissements. Le dernier axe de communication comprenait
également l'affichage des toilettes de près de 500 lieux branchés avec pour
accroche “Ici, j'ai changé de regard”. « Ce dispositif a permis à la marque
d'avoir une visibilité indoor et outdoor nationale sur une cible qualifiée
jeune, explique Stéphane Pinte, directeur général de Vocationpublics Visuel,
agence à l'origine du plan médias. Il a très bien fonctionné et montre que ces
médias tactiques peuvent être des médias à part entière en les combinant pour
une optimisation maximale. » Cet avis est également partagé par les
responsables de Sony Ericsson qui ont misé sur le quarté affichage dans les
toilettes, tables de bistrots, cartes postales publicitaires et taxis pour une
offre lancée avec Orange autour de la musique d'Alicia Keys. « On peut
effectivement réaliser une campagne 100 % médias tactiques pour infiltrer tous
les moments et lieux de fréquentation d'une cible, mais c'est surtout un média
que nous conseillons pour renforcer un dispositif de publicité extérieure»,
indique, de son côté, Nicolas Bard, directeur de 354, entité spécialisée
d'Initiative. Une entité qui s'est d'ailleurs inspirée de l'évolution du
paysage médiatique pour trouver son nom : « Les agences médias parlent toujours
de 360°, si on enlève les six médias classiques, il reste 354 autres leviers
qui sont le périmètre d'intervention de notre département », raconte Nicolas
Bard. Cette structure intègre d'ailleurs depuis peu une personne dédiée aux
médias tactiques, en charge de les référencer et de les évaluer pour les
insérer dans le dispositif de l'agence médias.
Des outils de mesure en cours d'installation
Si ces médias tactiques sont déjà
parvenus à convaincre des marques majeures de la scène publicitaire (voir
tableau page 40), il leur faut maintenant se doter des outils nécessaires pour
prouver au marché leur pertinence en termes d'audience et d'efficacité. « Les
agences médias et les annonceurs sont effectivement très demandeurs d'études,
estime Stéphane Marrapodi. Nous travaillons notamment avec Affimétrie à la mise
au point d'une véritable mesure d'audience à partir d'une méthodologie
spécifique qui réponde à la problématique des différents supports, selon leurs
réseaux indoor ou outdoor et leurs univers. » Au sein du Syndicat des médias
tacti-ques, Cartapub, Loomedia et Mediatables vont, par exemple, me-ner dans
les semaines à venir un travail dans les bars-restaurants, un univers commun
aux trois médias qui y sont présents via les cartes postales, l'affichage dans
les toilettes et les tables de bistrot. Côté diffusion, Cartapub met en avant
le fait d'être, depuis le 1er janvier 2004, « le premier support tactique
accrédité OJD (15 millions de cartes mises en distribution, selon l'OJD, de
novembre 2003 à avril 2004) », dixit Stéphane Marrapodi. Cart'com, qui n'a pas
rejoint les rangs du syndicat, bénéficie déjà du label Affimétrie pour le
contrôle des points de diffusion de son réseau national. Le poids lourd de la
diffusion de cartes postales publicitaires propose également aux annonceurs un
suivi en ligne de l'évolution de leurs campagnes. Les sociétés d'affichage
mobile développent déjà de leur côté un certain nombre d'outils de mesure.
Carlogo a ainsi mis au point un suivi statistique via GPS de sa flotte de
véhicules qui permet l'établissement de comptes rendus statistiques sur leurs
lieux de stationnement et de circulation. Ces données permettent, par
extrapolation, de déterminer le nombre de contacts et de confirmer l'impact
visuel de l'opération. Un outil nécessaire pour Carlogo dont les réseaux sont
basés sur l'utilisation des véhicules de tourisme des particuliers. «Nous
sommes partis du principe que, l'automobile faisant partie intégrante du
paysage urbain, autant l'utiliser pour véhiculer des messages plutôt que
d'ajouter de nouveaux supports de communication, raconte Olivier Maschino,
président directeur général de Car-logo. Nos véhicules particuliers sont très
rigoureusement sélectionnés. Sur une base de plus de 110 000 référencés, nous
n'en retenons seulement 6000 ca-pables de maximiser l'efficacité des
campagnes.» Upskin, son concurrent direct sur le marché de l'affichage mobile,
a, pour sa part, opté pour une autre option qui repose sur un accord commercial
exclusif avec le constructeur Smart France. « Nous recrutons des conducteurs
pour douze mois à partir de critères de visibilité et de mobilité, explique
Vincent Berny, directeur général. Nous fonctionnons aujourd'hui avec un réseau
attribué de 450 véhicules, un réseau positionné haut de gamme.» Depuis l'an
dernier, Upskin a mis en place le Mobilométrie, un outil de mobilité
cartographiée via l'équipement des Smart en GPS. « Les flux des véhicules sont
analysés et croisés avec les données Mobidata d'Affimétrie pour fournir des
indicateurs d'audience (GRP, ODV, répétition, couverture). Nous sommes les
seuls à faire ça», précise Vincent Berny.
Des médias qui deviennent récurrents
Pour ce qui concerne l'efficacité des
campagnes menées sur ces médias tactiques, parallèlement aux études Ipsos que
nombre de sociétés mènent, chacun met en avant l'argument de la récurrence. «Si
le retour sur investissements est difficile à mesurer, on voit revenir à nous
des marques pour la deuxième ou troisième année consécutive, type Azzaro, LG, 9
Telecom, dont on peut penser qu'elles reviennent à bon escient», estime, par
exemple, Vincent Berny. Si le fait de proposer d'afficher dans les toilettes
des lieux publics était loin d'être évident au départ, Loomedia a su aussi
réunir un club de fidèles qui va en s'élargissant. La société qui revendique
plus de 4 000 faces dans 100 villes et 1 100 établissements, allant des
bars-restaurants aux clubs de sport, bénéficie de la présence régulière de
marques d'univers aussi différents que Thalys ou Tampax. Elle attire également
de nouveaux secteurs avec son dispositif inédit de cadres publicitaires sonores
qui se mettent en marche à l'entrée et la sortie des toilettes. En novembre
dernier, OMD l'a notamment recommandé pour la Fox à l'occasion de la sortie du
DVD de 24H Chrono.
Des supports toujours plus ciblés
Il est, en revanche, bien évidemment trop tôt pour parler d'efficacité et
encore plus de récurrence à propos de l'affichage sur les boîtes de pizzas ou
les gobelets publicitaires, les deux derniers médias tactiques en date dont le
marché parle. Publipizz, par exemple, lance ses premières opérations en
direction des mangeurs de pizzas à domicile en ce début d'année en mettant en
avant une capacité de distribution certifiée de 2 millions de boîtes par mois.
« A la différence de sociétés qui se sont lancées en essayant de travailler
directement avec les pizzerias, nous travaillons avec un réseau déjà
opérationnel de grossistes qui sont en charge de l'approvisionnement
traditionnel des pizzerias indépendantes, explique Matthieu Reinaertz, créateur
du concept. Nous assurons également un suivi on line de l'écoulement des boîtes
jour après jour. » Pour diffuser ses gobelets publicitaires dans les
entreprises, Mediacup s'appuie également sur un réseau bien implanté, celui des
gestionnaires de distributeurs automatiques. « La diffusion est vraiment le
nœud gordien de ce métier et il est obligatoire de s'appuyer sur un réseau bien
implanté, explique Emmanuel Chovard, directeur associé de Mediacup. Grâce à
cela, nous sommes à ce jour dans quelque vingt deux mille sites d'entreprises
et pas loin de 70000 distributeurs automatiques de boissons. » Diffusé dans les
lieux publics, type Flunch ou Relay, et les transports avec la compagnie
aérienne Star Airline, Mediacup met surtout en avant son réseau entreprises,
une cible difficile à capter par les annonceurs. La Plagne, France 2, l'Arc et
SFR ont été les premiers à croire en ce nouveau média.
450
fragrances disponibles, et on peut créer la sienne! Carlogo donne la possibilité de marier communication visuelle et olfactive.