Les jeunes partent au secours du concret
Formés aux grands principes de leurs aînés, les jeunes s'avèrent plus sensibles qu'eux à une solidarité de proximité. Loin des pavés, ils préfèrent s'engager dans le cadre souple d'associations ou de cercles d'amis. Telles sont quelques-unes des conclusions de l'enquête Sofres-Bouygues Telecom sur une génération sérieusement lucide.
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A l'heure du "tout citoyen" et dans le cadre de son concours national de
projets adressé aux jeunes, Bouygues Telecom a demandé à la Sofres de réaliser
une enquête sur "les jeunes et la citoyenneté aujourd'hui". Les résultats, à
prendre avec des pincettes tant le sujet est délicat et facilement
interprétable, accréditent le bon vieux principe selon lequel toute nouvelle
génération s'oppose à la précédente. Quand les parents rêvaient de la plage
sous les pavés, leurs enfants seraient plutôt du genre à aller la nettoyer.
L'esprit révolutionnaire n'est plus ce qu'il était. 90 % des jeunes déclarent
se sentir bien dans la société française actuelle. Un tiers d'entre eux
seulement souhaitent la réformer en profondeur. Mais attention, si les jeunes
ne sont pas révolutionnaires, ils sont critiques et réformistes. Pour eux le
monde dans lequel ils vivent n'est pas spécialement beau. Il est même de plus
en plus inégalitaire (65 %) et de moins en moins solidaire. Ce qui pousse 60 %
d'entre eux à vouloir le réformer mais sans toucher à l'essentiel. Leur mot
d'ordre est d'opérer avec efficacité sur le terrain de la proximité. Et, s'ils
conviennent que les grandes causes sont internationales à l'instar de la faim
dans le monde, leur engagement, lui, est au "coin du trottoir". Il s'agit de
l'enfance maltraitée, de l'alphabétisation, du soutien scolaire, de l'aide aux
personnes en difficulté. Plus de sept jeunes interrogés sur dix se disent prêts
à faire partie d'une association pour l'insertion des personnes en difficultés.
Et au très fondateur "liberté-égalité-fraternité", les jeunes préfèrent
nettement "famille-ami-liberté" ou bien "tolérance-égalité-respect". Mais, dans
tous les cas, tels Candide, ils cultivent leur jardin et feraient bien plaisir
à Voltaire. Le polémiste qui prônait la réforme positive de la société et
dénonçait au passage les institutions politiques et sociales verrait d'un assez
bon oeil les nouvelles formes d'engagement des jeunes. Rejet massif des
appartenances idéologiques et monolithiques, ou distance par rapport aux partis
politiques et aux syndicats qui ne séduisent plus que 4 % et 2 % d'entre eux.
Ils préfèrent la pluralité des modes d'action, dont le genre associatif qui
sort largement vainqueur avec 39 % des suffrages.
Pour des entreprises plus solidaires
Pas étonnant dans un tel contexte que
l'entreprise se profile comme le chevalier blanc et le sauveur potentiel des
valeurs citoyennes. 72 % des jeunes interrogés souhaiteraient qu'elle ne se
limite plus à sa mission économique de production de biens et des services, de
création d'emplois ou de profit. Mais qu'elle intervienne également sur le
champ de la solidarité. Et pas simplement en faisant actionner le tiroir
caisse, mais en mettant à disposition des compétences, de la formation, en
aidant financièrement, en ouvrant son carnet de relations ou en offrant du
matériel. Pour 62 % des jeunes, le rôle citoyen de l'entreprise doit se
traduire avant tout par une aide à l'insertion de population en difficultés. On
peut être rassuré. S'ils ne sont plus révolutionnaires, les jeunes
d'aujourd'hui ont gardé toutes leurs illusions.
LA GÉNÉRATION VEUT DU SENS
Intervenant lors du dernier salon Semo sur le deuxième souffle des marques des années 70/80, Jean Pierre Fourcat, vice-président de Cofremca Sociovision, a rappelé l'incroyable changement sociologique qui sépare la génération d'aujourd'hui de celle de leurs parents. Il a souligné le besoin de sens qui les caractérise, leur quête d'intégration dans le vivant alors que les décennies 80/90 étaient plus portées vers le plaisir et la vitalité. Ces derniers avaient eux mêmes succédé à des parents soixante-huitards contestataires. Des accros d'autonomie et d'expression personnelle qui s'opposaient pour leur part à des parents de la génération des années 50, éduqués dans des valeurs de devoir de sécurité et de standing.
MÉTHODOLOGIE
Enquête téléphonique réalisée du 20 au 22 novembre 2000 auprès d'un échantillon représentatif de 400 jeunes âgés de 18 à 25 ans.