Les femmes à l'assaut du bricolage et de la décoration
Le bricolage se féminise et amorce un virage vers la décoration. D'où la nécessité de reconsidérer les emballages vers plus d'ergonomie et la promesse d'avoir de beaux résultats faciles à obtenir.
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Rayon bricolage, la tendance à la féminisation s'affirme. Corollaire, le
produit brut évolue vers des produits qui mettent en avant le résultat plus que
la technique. Et les gros bidons font place à des formats plus petits dont les
marques retravaillent également l'ergonomie. Mais la tendance lourde pour les
produits de bricolage, c'est surtout l'évolution de l'esprit travaux à l'esprit
déco. Toupret, l'un des leaders du marché des enduits, a amorcé ce virage.
Fabrice Peltier, directeur de l'agence P'référence explique : « C'est un marché
très bagarré par les distributeurs ; la marque cherchait à monter en gamme.
Nous avons réalisé un audit de leur outil industriel et leur avons conseillé de
basculer vers la décoration. » Toupret, qui marchait hier sur l'air de "pas de
bonne déco sans un mur bien préparé", lance une gamme dénommée "Esprit Nature"
qui permet de faire d'une pierre deux coups. Quand précédemment, pour un mur en
relief et coloré, il fallait un enduit puis une peinture spéciale, ce nouveau
produit travaille à la fois sur l'aspect des murs et leurs couleurs. « Nous les
avons amenés à la déco à partir de ce qu'ils savaient faire, ce qui n'est pas
du tout le mode de pensée des gens du bâtiment », poursuit Fabrice Peltier.
Désormais, la marque réalise 20 % de son chiffre avec la décoration, ce qui
représente près de 80 % de ses marge...
Des packs communiquants
Question pack, les marques demandent aux agences de
concevoir des emballages qui se vendent tout seul, ou à l'aide de quelques
outils d'information ou de merchandising en magasin. « Il faut évacuer le
premier frein à l'achat qui est la peur de rater », commente Isabelle Morin,
associée de Metzler et Associés. Le pack doit être un vendeur muet et mettre
implicitement un résultat convoité et facile à atteindre. Un esprit qui rejoint
encore une fois le fait que, selon une récente étude Castorama, 80 % des femmes
seraient désormais bricoleuses. Là où un homme peut passer des heures à
détailler la capacité du produit, le public féminin demande une plus grande
immédiateté. « Quand nous faisons des tables rondes, on sépare toujours les
femmes des hommes, précise le responsable marketing de Toupret, Olivier de
Villeneuve. Si vous optez pour la mixité, les hommes ont tendance à se poser en
donneur de leçons. Or, désormais, les femmes préfèrent bricoler plutôt que
d'attendre que leur mari se décide. Il y a aussi de plus en plus de femmes
seules. Leur approche est beaucoup plus pragmatique. Elles parlent des formes
des packs, du poids, de l'ergonomie. Les hommes sont plus attirés par les
aspects techniques, sur les formulations et la performance. » Pourtant, la
transparence n'est pas évidente à tous les étages. Rayon écologie notamment, la
prolifération des produits sans solvants ou en solution aqueuse, pour les
vernis notamment, se heurte à de forts préjugés. « En France, 92 % des vernis
sont vendus en phase solvant, explique Corinne Sorbier, chef de produits
Bondex. Les consommateurs associent solvants à efficacité, alors que les
produits aqueux sont aussi performants. » Avec l'agence Metzler, Bondex vient
de lancer une gamme entière de vernis et autres produits à vocation décorative.
En tant que leader, elle entendait faire évoluer le marché vers l'aqueux, mais
il a fallu exprimer la pureté, le propre, en évitant de préciser la nature
exacte du produit. Mais le pari de ces nouveaux produits brico/déco consiste
surtout à attirer par le rêve. Celui de copier les ambiances des magazines de
décoration. « On n'achète plus une couleur, mais une ambiance : douceur,
tonique, bien-êtr... », précise Fabrice Peltier. « On constate de plus en plus
d'attirance pour des produits permettant à la fois une déco de haut niveau et
la personnalisation. Le "fait soi-même" est d'autant plus valorisant que le
résultat est haut de gamme », ajoute Olivier de Villeneuve. Laura Ashley et
Castelbajac, qui ont prêté leur nom à des gammes de peintures, confirment que
le marché veut désormais décorer chic. Mais les angoisses subsistent et le pack
doit aussi « aider les consommateurs à transgresser leurs peurs de la couleur
et montrer qu'il minimise le risque au maximum », analyse Isabelle Morin. Pour
Bondex, qui semble bien imposer sa nouvelle gamme de 235 références, ce
tournant est salutaire.