Les enseignes alimentaires en mal d'attachement
Comment les Français vivent-ils les bouleversements des enseignes de la grande distribution alimentaire depuis deux ans. Leurs mariages et leurs divorces finissent-ils par émousser l'attachement des consommateurs à leur égard ? J.Walter Thompson livre une étude qui tend à le démontrer.
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Partant du principe que la force de la relation à une marque se construit
en cinq étapes (cf. encadré Principe et méthodologie) et que sa santé est
proportionnelle à sa capacité de passer de l'une à l'autre, J.Walter Thomson a
exploré les principales enseignes de la distribution alimentaire française. En
la comparant avec le reste du commerce. La grande distribution alimentaire
française souffre d'un déficit d'attachement. Un terme qu'il faut entendre
comme un lien rationnel et émotionnel à la marque. Ce déficit contraste avec la
progression de l'attachement de la population avec le reste de la distribution.
Alors pourquoi ce gap ? Selon les responsables de JWT Retail, il pourrait
provenir d'une meilleure organisation du commerce spécialisé qui conquiert à la
fois des parts de marché et la confiance des consommateurs. Tandis que les
multiples fusions et changements d'enseignes de la grande distribution ont
affaibli la fidélité déjà assez moyenne à son égard. Jusqu'à son taux de
satisfaction qui recule légèrement. Et, à tous ceux qui l'auraient oublié,
l'étude se charge de rappeler l'importance croissante du prix chez 56 % des
interviewés contre 41 % en 1998. Ce qui augmente d'autant les risques de
zapping sur ce facteur. Dans ce contexte morose, deux enseignes tireraient
néanmoins très bien leur épingle du jeux. Carrefour et Auchan obtiennent
respectivement un "voltage" prometteur de + 4,6 et + 3,8 et, respectivement, un
taux d'attachement en hausse de 20 et 13 points par rapport à 1998. Ce qui
ferait d'elles, les enseignes les plus attractives du marché. Bon score
également pour Leclerc qui a beaucoup travaillé l'aspect relationnel et voit
ses scores de satisfaction concernant sa gamme ou sa qualité remonter. Loin
derrière, Intermarché se redresse également en termes d'attachement,
améliorant, par exemple, son taux de performance par rapport au reste du marché
mais est toujours en retrait sur la plupart des critères hormis le prix.
Beaucoup plus surprenants, en revanche, sont les scores très décevants des deux
enseignes du groupe Casino, Casino et Monoprix. La première ne recueille que 4
points de taux d'attachement. Quand la seconde se voit accorder un zéro pointé
inquiétant. « L'enseigne a une image distante par rapport aux consommateurs »,
explique t-on chez JWT. Quant à Casino, contrairement à l'optimisme affiché du
groupe lors de l'annonce de ses résultats le 7 mars dernier, l'enseigne
n'aurait pas, selon JWT, dépassé la "mauvaise image prix" des années passées...
37 % des interviewés déclarent même trouver les prix de cette enseigne trop
élevés par rapport à ce qu'ils veulent mettre. Ils sont 32 % dans ce cas pour
Monoprix, 28 % pour Géant, 23 % pour Champion, 16 % pour Atac, 15 % pour
Continent, 14 % pour Carrefour. Seulement 9 % pour Intermarché, 5 % pour ED et
2 % pour Aldi. Notons que l'enquête porte sur le territoire national, et peut
sous-évaluer les enseignes à forte représentativité régionale. En outre,
réalisée au mois de juin dernier, avant les scandales alimentaires de la fin de
l'année 2000, on peut supposer que la notion d'attachement des Français à leur
distribution alimentaire à déjà évolué. Ce qui peut induire une redistribution
des cartes entre les enseignes notamment sur le critère de la qualité.
PRINCIPE ET MÉTHODOLOGIE
La relation marque/consommateur se construit en cinq étapes : Présence, Pertinence, Performance, Avantage et Attachement. Le "voltage" mesure la dynamique de la marque par pondération de chaque niveau pour la catégorie. Sachant que l'attachement est le critère le plus important. Un voltage inférieur à - 2,5 augure potentiellement d'une baisse de part de marché de 16 %, compris entre - 2,5 et 2,5 d'une hausse de 23 %, et supérieur à 2,5 d'une hausse de 61 %. L'étude, basée sur le modèle BrandDynamics de Millward Brown, a été menée en 1998 puis 2000 dans 19 pays autour de 170 000 entretiens. Elle couvre plus de 8 000 marques et 50 catégories ou services différents. L'enquête sur la distribution alimentaire française a été menée au mois de juin 2000 et fait suite à celle de 1998. Elle porte sur les principales enseignes françaises.