Les business models décoiffants
La Net Economie n'en finit pas d'accoucher de concepts révolutionnaires, à défaut de modèles qui s'avèrent toujours économiquement viables. Parmi ce foisonnement d'idées, combien d'initiatives se révèleront payantes ? Dominique Beaulieu, président d'Affiniteam, parie sur quelques positionnements prometteurs.
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ou comment construire un modèle en fonction des cibles.
Jamais le client n'aura autant concentré les efforts conjugués des chercheurs,
des designers, des ingénieurs ou des hommes d'affaires partis à sa conquête.
Mais le Graal a son prix. On a désormais coutume de comparer la Net Economie à
la ruée vers l'or, et de rappeler qu'à cette époque, ceux qui ont fait fortune
sont davantage les vendeurs de pelles et de pioches ou les tenanciers de saloon
que les chercheurs d'or. S'il y a bel et bien une prime à l'action dans cet
environnement explosif, une réflexion stratégique préalable n'est pas inutile
avant de s'attaquer à la conquête et la fidélisation de vos clients. Un
business model permet de construire ce cadre. Il caractérise un référentiel de
management culturel, économique, social, de relation client. Il se situe à un
niveau macro-économique et ne définit ni l'offre ni le canal de distribution ni
le profil des clients. Il se décrit par la conjugaison de trois modes : - la
définition de la cible, en assemblant les lettres B, C, A, P, S, E (voir
tableau), pour composer, par exemple, le B to B, Business to Business,
définissant les relations interentreprises, qui seront soit "buy-side"
(relation avec les fournisseurs), soit "sell-side" (relation avec des clients,
des entreprises ou des distributeurs), - un mode d'intermédiation : one-to-one,
one-to-many, one-to-any, few-to-one... "Any" indiquera l'intention de couvrir
de façon indifférenciée l'ensemble de la cible, "many" s'adressera à une grande
partie de celle-ci, "few" à un segment sélectionné, "one" visera une relation
individualisée. . - enfin, la construction d'un type de partenariat, dans la
gradation par complexité croissante : site institutionnel, vitrine ou marchand,
portail, "shop in shop" (cette enclave héberge sur votre portail des sites
hôtes, parfois même des offres concurrentes permettant de compléter ou comparer
votre offre), galerie marchande, galaxie (galerie thématique rassemblant les
marques de chaussures de sport ou les produits de luxe multimarque), assistant
d'achat ("shopbots") ou fixation dynamique de prix, communauté virtuelle, place
de marché, e-procurement. Ainsi, la Fnac sera un site marchand B to C,
one-to-any, alors que e-bay sera de la fixation dynamique de prix en P to P
many-to-many. Des places de marché, comme Seliance (Crédit Lyonnais-France
Telecom) ou Answork (BNP, CA, SG), seront du e-procurement B to B, en
few-to-one-to-many. Facile, non ? Les projets les plus fous sont sortis d'un
chapeau dont on pouvait tirer les lettres de façon aléatoire pour composer une
combinaison à peine envisageable dans le monde réel. Leslie Griffe, chargé de
recherche chez Arthur Andersen Corporate Finance, est un spécialiste de la
veille économique. Cet observateur averti m'a aidé à décoder dix domaines
d'avenir.
1- Tout ce qui facilite l'accès à l'Internet.
Qu'il s'agisse de la gestion des nouveaux canaux
d'interaction, de la diffusion d'objets nomades ou de la convivialité des
interfaces homme-système. Ce besoin touche les terminaux de communication
eux-mêmes, mais aussi les serveurs et bases de données multicanaux qui
permettent, à travers eux, d'adresser des messages ou de délivrer des services.
On assiste à un mouvement dialogique. L'"Unimédia", qui incarne la convergence
des terminaux vers un poste hybride multifonction (tel le R380 Ericsson ou la
tablette PC 3Com), et, parallèlement, la multiplication et la spécialisation
des outils : en téléphonie mobile, on trouve à la fois des téléphones à quatre
touches destinés aux 2-4 ans, des postes ludiques pour jouer seul ou en réseau
et des lecteurs de musique MP3 pour adolescents. L'électronique embarquée
n'épargne rien, de la domotique au véhicule en passant par les vêtements. De
cette diversification des terminaux découle une multiplication des canaux de
distribution.
Leslie Griffe (Arthur Andersen Corporate Finance)
prévoit que dans
l'avenir, 10 domaines sont appellés à se développer.
Les entreprises qui réussiront à fédérer, stocker et exploiter ces nouveaux
flux tiendront une sérieuse option sur la maîtrise du commerce. De nombreux
fournisseurs se proposent d'établir des passerelles entre les bases de données,
d'offrir des services à valeur ajoutée, de gérer vos campagnes d'e-mailing et
de SMS ou encore vos programmes de communication à destination des
Wap/UMTS/GPRS, de la télévision interactive, des consoles de jeux ou des
assistants personnels. Enfin, le souci de faciliter et de multiplier les accès
a cristallisé de nombreuses initiatives autour des moteurs de recherche. En
effet, la plupart des internautes ne vont pas au-delà d'un mot de recherche et
ne visualisent pas la deuxième page de suggestions sur les moteurs. L'arrivée
des assistants humains change la donne.
Après vous être enregistré sur webhelp.fr et avoir subi quelques messages
publicitaires, demandez, par exemple, "Le nombre d'internautes en France". Le
moteur compare la complexité de votre demande avec la disponibilité d'un de ses
150 experts, et répond "Votre question sera prise en compte dans 4 minutes",
puis "Nous avons identifié tels liens, est-ce que ceux-ci vous conviennent ?".
Ce modèle d'assistance fonctionne tout aussi bien en B to B ou en e-commerce
(Humanclick.com et son "live customer service" ou Microsoft sur MSN). Des
modèles émergents, comme woonoz.com, encouragent des experts à enregistrer leur
domaine de compétence sur le site. Une fois la fiche de l'expert en ligne, ce
dernier peut délivrer à votre demande un conseil rémunéré, le site facilitateur
se paie en pourcentage à la transaction. Cette aide contextuelle on line
s'affranchit parfois de contacts humains. Grâce à Ivan, de Onevoice
technologies, cliquez sur un globe en haut de la page et posez vocalement la
question "dernier livre d'Harry Potter ?". Ivan parcourra la planète à la
recherche d'une réponse.
2- Localisation
Dans un
autre registre, la localisation de votre téléphone mobile grâce au GPS va doper
les échanges entre fournisseurs et clients. Geovector.com, à San Francisco,
permet de diffuser, dans la zone de chalandise d'un magasin, des messages
ciblés aux prospects qui passent à proximité (en mode push).
Cela pourrait se traduire demain, en approchant d'un monument par "Quelques
mots d'histoire sur l'Acropole, un excellent guide peut vous être adressé si
vous pressez sur la touche 1. Le restaurant le plus proche est Alonissos. Pour
réserver, appuyez sur 2. Pour vous y rendre, empruntez les Taxis Jaunes en
indexant le 3". Ericsson et Visa ont déjà flairé le gisement en devenant
partenaires de Geovector.
3- Interactions on et off line
Autre initiative vouée à un bel avenir : pour créer du trafic
dans ses magasins, Banana Republic a déployé une centaine d'affiches
interactives ; en pointant votre téléphone portable vers l'affiche, Banana vous
donnait des idées de cadeau, vous informait sur les modalités de son service de
livraison, indiquait l'adresse du site web ou le point de vente le plus proche.
Ce système s'étend aux abribus et aux cabines téléphoniques : en passant à
proximité, vous recevrez un bulletin météorologique ou un journal
d'informations personnalisées, le tout saupoudré d'un zeste de publicité. CRQ
lance Cuecat (www.cuecat.com/index.html?mc=cuecat), un stylo-lecteur étonnant
raccordé à votre assistant personnel ou votre téléphone portable. Une publicité
vous intéresse dans un magazine ? Passez votre stylo sur le code barre qui y
figure, le journal vous renverra à la page web du produit. Utilisez-le dans les
rayons d'un supermarché, vous obtiendrez le prix d'un produit et ses
caractéristiques techniques.
4- Le peer to peer (syndication)
Une des illustrations les plus marquantes
d'opportunités inenvisageables sans Internet. Le principe : favoriser les
échanges directs entre internautes, en référençant dans une caverne d'Ali Baba
les produits et savoir-faire qu'ils détiennent ou recherchent. On échange des
produits, mais aussi de la matière grise, des bons plans, des compétences ou
simplement du temps. Napster a promu la distribution et l'accès distribué à des
milliers de morceaux de musique MP3, répartis sur des ordinateurs individuels
interconnectés. Le mode collaboratif a fait des émules : Wetbee installe un
cookie sur votre poste, audite la performance de vos connexions, centralise les
données de ses adhérents et vous donne en contrepartie la cartographie des
temps de réponse planétaires, site par site et région par région. Sur
Affiniteam, une bourse du temps permet d'échanger entre salariés "2 heures de
plomberie" contre "l'installation d'un ordinateur" ou "1 heure de soutien
scolaire". Pointera.com propose un système d'échange de fichiers entre
internautes. Petite variante : zden.com, fondée par le français Denis Harscoat,
rapatrie sur son propre serveur les fichiers partageables et organise l'accès à
un réservoir de connaissances numériques. L'outil de recherche iMesh permet de
localiser et télécharger des images et vidéo, directement à partir du PC
d'autres adhérents. Groove.net vise un positionnement identique en B to B.
5- L'image animée débarque
Dans le film Harcèlement,
Michael Douglas adapte un masque 3D pour consulter des fichiers dont il se
saisit manuellement. Les chercheurs d'Informix travaillent sur un projet
similaire qui pourrait transformer cette fiction en simple anticipation. Les
technologies de compression (telles Divix), de transmission et de projection
tridimensionnelle révolutionnent notre perception du virtuel. La technologie en
vogue a pour nom le High Definition Volumetric Display. Dimensional Media
(www.3dmedia.com/video/vtouch.htm) teste une borne interactive qui projette, à
l'aide d'un jeu de miroirs et de lentilles, l'image d'un produit en 3D.
Elance.com ou le français freelance.com ont lancé des places de marché des
compétences. Le modèle permet de fédérer en équipes virtuelles des acteurs
sous-traitants localisés en Inde ou en Russie. Le site compte 150 000 inscrits
de 140 pays. 6- Tous les modèles de fixation dynamique de prix : aucland, qxl,
Half price... 7- Les hébergeurs d'application ASP, tel Loudcloud. 8- Paypal est
le premier système de paiement par e-mail. Il permet d'envoyer de l'argent
instantanément et en toute sécurité à toute personne disposant d'une adresse
e-mail. 9- Vstore.com développe un concept de galerie marchande original, qui
compte 200 000 magasins à ce jour. Il fédère 1 million de références issues de
centrales d'achat et encourage la création de boutiques en 5 minutes à partir
d'un extrait des produits référencés. N'importe quel internaute peut ainsi
agrémenter la boutique à sa manière. 10- Les jeux en ligne everquest,
ultimaonline, cryo (Venise 100 % Internet) représentent sûrement un modèle
gagnant. L'achat du jeu sous forme de CD-Rom se double d'un abonnement à la
plate-forme. En cas d'attaque du château fort, vous pouvez être prévenu par
Wap. Quel que soit l'avenir des start-up, reconnaissons qu'elles ont apporté un
bain de jouvence au marketing... et quelques remises en cause de marketeurs.