Les allégations santé sous haute surveillance
Il aura fallu 18 mois au BVP, et aux annonceurs réunis en son sein, pour présenter ses premières recommandations concernant les allégations santé dans la publicité. Des règles d'autodiscipline qui touchent tous les secteurs économiques, mais pourraient bousculer l'univers des alicaments.
Finis les amalgames et les présentations publicitaires ambiguës. La
nouvelle recommandation du BVP (Bureau de la Vérification de la Publicité) sur
les allégations santé précise qu'un produit n'est pas un médicament et que sa
communication doit montrer patte blanche avant de s'aventurer dans l'univers de
la santé. « Les préoccupations du BVP rejoignent celles des instances
européennes au sein desquelles, actuellement, un projet de règlement européen
relatif aux allégations santé des produits alimentaires est à l'étude »,
explique Joseph Besnainou, directeur général du BVP. Les messages doivent
désormais être précis, vrais, objectifs et loyaux. Le statut d'un produit doit
être clairement identifiable par le consommateur... Et la publicité ne doit en
aucun cas le présenter comme relevant du domaine médical. Le message doit être
élaboré en tenant compte de la capacité de compréhension du public auquel il
s'adresse. Car certains mots, employés dans le cadre d'une information santé
générale, peuvent être dévoyés par d'autres utilisations s'inscrivant dans une
vision promotionnelle étroite. En matière de preuve, le BVP estime que ni les
témoignages ni les opinions personnelles ne sauraient être considérés comme
recevables. L'allégation doit être en accord avec la nature et l'étendue de
preuves scientifiques recouvrant l'ensemble des données documentaires ou essais
réalisés conformément aux usages en vigueur. Dans ce contexte, une
recommandation émanant d'un ou des membres d'une profession médicale,
paramédicale ou scientifique ne peut s'appliquer au composant d'un produit que
si elle repose sur des preuves scientifiques objectives et vérifiables et
qu'elle ne reflète pas seulement l'opinion personnelle du ou des professionnels
représentés. Parallèlement, la représentation excessive ou trompeuse de
l'action d'un produit sur le corps humain n'est pas non plus autorisée. Il
s'agit d'éviter toute présentation alarmiste ou susceptible de générer des
craintes irrationnelles ou non fondées. La non-consommation d'un nutriment ou
la non-utilisation d'une crème cosmétique, par exemple, n'a généralement aucune
conséquence irrémédiable en termes de santé. La publicité ne doit pas non plus
laisser croire que le produit permet, seul, d'obtenir un résultat quand ce
dernier est lié à l'action conjointe d'autres produits ou au respect d'autres
principes d'hygiène et règles de vie. Un lait fermenté, par exemple, quelles
qu'en soient les qualités, ne peut, à lui tout seul, garantir la santé d'une
personne ou l'immuniser. Pas plus que des eaux minérales ne suffisent à faire
un régime amincissant. Quant à dénigrer d'autres produits en suggérant qu'ils
sont incapables de contribuer à une bonne santé, là encore, veto. Une publicité
vantant les bienfaits d'un yaourt aurait donc mauvaise grâce à sous-entendre
que manger des pizzas est mauvais pour la santé... Enfin, la publicité ne doit
comporter aucune mention tendant à faire croire que le produit possède des
caractéristiques particulières, alors que tous les produits similaires
possèdent les mêmes caractéristiques.
Trop de messages santé et des consommateurs méfiants
Cela fait un moment que l'accroissement des
promesses publicitaires en termes de santé sensibilise pouvoirs publics et
organisations de consommateurs. Et que la France est passée maître dans l'usage
d'allégations fantaisistes. Particulièrement dans la presse magazine où, pour
les seuls mois de juillet et août, près d'une publicité sur trois présente des
allégations santé. On peut y lire que le riz est "le partenaire d'un équilibre
nutritionnel au quotidien". Ou que le train express régional est une "une arme
anti-stress de tous les jours". Mais trop, c'est trop. Et, à la demande de la
Commission européenne, les associations de consommateurs ont mené, dans trois
pays européens, une étude générale sur le sujet. Verdict. Non seulement, ce
surplus d'informations entraîne une confusion et une incohérence du message
dans l'esprit du consommateur, mais il lui fait perdre confiance envers les
acteurs de la santé, puissance publique ou professionnels. Il devient soit très
crédule, soit, au contraire, très méfiant. Jusqu'à se demander s'il n'a pas
tout intérêt à substituer à son traitement médical un produit alimentaire du
fait du bénéfice-santé allégué. C'est le cas d'un patient qui, suivant un
traitement médical pour une hyperlipidémie, a découvert en lisant une
publication médicale grand public, que le médicament qu'il absorbait tous les
jours comportait des effets secondaires. Et qui, inquiet, a cessé son
traitement et choisi de consommer, à la place, une margarine faisant baisser le
taux de cholestérol ! De quoi s'interroger sur la teneur de la communication
des alicaments aux vertus bénéfiques pour la santé. Danone France a retiré en
septembre un des spots de la campagne Actimel qui mettait en scène un enfant
faisant tomber son gâteau dans un bac à sable, le portait à la bouche, mais
était "protégé" des bactéries par sa consommation d'Actimel. Le groupe français
approuve officiellement la démarche du BVP et s'en félicite. Ce qui n'est pas
le cas d'Unilever, premier à s'être lancé sur le marché des produits
fonctionnels en France avec ProActive, margarine réductrice du taux de
cholestérol, et qui préfère, pour l'heure, se dispenser de tout commentaire sur
le sujet.