Les Bratz : au top de l'injonction normative ! C'est clair !
Issues d'une construction marketing d'une grande habileté, les Bratz, nouvelles poupées mannequin, déferlent sur le marché. Si ces produits ne manquent pas d'atouts de séduction, on peut aussi y lire un certain cynisme normatif. N'incitent-ils pas les petites filles à devoir céder à l'injonction normative au détriment de la construction de leur singularité individuelle ? Le débat est ouvert !
Elles s'appellent Sasha, Yasmin, Cloé et Jade. Elles adorent les tenues
excentriques, trop cool, super tendance... Elles parlent le "djeun's", ce
langage mi-Loft Story, mi-banlieue. Elles nous arrivent tout droit des
Etats-Unis, conçues par le fabricant de jouets MGA, et elles s'appellent les
nouvelles poupées mannequin Bratz. Leur nom est emprunté à celui des enfants
des militaires américains qui vivent sur des bases à l'extérieur de leur pays.
Loin de l'univers tout sucre tout miel de Barbie, les Bratz avec leur look un
peu "pétasse" ne voient pas la vie tout en rose, mais en couleurs métissées.
Elles sont branchées mode, musique et accessoires. Elles écoutent Britney
Spears. Elles sont "croques" de Loana. Leur préférence, c'est la tendance. Les
Bratz visent la génération des tween-agers, ces préadolescentes de 9 à 15 ans
qui rêvent de vieillir vite pour ressembler à des petites-femmes-fashion. Mais
elles s'attaquent aussi aux très jeunes entre 4 et 8 ans qui meurent
d'impatience de ressembler à leurs aînées. Lancées aux Etats-Unis et en Espagne
en juin 2001, les Bratz connaissent une ascension fulgurante de parts de
marché. Depuis octobre, elles sont en France. « Nous ne voulons pas
cannibaliser Barbie, mais amener une approche différente. Nous nous adressons
aux tween-agers, qui sont trop âgées pour jouer à la poupée, mais ne sont pas
encore adolescentes. Dans le domaine du jouet, c'est un segment qui s'était un
peu perdu », explique Christophe Drevet, directeur marketing de Bandaï France.
Les Bratz ont été présentées à la grande distribution l'été dernier pour être
référencées parmi les ventes de fin d'année. « Les résultats ont été
excellents. Le public a réagi immédiatement, poursuit Christophe Drevet. Nous
avons lancé une campagne de pub TV en octobre avant les grands encombrements de
Noël. Cela nous a permis de mieux valoriser la spécificité des produits. Nous
avons ensuite lancé un plan presse magazines, tels Salut ! ou Miss Star. Et
nous avons visité les rédactions avec quatre vraies mannequins correspondant à
nos modèles pour mieux marquer les esprits. »
Les prémices d'un univers
Avec leur quatre personnalités différentes, Cloé la
blonde, Jade l'asiatique, Yasmin la maghrébine, Sasha l'africaine disposeront
chacune de tenues différentes qui suivront les saisons de la mode. Les Bratz
font l'objet d'une grande ambition commerciale. « La création d'univers
inspirés de la mode et de la musique est actuellement à l'étude. Aux
Etats-Unis, une production TV sous forme de feuilleton ou de série animée est
en cours. Un programme de licences de produits dérivés, vêtements, papeterie,
cosmétique, téléphonie mobile et multimédia, va être mis en place », indique
Christophe Drevet. Avec leurs têtes surdimensionnées aux lèvres pulpeuses
façon "Hot d'or", leur silhouette anorexique, leur taille et leurs hanches
étriquées et leurs seins calibrés, les Bratz ne risquent-elles pas de donner
des complexes à des petites filles en pleine transformation de leur corps ?
L'univers des jouets de garçons est voué aux agencements, à l'action, à
l'imagination et à la transformation du monde. Avec Barbie, les filles étaient
reléguées dans un monde mièvre de bourgeoise d'intérieur, les Bratz leur
proposent-elles des référents féminins qui tiennent mieux compte des réalités
de la vie contemporaine ? Le sexisme a de beaux jours et de belles finances
devant lui. C'est normal, la mode et la zique, y a que ça qui m'intéresse...