Le sexe du packaging
Si les anges n'ont pas de sexe, en est-il de même pour les marques et les packagings ? Si nous observons la présentation d'un produit pour une cible tantôt masculine, tantôt féminine, nous constatons des différences nettement marquées.
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Aujourd'hui, dans le rayon hygiène beauté, l'offre est segmentée selon
l'âge, mais aussi en fonction du sexe de l'utilisateur final. Ainsi, Nivea qui
a construit son succès à partir de sa boîte de crème bleue, le produit familial
et transgénérationnel par excellence, inscrit sous son logotype “Baby”, “
Young”, “Vital” pour indiquer la tranche d'âge de la cible à qui s'adresse son
produit, “Men” pour signifier le sexe. Durant ces dix dernières années, pour
conquérir les hommes, de nombreuses marques de produits cosmétiques ont adopté
cette approche sexuée. Nous ne comptons plus les “Homme”, “Men”, …, sous les
logotypes des grandes marques de la beauté. Cette tendance a permis aux
designers d'affiner la perception et les attentes des femmes et des hommes en
matière de packaging. Lorsque la marque désigne nommément sa cible
utilisatrice comme Hom, Monsieur, Mennen, ou Elle, Chipie, Nana, le passage
vers l'autre sexe sera quasiment impossible. Cependant, les femmes semblent
avoir moins de complexe à s'approprier des marques d'apparence exclusivement
masculine, que les hommes à adopter des marques trop féminines. Hugo Boss et
New Man, ont, par exemple, su trouver leur cible féminine. C'est sans doute une
des raisons qui explique que les femmes s'habillent sans complexe avec la
marque “Comme des Garçons”. Alors que si la marque “Comme des filles”, si elle
existait, ne serait pas promise au même succès ! S'adresser aux hommes à
partir d'une marque d'origine féminine reste néanmoins possible. A condition
toutefois de respecter quelques préalables.
Evocations et matières
La marque doit jouir d'une forte notoriété et proposer
des produits dont l'expertise est globalement reconnue sur son marché. En
outre, si son nom reste ouvert à la mixité, l'offre produit doit apporter un
bénéfice d'usage non équivoque à la nouvelle cible du sexe opposé. Il
conviendra alors, d'indiquer d'une manière adaptée et visible la mention “
homme” ou “femme” sous le logotype de la marque d'origine. Gillette avec
“Gillette pour Elle” est un cas exemplaire. Le logotype féminin est quelque peu
différent. Il est plus raffiné, élancé et permet à la femme de se repérer, mais
surtout, il rassure l'homme sur sa virilité. Au-delà de la modification du
logotype, le designer dispose de beaucoup d'autres moyens pour donner un sexe à
l'offre via son packaging. - Sa forme : une géométrie plus rigide pour un
homme, qui exprime technicité et efficacité du produit. Pour la femme, elle est
plus ronde, plus petite, anatomie de sa main oblige. Elle doit savoir conjuguer
plaisir, douceur et facilité d'utilisation. - Sa matière : l'homme a une
approche tactile fonctionnelle du packaging. Alors que l'approche féminine est
plus sensuelle, elle préfère les surfaces satinées, sans aspérités, d'où le
succès des aspects “soft-touch”. - Sa couleur : pour l'homme, elle est la
représentation de son statut social ou d'une performance du produit. Le noir,
le gris, le bleu foncé, le rouge et tous les effets métallisés demeurent des
valeurs sûres. La femme ose toutes les teintes, car pour elle, c'est avant tout
une affaire d'esthétisme, un jeu de séduction. - Ses visuels : ils ont une
fonction clarificatrice pour renseigner sur l'action du produit, sa texture
pour un packaging masculin. Côté femme, ils seront plus évocateurs du résultat
et des sensations. - Enfin, les textes : pour les produits masculins, les
appellations et les promesses sont directes et factuelles. Pour les femmes
elles sont beaucoup plus suggestives, parfois assez vagues. Lorsque que Mennen
parle de “Déodorant Contrôle H-24 – Fraîcheur intense – Parfum longue durée –
Musk”, pour la même fonction, Bourjois Grain de beauté nous donne du “Déodorant
Douceur – Protection 24H – Parfum tendre & Frais – Aux extraits doux de
fleurs”. En fait, les packagings restent ancrés sur des concepts de rendement
et de paraître pour un homme qui en a une vision fonctionnelle et rationnelle,
alors qu'ils surfent sur des notions d'évocations de résultat et de bien-être
pour une femme qui les perçoit de manière plus esthétique et sensuelle.