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Le packaging, marque de singularité

Dans une économie où es différences entre es produits se font quasi imperceptibles, le packaging constitue un formidable outil pour se démarquer. Focus sur un levier stratégique complexe aux usages multiples.

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@ © pixelcaos - Fotolia.com

Près de 4 millions de bouteilles, toutes différentes et numérotées! Absolut Vodka la joue grandiose. En cette fin d'année, chaque acheteur peut s'offrir une bouteille exclusive au prix habituel. La célèbre marque suédoise de vodka du groupe Pernod-Ricard n'a pas lésiné en repensant toute sa ligne de production. Montant de l'investissement? Secret Défense. « En exprimant sa singularité au pluriel, Absolut Unique illustre son esprit avant-gardiste, son engagement pour la création revisitée par les artistes les plus célèbres au monde, dont Andy Warhol », déclare la division marketing. Un exemple emblématique qui confirme, s'il en était besoin, combien le packaging reste un vecteur de différenciation et un précieux soutien du marketing. « Le packaging est devenu le principal support stratégique d'une marque, peut-on lire dans «Packaging. Toutes les étapes du concept au consommateur Jean-Jacques Urvoy, Sophie SanchezPoussineau et Erwan Le Nan, Ed. Eyrolles. ». Il permet de sortir du lot, de se distinguer sur des marchés où les différences intrinsèques entre les produits sont de moins en moins perceptibles et où, souvent, le prix demeure le principal critère d'achat. Une simple évolution de l'emballage peut parfois paraître plus efficace qu'une amélioration du contenu et permettre de gagner des parts de marché. » A l'emballage d'assumer le lourd rôle de l'acteur principal chargé de convaincre, en une poignée de secondes, le consommateur perdu face au linéaire.

Annette Freidinger (experte en emballage): « Avec le vieillissement de la population, on demandera de plus en plus à l'emballage de faire le geste à la place du consommateur. »

Annette Freidinger (experte en emballage): « Avec le vieillissement de la population, on demandera de plus en plus à l'emballage de faire le geste à la place du consommateur. »

Le high-tech à la rescousse

Pour sortir du lot et retenir l'attention, les marques jouent sur plusieurs registres. A commencer par les concepts fondés sur une technologie pointue. La cosmétique est ainsi friande d'innovations techniques. Tel le mascara vibrant Pulse Perfection (Gemey Maybelline). De la high-tech au sens strict: 100 vibrations à la seconde. « Ce mascara se substitue au consommateur en faisant le geste à sa place », observe Annette Freidinger, expert international en emballage et conditionnement, et consultante du salon international de l'emballage 2012Le salon de l'Emballage 2012 a lieu du 19 au 22 novembre à Paris-Nord Villepinte. . Tous les grands du maquillage et du soin dotent ainsi leurs produits d'applicateurs pour en faciliter le maniement. « On est au coeur du design fonctionnel, ou inclusive design, poursuit Annette Freidinger. Avec le vieillissement de la population, on demandera de plus en plus à l'emballage de «reproduire» les gestes que nous faisons. Il s'agit d'une tendance émergente appelée à se développer. » La nouvelle languette du Nescafé de Nestlé, à l'origine conçue pour les personnes atteintes d'arthrite, s'inscrit dans ce registre. La technologie est également convoquée pour répondre au nomadisme. La cosmétique et la parapharmacie l'ont bien compris, qui développent des gammes de dosettes à l'unité. Idem pour l'agroalimentaire. En 2009, Sodebo joue la rupture au rayon frais avec les PastaBox (17 millions d'unités vendues en 2012). Un nouveau concept de pâtes fraîches cuisinées et proposées dans un double emballage: une boîte en plastique intégrée dans un packaging en carton évocateur d'un univers gourmand. On place le tout dans le four à micro-ondes (on ne se brûle pas, grâce au carton) et on consomme, à la maison comme au bureau. Même logique pour My Soup, une gamme de soupes gourmandes que la PME vendéenne lance actuellement. De même, CGL Pack lance le concept de «Press n'Shake» pour barquettes et bols de salades. Il suffit d'une pression sur le compartiment réservé à la sauce pour que celle-ci se libère dans la salade. On secoue et le tour est joué sans se salir les doigts.

Fabrice Peltier (Diadeis): « Le carré Elsève, présent sur tous les produits de la marque, favorise la reconnaissance visuelle en linéaire. »

Fabrice Peltier (Diadeis): « Le carré Elsève, présent sur tous les produits de la marque, favorise la reconnaissance visuelle en linéaire. »

Légendes de marques

Pour se démarquer, les codes graphiques, l'humour et les légendes demeurent des valeurs sûres. « Des éléments de la charte graphique peuvent créer la forme dans la forme, conseille Fabrice Peltier, expert design design Diadeis. Le carré Elsève, présent sur tous les produits de la marque, favorise la reconnaissance visuelle en linéaire. » Il en va de même pour les couleurs, dont certaines sont associées indéfectiblement à diverses marques: le jaune de Lipton, le violet de Milk... «Autant de codes qui permettent d'émerger de la masse », confirme Fabrice Peltier.

C'est aussi, en 2010, Monoprix qui déclare «Non au quotidien quotidien» pour ses produits d'entrée de gamme en effectuant un lifting complet de ses emballages. « L'enseigne réenchante la réalité, explique Nicole Lucot-Maitrot, directrice de Thema Design. Une stratégie opérée pour les gammes de produits de base de l'enseigne. C'est tout un jeu autour de la visibilité de l'écriture et de l'humour. » Ainsi pour la pâte feuilletée, Monoprix annonce « Elle beau être bien roulée, elle a quand même l'air tarte. » Sur le registre de l'humour, le champagne Veuve Clicquot n'est pas en reste avec son coffret en forme de boîte de sardines, clin d'oeil à l'histoire de la marque. « Chaque nouveau packaging permet de faire redécouvrir leur champagne. Cela fait plusieurs années que ce producteur suit cette démarche », précise Nicole Lucot-Maitrot. Le packaging reste aussi un excellent vecteur pour raconter une histoire. « Il peut écrire la légende de la marque, rappelle Fabrice Peltier. Il simplifie et amplifie dans un même temps pour se démarquer.» Tel le très américain pain Harry's, originaire de... Châteauroux. Quand certains manient la rupture, d'autres préfèrent rester dans les codes du marché pour s'installer. C'est ainsi que Lachaud a opté pour les codes du haut de gamme pour lancer sa gamme Truffe du Périgord. « Nous avons travaillé la notion d'écrin et de scellé, explique Stéphane Frant, directeur associé chez Ilô Créatif. Les couleurs sobres - argent, doré et noir - mettent en avant cet or noir périgourdin aussi aromatique que rare. » Pour finir, en termes de prospective, les nouvelles formes de commerce, l'e-marketing ou bien le drive, pourraient bien dicter à l'emballage ses nouvelles tendances. A l'horizon, une redéfinition du marketing et du prêt à vendre.

Nicole Lucot-Maitrot (Thema Design): « L'enseigne Monoprix a réenchanté la réalité par un lifting de l'emballage de ses gammes de produits de base. »

Nicole Lucot-Maitrot (Thema Design): « L'enseigne Monoprix a réenchanté la réalité par un lifting de l'emballage de ses gammes de produits de base. »

Vincent Ferry (Danone): « Pour Kiss, notre nouvel emballage, qui couvrira 65 % e nos volumes, l'axe identitaire a été une priorité. »

Vincent Ferry (Danone): « Pour Kiss, notre nouvel emballage, qui couvrira 65 % e nos volumes, l'axe identitaire a été une priorité. »

« Moins nous utilisons de pots, plus notre message est clair »

Interview...
Vincent Ferry, chef de groupe emballage produits frais, Danone France


Marketing Magazine: Que représente l'activité emballage de Danone France en matière de produits frais?


Vincent Ferry: Les produits laitiers frais représentent, chaque année, 5 milliards d'unités consommateur produites dans nos cinq usines françaises. Soit 14 millions d'unités consommateur par jour. Ces chiffres soulignent l'importance du packaging au sein du groupe et notre souci d'efficacité et d'optimisation. En matière environnementale, Danone, n°1 mondial des produits laitiers frais, reste très mobilisé. Le groupe s'est engagé à réduire de 30 % son empreinte carbone entre 2008 et 2012. Fin 2011, Danone Produits frais France avait déjà réduit de 27,5 % son empreinte carbone. En 2010, nous avons engagé un travail collectif pour supprimer le suremballage, notamment sur les lots de 4 des marques Activia et Taillefine. Soit 1 600 tonnes de carton économisées par an, et 2 500 tonnes d'équivalent CO2. En 2011, nous avons travaillé sur les lots de 8, 12 et 16 d'Activia, Taillefine, Danone Nature et Recette crémeuse aux fruits. Soit 1 000 tonnes de carton économisées et 1 800 tonnes d'équivalent CO2. Cela signifie qu'il a fallu se réorganiser sur le plan industriel mais aussi repenser le graphisme du design.


Vous venez de lancer Kiss, un nouvel emballage «révolutionnaire». Comment l'avez-vous conçu?
Nous nous sommes lancés en 2009 dans ce vaste chantier pour marquer notre différence et valoriser l'identité de la marque. En effet, moins nous avons de pots différents (une vingtaine à ce jour), plus le message est simple et clair. D'où la décision de réinventer le packaging. C'est à Kiss, pour «Keep it Simple and Safe», de prendre le relais. Pour le lancement de cet emballage, qui couvrira à terme 65 % de nos volumes, nous nous sommes inspirés de nos fondamentaux. En rappelant que la marque Danone reste unique, spécifique et impossible à confondre en rayons. L'axe identitaire a donc été une priorité. Au final, un emballage ergonomique, tout en rondeur, qui incite à la gourmandise, facile à saisir, à tenir. Ce tournant industriel va toucher quatre de nos cinq usines françaises. Cela représente un coût de plusieurs dizaines de millions d'euros. D'ici à 18 mois, nous aurons modifié 20 de nos 46 lignes de production.

Marie Lejeune-Piat

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