Le marché du café portionné égrène ses innovations
Une révolution semble enclenchée au sein du marché des dosettes et autres capsules de café. Alors que tous les acteurs semblaient campés sur leurs positions et accrochés à leur part du gâteau, une enseigne de distribution vient de semer le trouble. Le groupe Casino a, en effet, lancé à l'automne sa propre machine à expresso et ses dosettes associées. Pour investir ce marché, le groupe stéphanois a fait appel à l'expertise de Malongo. Ses connaissances de torréfacteur et son savoir-faire au niveau des machines ont garanti la mise en circuit des nouveaux produits. La collaboration a mis près d'un an et demi à se concrétiser. Pendant cette phase de développement, la machine a été entièrement conçue avec un design exclusif. «Les marques de distributeurs ont la réputation de s'inspirer fortement des marques nationales au niveau de l'esthétisme des produits. L'objectif de notre lancement était de montrer que nous avions la possibilité, au même titre que les grands acteurs du marché, de développer des produits originaux, innovants et de qualité sous notre marque propre», explique Solenn Bouquerel, chef de produit petit électroménager chez Casino. Certes, le marché du café portionné se montre fortement concurrentiel. Pour autant, aucun distributeur n'avait jusqu'à présent ouvert la brèche, une opportunité à laquelle Casino n'a pas résisté. Car avec près de 260 millions d'euros de chiffre d'affaires en valeur générés par les ventes du précieux nectar, le marché s'avère juteux. Côté consommateur, l'accessibilité prix de la proposition (99 euros en moyenne) devrait permettre de capter une nouvelle frange de la population. D'ailleurs, pour mettre en avant son positionnement «bon marché», le distributeur a organisé fin octobre un lancement attractif dans près de 100 magasins de l'enseigne. En l'occurrence, Casino a offert à ses clients, pour l'achat d'une machine, l'équivalent de trois mois de consommation en dosettes.
Les initiatives se multiplient
Casino n'est pas la seule à prendre des initiatives promotionnelles. Malongo, pour son propre compte, a profité de la période de Noël pour offrir, lors de l'achat d'une machine, une deuxième machine pour un euro supplémentaire. La démocratisation du système de café en dosettes n'est pas récente. Senseo a permis le décollage de l'ensemble de la filière il y a près de sept ans avec ce credo. Et Nespresso a largement bénéficié de ce coup de pouce. Tous moyens sont bons pour sortir du lot. Et chacun se lance dans la compétition avec ses arguments, en valorisant sa différence. Aujourd'hui, l'alliance entre Maison du Café et Philips se bat notamment en diversifiant sa gamme. Avec 18 références et notamment un vaste choix de cafés gourmands, les marques souhaitent faire partager les boissons chaudes au plus grand nombre tout en conservant la simplicité d'utilisation du système. Le virage multiboissons a ainsi été pris dans l'optique de répondre à une demande récurrente effectuée auprès du service consommateurs. Sa dernière innovation, Chocobreak (une boisson chocolatée) vise à capter l'intérêt des ados et des enfants. «Notre produit se veut familial. Il y a un côté ludique pour les plus jeunes, qui peuvent reproduire le geste de leurs parents », précise Martine Loyer, directrice marketing du groupe Sara Lee. Le côté transgénérationnel et universel du concept se déploie jusque dans la communication à la télévision et à la radio.
Senseo a également, en toute vraisemblance, adopté cette stratégie par opportunisme. Et elle n'est pas un cas isolé. D'autres ont pris la même résolution et misé sur la diversification. Le pionnier Tassimo, né au départ de la rencontre de Braun et de Kraft Foods, avant que les machines ne soient l'an passé confiées à Bosch, a toujours mis en avant sa capacité à innover. Pas de doute pour le directeur de la marque, Bertrand Goursolle : « C'est aussi, à l'avenir, ce qui a le plus de chances de tirer la croissance. » Tassimo garde donc une longueur d'avance. Etre pionnier a parfois du bon. Aussi, la marque se fixe-t-elle désormais comme objectif de ne pas perdre de vue son ADN et son positionnement. Ce dernier étant conforté par le nombre croissant de concurrents sur ce segment : «Nestlé avec Dolce Gusto s'est doté d'un système multiboissons en 2006 et prouve la cohérence de ce positionnement », illustre Bertrand Goursolle.
D'ailleurs, chez Tassimo, tout est mis en oeuvre pour satisfaire le besoin d'expériences différentes et de variété des consommateurs : nouvelles sortes de thé, café Starbucks, boisson chocolatée au lait Milka venue compléter l'offre Suchard... Avec «Together is Better» comme signature, les choses sont claires : chacun peut adapter sa consommation au gré de ses envies. Et puis, à mesure que la gamme s'élargit, la cible potentielle fait simultanément une poussée de croissance. Comme le précise à juste titre Stéphane Lippmann, directeur général de Saeco, partenaire de Lavazza dans l'aventure A Modo Mio : «Les femmes ne sont désormais plus les seules à choisir la machine à expresso. Cette dernière est devenue en quelques années un produit ménager spécifique et les hommes sont de plus en plus impliqués et intéressés par cet achat. » De quoi inviter l'ensemble des constructeurs à se poser des questions sur l'esthétique de leur produit mais aussi sur la communication associée.
La qualité et le goût du café demeurent les paramètres essentiels de choix. Et, en la matière, les promesses ne manquent pas d'originalité. En effet, Saeco et Lavazza proposent un café authentiquement italien, Nespresso invite à la découverte de ses grands crus, Malongo décline une gamme d'origines et des mélanges... «La qualité est exceptionnelle. On reconnaît le goût des différents produits. Chez certains concurrents, tous se ressemblent malgré V utilisation de couleurs pour distinguer les dosettes entre elles», ironise Jean-Pierre Blanc, PDG de Malongo.
Malongo s'appuie sur ses valeurs de marque, notamment l'aide aux petits producteurs.
Senseo a fait le choix de Pélargissement de sa gamme de boissons, notamment avec un chocolat chaud.
refus d'uniformisation
Rien ne vaut alors la dégustation pour choisir son camp. Nespresso l'a d'ailleurs constaté : la marque acquiert un nouveau client sur deux grâce au bouche à oreille. Le café s'apparente à un produit de convivialité fortement lié à la dimension plaisir. De fait, la découverte d'un cru se fait souvent dans le cercle proche. «Nous avons d'abord été innovants et révolutionnaires. Désormais, nous avons envie défaire connaître nos offres au plus grand nombre», précise Thérèse Aldebert, directrice marketing de Nespresso. Pour autant, la marque garde un esprit exclusif accentué par un prix de vente qui peut représenter une barrière pour certains consommateurs. Néanmoins, ils ont la possibilité de se rabattre sur d'autres produits, et notamment sur ceux de Dolce Gusto (également propriété de Nestlé). «Nespresso demeure un standard du marché et apporte la qualité professionnelle à la maison. Les autres fournissent une offre différente», atteste Thérèse Aldebert. Ces derniers ont d'ailleurs bien compris la nécessité de ne pas se montrer trop «segmentants» ou élitistes. «Senseo reste démocratique et accessible. Il veut plaire à un maximum de personnes », confirme Martine Loyer. Mais abordable ne signifie pas que les machines n'ont pas de style. Au contraire, toutes les marques réalisent des efforts pour s'adapter aux goûts des clients. «Nous n'avons pas d'ambition majeure en matière de décoration. Nous souhaitons avant tout rester proches des consommateurs, concevoir des design qui leur plaisent et non vendre des objets d'art à 1 000 euros», intervient Bertrand Goursolle. Avec sa machine T20 sortie en septembre, Tassimo entend s'offrir les faveurs des jeunes (2535 ans), des célibataires ou encore des couples sans enfant, grâce à son look résolument moderne et branché. D'ailleurs la disponibilité de kits couleurs (bleu turquoise, vert anis, rouge ou marron) destinés à customiser et à égayer la machine devrait convaincre la cible. Si bien que Bosch et Kraft Foods se fixent comme objectif d'écouler près de 200 000 exemplaires de ce modèle d'ici janvier 2010. De leur côté, Lavazza et Saeco (A Modo Mio) ont élargi leur offre de machines à capsules. A travers une palette de coloris «punchy» aux accents pop art, les deux partenaires entendent réveiller les cuisines. La tendance penche donc en faveur de la couleur. Les acteurs rivalisent d'imagination pour offrir au consommateur une large palette. Les machines s'adaptent à tous les intérieurs et se dotent d'une fonction décorative. Les fêtes de fin d'année, moment-clé pour les ventes de machines (au même titre que la fête des Mères et la fête des Pères) ont ainsi vu les coloris se démultiplier.
Les lignes urbaines ont aussi les faveurs du grand public. Senseo avec Quadrante a lancé une machine plus petite et compacte. CitiZ de Nespresso, d'une largeur de 13 cm, s'intègre parfaitement dans les espaces restreints. Son design rétro-moderne et architectural évoque Chicago et l'esprit années quarante. La machine, toute en longueur rappelle les buildings des grandes métropoles. « CitiZ reflète et anticipe les nouveaux styles de vie», explique l'entreprise suisse. Casino a, pour sa part, opté pour des lignes épurées et des tons chocolat dans l'air du temps.
Lavazza voit la vie en couleur aussi bien pour ses machines que pour sa communication.
Fibre écolo
Outre leur rôle esthétique, les machines sont aussi de plus en plus pointues sur le plan technologique. La T20, par exemple, possède un indicateur de détartrage et un système de nettoyage vapeur automatique entre les boissons. Elle est aussi équipée du système thermoflux qui supprime le temps d'attente entre la préparation de deux boissons. Les machines Malongo - et Casino - disposent, quant à elles, d'un filtre Brita intégré pour ne pas dénaturer les arômes du café. D'autre part, elles fonctionnent avec plus de 15 bars de pression tout comme celles de Nespresso et de Dolce Gusto. Les autres se contentent d'un bar et d'un système de semi-filtration. Et «si elles ne fournissent pas un véritable expresso, elles ont été parfaitement marketêes», indique Jean Pierre Blanc. Malongo s'appuie en outre sur ses valeurs de marque pour promouvoir son travail. L'éthique fait partie intégrante de sa philosophie. Ainsi, il aide les petits producteurs à développer leur culture, contribue à rendre leur vie digne et leur permet d'accéder au marché dans des conditions acceptables. Le consommateur en attente de pratiques responsables sera séduit par la démarche de Malongo, d'autant plus que les dosettes sont fabriquées en papier naturel et donc entièrement recyclables. «Derrière les systèmes de café portionnê, émerge une véritable problématique écologique. Certains utilisent l'argument du développement durable et cela est plutôt "gonflé" dans la mesure où l'aluminium est effectivement recyclable, mais uniquement en bloc», prévient Jean-Pierre Blanc.
Mais Nespresso, implicitement visé C3 par ce propos, ne considère pas les choses sous le même angle et se félicite, au contraire, de ses avancées concernant la problématique environnementale. Depuis fin 2009, 1 000 points de vente récupèrent en effet les capsules afin de les retraiter. Plus largement, le groupe s'est investi dans la mise en place de la plateforme Ecolaboration. Cette dernière engage la marque sur le chemin de l'innovation durable pour ses cafés, capsules et machines. D'ici 2013, la filiale de Nestlé entend tripler ses capacités de recyclage des capsules usagées, réduire de 20 % l'empreinte carbone associée à chaque tasse de café et assurer que 80 % des crus proviennent de son programme AAA (garantissant la qualité des grains et la profitabilité de leur exploitation aux producteurs) . Au final, même si la compétition est rude, chaque acteur du café prédosé doit continuer à travailler sur ses arguments pour grignoter de nouvelles parts de marché. En revanche, les nouveaux entrants ont tout intérêt à se montrer convaincants et innovants, au risque de boire la tasse !
Volontairement urbaine, Citiz de nespresso s'intègre même dans les espaces réduits.