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Le magazine, nouvel eldorado des gratuits ?

Le modèle de la presse gratuite est-il extensible à l'infini ? La question se pose avec d'autant plus d'acuité que cette famille s'attaque au bastion de la presse magazine qui est beaucoup plus étanche que celui des quotidiens.

Publié par La rédaction le
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Les hommes encore réticents à lire la presse payante qui leur est dédiée craqueront-ils pour un gratuit au masculin ? Hervé Pointillart, qui s'apprête à lancer Homme en Ville, n'en doute pas. « Ils hésitent effectivement à ramener à la maison un journal truffé de sujets sur le sexe, estime-t-il. Nous allons faire le pendant de Femme en Ville, en y traitant de gestion de carrière, de patrimoine, de voyages, de gastronomie, bref de sujets qui leur parlent vraiment. Homme en Ville sera mis en place à 300 000 exemplaires, soit 200 000 de moins que Femme en Ville, mais ce tirage le met loin devant la plupart des masculins payants. » Le raisonnement de l'ex-P-dg de 20 Minutes est le même que celui tenu pour le lancement du mensuel féminin, qui sort son n°4 en décembre : « Il y a une place sur les segments où existent une manne publicitaire et la capacité de faire des diffusions plus importantes que celles de la presse payante. C'était déjà vrai pour les féminins haut de gamme dont aucun ne dépasse les 500 000 exemplaires. » Et ce dernier de mettre en avant le score de Femme en Ville, qui génère une trentaine de pages de publicité pour quatre-vingt-dix de rédaction. Distribué à égalité entre Paris et la province dans les réseaux des magasins du Printemps, de Parashop, Orcanta, des salons de Jean-Louis David et des restaurants Lina's, le titre compte même quelque 600 abonnés payants (10 E par an).

Segmentation calquée sur les payants


A la différence des quotidiens qui font face à des titres en perte de vitesse, ce type de gratuit vient croiser le fer avec une presse magazine fortement implantée. « Même s'il existe un certain nombre d'initiatives de magazines gratuits plutôt réussies, on ne peut pas comparer la puce et l'éléphant, entre les deux milliards de magazines vendus et les quelque millions de gratuits, estime Luciano Bosio, directeur général de Carat Expert. Tant que les gens achètent, il est difficile d'avoir un vrai succès en gratuité. Et la situation est identique hors de France. Aucun pays n'a vu émerger de réel segment impactant, à la différence des quotidiens qui ont su prendre une vraie place. » Et Agnès Hautbois, responsable du médiaplanning de BBDO Paris, d'ajouter : « Le lectorat potentiel est là, les réseaux de distribution aussi. Mais, face à une presse féminine qui fonctionne très bien, je crains la fausse bonne idée. Sans parler de la difficulté de constituer un plan médias dépendant du fait que les lecteurs vont dans les points de vente dépositaires. » Ces incertitudes n'empêchent cependant pas le développement d'initiatives tendant à segmenter le marché en fonction des cibles ou des centres d'intérêt, à l'instar de ce qui existe en presse magazine payante. C'est, par exemple, le cas de Flavor, destiné aux filles de 18-25 ans qui aiment à la fois la glisse et la mode. « C'est effectivement un magazine féminin, mais sans le côté niaiseux et avec l'insolence en plus, ce qui fait que le titre peut également être lu par les garçons », précise Estelle Surbranche, sa rédactrice en chef. Tiré à 30 000 exemplaires, ce bimestriel est diffusé dans 350 magasins de référence comme Colette, Kiliwatch, les salons de coiffure Tony &Guy, des galeries, etc. « Nous proposons des magazines de niche qui prouvent que l'on peut rivaliser en qualité avec les payants », annonce Bruno Débauché, cofondateur du groupe Brotherhood Communication, qui édite aussi deux autres bimestriels gratuits : Beachbrother, axé sur la glisse, et Spray, sur l'univers du graphisme et de la musique. Un titre comme Autodeclics, bimestriel dont le n°4 paraît début décembre, n'a pas hésité à s'attaquer au très juteux secteur automobile. Distribué à 150 000 exemplaires sur Paris et sa région, il s'appuie essentiellement sur le réseau de colportage de Metro et a également établi des partenariats avec des enseignes ciblées (auto-écoles, assurances, location de véhicules…).

Les “historiques” résistent


Mais, pour l'instant, seuls quelques magazines ont réussi à s'implanter véritablement. Ainsi, François Rossignol, l'un des trois associés-fondateurs de Sport, se félicite que « la thématique du sport et des loisirs ne soit pas encore attaquée et ce malgré les déclarations d'intention. Le marché publicitaire nous décode comme complément de L'Equipe Magazine, ce qui n'est pas forcément ce que l'on souhaite, l'un étant un navire de guerre quand nous sommes plutôt une vedette rapide. » D'après François Rossignol, Sport a su générer plus de 60 % de lecteurs exclusifs. « Dragué, dit-il, par des éditeurs de presse quotidienne payante pour être leur supplément », Sport est déjà présent comme tel dans le Journal de l'île de la Réunion du groupe France-Antilles. Dix-huit mois après sa naissance, Newzy fait également partie des magazines gratuits qui ont su rencontrer leur public. Trimestriel, puis bimestriel depuis le printemps avant de passer mensuel en mars prochain, le titre est le seul à cibler les cadres actifs en entreprises. L'hebdomadaire Economie Matin, toujours en rodage, étant plus axé sur une actualité économique destinée au plus grand nombre. « Nous avons particulièrement travaillé notre distribution pour être aujourd'hui diffusé à 80 % par abonnement nominatif au sein des entreprises, raconte Côme de Chérisey, directeur de la régie interne. Nous touchons 80 % des entreprises franciliennes de plus de 200 salariés. » L'an prochain, Newzy entamera le chantier de la distribution nationale en s'axant toujours sur l'abonnement nominatif et en ciblant, non pas les villes comme nombre de titres, mais les entreprises. Comme le note, en souriant, Côme de Chérisey, « la presse gratuite n'en a que le nom, car sa diffusion coûte très cher ». Un avis partagé par Hervé Prouteau, cofondateur et directeur de publication d'Infrarouge qui, dès l'origine, a eu la volonté d'implanter son journal dans des lieux haut de gamme. Créé il y a six ans, « ce qui fait un peu de nous les dinosaures de la presse gratuite », sourit-il, le mensuel d'information sur la nuit est diffusé dans près de 1 500 lieux à la mode (restaurants, bars, clubs, hôtels, salons de coiffure…) à Paris et dans neuf grandes villes (Lyon, Marseille/Aix, Toulouse, Rennes, Bordeaux, Montpellier, Lille et Strasbourg). Il est également offert dans huit grandes stations de sports d'hiver et cinq des stations balnéaires les plus prisées par sa cible. « Le seul fait d'être gratuit ne suffit plus. Il faut maintenant aller plus au-devant des gens quand on veut se battre pour rester référent dans son domaine », note Hervé Prouteau. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'Infrarouge développe une activité de street marketing, indépendante de son réseau de distribution habituel, en proposant de réaliser un certain nombre d'exemplaires aux couleurs exclusives d'une marque, comme ce fut le cas en septembre pour SFR.

La hype attitude a ses gratuits


En mars prochain, les arrondissements les plus chics de la capitale accueilleront trois trimestriels gratuits, sobrement baptisés Un, Six et Huit. Lancés à l'initiative de Michel Rivière, ex-Condé Nast et Hachette, ces magazines jouent la proximité et la connivence avec des cibles… très ciblées et très haut de gamme, tout en affichant des partis pris différents selon les arrondissements. « L'esprit rive gauche et l'esprit rive droite ne sont pas comparables. Les titres colleront donc à des profils socioculturels différents. Ils joueront la proximité d'esprit et de lieu », indique Michel Rivière. Diffusés à 25 000 exemplaires, dans des circuits exclusifs et sélectifs (chambres d'hôtel, boutiques de luxe et autres lieux de la hype attitude), ces magazines, qui se donnent pour objectif de faire revivre l'esprit du luxe, ont fait l'objet d'un marché-test il y a deux ans.

La vague des City Guides


Cible de choix pour les payants, les urbains en quête de bons plans en tout genre le sont également pour les gratuits. Deux nouveaux titres viennent encore de s'engouffrer dans la voie ouverte par A Nous Paris. Le premier, baptisé sobrement EnVille, est une émanation du Urban italien, mensuel haut de gamme né il y a deux ans à Milan. Le mensuel français, lancé en octobre, est diffusé à 150 000 exemplaires dans trois cents points de distribution exclusifs du réseau OFR à Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille et Toulouse. Moins sélectif, plus axé sur les loisirs familiaux, ParuVendu (groupe Comareg) complète son poids sur le marché de la presse gratuite de petites annonces par un nouveau concept mixant 16 pages de contenu rédactionnel à 40 pages de petites annonces. Il est distribué par colportage chaque jeudi à 700 000 exemplaires dans 550 points de diffusion sélectionnés. Les gays et gays friendly auront noté le changement de formule de Je Paris, lancé il y a un an par Hima Média et La Dépêche du Midi. Au programme : un tirage augmenté à 80 000 exemplaires contre 50 000 précédemment, et une pagination élargie à 40 pages couleur dans un format plus petit.

La rédaction

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