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Le halal en voie de (re)connaissance

Maggi, Fleury Michon, Isla Délice, Zakia Halal... industriels et distributeurs, en MDD (Wassila de Casino) ou concept (Hal'shop), affinent leurs offres halal. Et suscitent, parfois, la polémique.

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Février 2010, Quick teste un hamburger «100 % halal» dans huit de ses restaurants et décide, début septembre, d'élargir l'offre à 14 autres fast-foods. Juste avant le ramadan, le 2 août, Isla Délice lance sa campagne affichant un boeuf et un poulet «Fièrement halal»... la polémique enfle. Halal signifie «licite», par opposition à haram «défendu». Le Coran interdit la consommation de porc et ses dérivés, de viande non sacrifiée selon le rituel musulman, de certains ingrédients (gélatine, graisses animales...) et d'alcool. Il faut dire que le sujet est sensible. Pendant longtemps, les marques halal ont fait profil bas, hésitant entre l'ethnique et le religieux. Aujourd'hui, les mentalités évoluent. En France, les musulmans pratiquants veulent pouvoir respecter leur tradition et avoir accès à une offre halal diversifiée. « Ce sont eux qui portent le développement de ce marché. 70 % consomment de façon très stricte », précise Abbas Bendali, directeur de l'institut d'études Solis, spécialisé dans la connaissance et l'analyse des comportements des populations issues de l'immigration, qui vient de lancer avec Nielsen une étude sur le marché halal. L'étude comporte deux volets: les données panel Nielsen et une étude quali Solis (marché, cible, comportements d'achat, etc.) réalisée début 2010 en face à face sur 1648 personnes dans quatre régions où se concentre la population musulmane (Ile-de-France, PACA, Rhône-Alpes et Nord). . On compte en France 5 millions de consommateurs de produits halal, pour un marché évalué à 5,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Un secteur qui augmente de près de 15 % par an et qui n'est plus une niche mais un véritable enjeu socio-économique. Il suffit de le comparer avec le bio, si médiatisé, qui ne représente que 2,5 milliards d'euros! Cas atypique dans l'univers de la distribution française, le commerce traditionnel (boucheries musulmanes, magasins de proximité) reste le principal débouché des produits halal. Mais la grande distribution, qui après avoir testé son offre, crée de plus en plus de rayons dédiés, totalise environ 21 % des ventes en volume. « Le halal représente, surtout en temps de crise, un vrai potentiel avec des attentes fortes de la part des consommateurs », note Sébastien Monard, Insight Manager chez Nielsen. « Il faut sortir du ghetto culturel. » D'après Solis, plus de 93 % des Français originaires du Maghreb achètent ce type de produits. Essentiellement de la viande (99 %), de la charcuterie (70 %), des plats cuisinés (23 %), des bouillons cubes, des soupes, des bonbons, des sauces, des petits pots pour bébés... Les produits élaborés halal ont connu un essor particulier en 2009.

Toujours d'après l'étude, les marques historiques (Dounia, Isla Délice, Médina, Saada, Jumbo, Zakia, etc.) sont mieux reconnues que les grands noms déclinés halal (Duc, Fleury Michon, Herta, Knorr, Labeyrie, Liebig, Maggi) et que les autres (Aadams, Heldine, Réghalal, Tahira, Toupargel, Wassila, etc.). Les perspectives de ce marché sont prometteuses: l'offre devrait s'étoffer (diversification des produits, des modes de consommation) , la distribution s'organiser (création d'enseignes, multiplication des linéaires en grande distribution... ) . De même, la demande devrait s'étendre avec l'arrivée à l'âge adulte des «diversity baby-boomers». Mais attention au prix, aux rumeurs, notamment celle selon laquelle le halal serait une source de financement de l'Islam en France et à la polémique sur le non-respect de certains certificateurs des exigences halal. Une procédure qu'il faudrait harmoniser? Le ministère de l'Intérieur y travaillerait avec l'Afnor...

Le halal sur TF1

Marque algérienne de graine de couscous, née dans les années soixante, Zakia s'est étendue à la semoule et aux plats cuisinés (huit références). La marque du groupe Panzani, certifiée par la Mosquée de Paris, s'est fait remarquer en 2009 par des spots diffusés sur TF1 et M6 lors du ramadan. Un an après, sa stratégie a mûri: « Nous voulons être présents toute au long de l'année, aussi nous privilégions les actions promotionnelles pérennes et nous évitons de communiquer spécifiquement pour le ramadan », explique Sébastien Bayhourst, responsable marketing de Zakia Halal. Les produits ont fait leurs apparitions à la télévision pour Noël 2009 et en avril 2010. L'objectif: désaisonnaliser le marché. « Mon ambition, que le halal ne soit plus un frein pour les consommateurs », résume Sébastien Bayhourst.

 

 

Une gamme diversifiée

Réghalal a été créée au sein de LDC, en 2008, mais le groupe commercialisait déjà des produits halal depuis une dizaine d'années. « La force de Réghalal est d'être une marque transversale avec une centaine de références, certifiées par la mosquée d'Evry-Courcouronnes, réparties sur trois univers: la volaille, la charcuterie et le traiteur », résume Marie-Jeanne Mallet, chef de Réghalal chez LDC. Le nom s'est doté d'une identité visuelle forte, avec mention de la certification. En 2009, il s'est vendu 9 millions de produits Réghalal. En juillet 2010, la marque a lancé sa première campagne de communication pour l'avant ramadan en affichage, presse gratuite et Internet.

Le Dailymonop' du halal

Hal'shop, qui a ouvert ses portes en février 2010 à Nanterre, veut concilier respect des traditions musulmanes et modernité alimentaire. Le magasin référence près de 1 000 produits. Architecture design, dessins animés diffusés sur écran expliquant la politique de sélection de l'enseigne... Rachid Bakhalq, qui compte ouvrir trois à quatre autres points de vente d'ici fin 2011, joue sur la rupture: pas d'arabesques mais un code graphique sobre, la couleur verte (et non le rouge du rayon boucherie)... Concurrent de Hal'shop: «Au pays», concept de supérette «ethnique» du groupe Casino testé à Saint-Etienne. Deux autres magasins halal ont vu le jour, de manière plus discrète, Maklacenter à Stains (93) et Fresco Marché à Clichy (92)

La première MDD halal

Lancée en août 2009, Wassila est la première MDD halal, même si Casino n'engage pas son nom directement (reprenant un nom utilisé pour un site dédié à la traçabilité halal). Wassila signe une large gamme de produits boucherie (poulets entiers et en découpe, steaks hachés, saucisses) et charcuterie (jambons de volaille, knacks, mortadelle), concurrençant directement la marque historique Isla Délice. Mais Casino ne restera pas longtemps seul sur ce marché prometteur de MDD halal. Carrefour reconnaît travailler à un lancement similaire qui pourrait intervenir à très court terme. Auchan et Intermarché seraient aussi sur les starting-blocks...

La pionnière du halal

Isla Délice est leader du marché français halal. Certifiés par l'association de contrôle AVS, ses produits se déclinent en charcuterie libre service et à la coupe (saucissons, pâtés, jambons...) et en surgelés. Comme l'explique Jean-Daniel Hertzog, p-dg de la société Zaphir, PME historique du halal depuis 1990, sur la charcuterie puis les surgelés, « la force de la société: avoir créé son réseau de distribution avec cinq dépôts régionaux, un en Belgique et un en Algérie. » Ses ventes sont réalisées pour moitié dans le réseau traditionnel (1500 points de vente en France) et la grande distribution. En août 2010, lors du ramadan, la marque a communiqué via affichage «Fièrement Halal». Témoignage de la relation de complicité entre Isla Délice et ses consommateurs. Sa cible: les musulmans qui veulent profiter des nouveaux modes de consommation, sans faire de compromis sur la qualité et la rigueur de la certification halal.

Catherine Heurtebise

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