Le bien-être au TRAVAIL, une valeur capitale
Parce qu'un salarié épanoui est un salarié performant, promouvoir le bien être au travail est une stratégie gagnant-gagnant que cultivent de plus en plus d'entreprises. Des bonnes pratiques managériales aux services annexes, les voies qui mènent au bonheur sont multiples.
Etes-vous heureux au travail? A cette question, une majorité de Français (70 %) répond par l'affirmative. Ils sont d'ailleurs 73 % à se déclarer satisfaits de leurs conditions de travail, selon une enquête réalisée par l'organisme Comundi, entre novembre et décembre 2009. A première vue positif, ce sondage peut se lire en creux: plus d'un quart des actifs voient le travail comme une source d'angoisse, de souffrances ou de frustrations. Pour 68 % de ces salariés mécontents, le stress et l'anxiété sont les premières entraves à un équilibre entre vies professionnelle et personnelle. Vient ensuite la surcharge de travail (60 %).
La vague de suicides au sein de l'opérateur France Télécom en 2009 a poussé les pouvoirs publics à s'intéresser de près à la minorité qui stresse en silence. Une mission d'information sénatoriale sur le mal-être au travail a vu le jour en janvier dernier. Deux mois plus tôt, le Premier ministre, François Fillon, demandait leurs solutions pour lutter contre le stress des salariés à trois experts: Christian Larose, membre du Conseil économique, social et environnemental, Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric, et Muriel Pénicaud, directrice des ressources humaines de Danone. Dans leur rapport, remis en février, les auteurs préconisent notamment l'intégration du «facteur humain et donc la santé des salariés» dans l'évaluation de la performance, ainsi que la restauration «d'espaces de discussion et d'autonomie dans le travail».
Les voeux formulés, bien qu'encourageants, interviennent tardivement. En France, les consultations pour risque psychosocial (stress, incivilités ou harcèlement) sont devenues en 2007 la première cause de consultation pour pathologie professionnelle. Pourtant, à la différence des pays anglo-saxons et de l'Europe du Nord, la législation française ne prend pas en compte le stress comme une maladie professionnelle ou une cause directe d'arrêt de travail.
Afin d'assurer le bien-être de leurs collaborateurs, de plus en plus d'entreprises intègrent du mobilier design et optimisent le rangement et la luminosité.
Une entreprise où il fait bon travailler
Plus largement, l'impact des relations humaines sur la performance et le bien-être est encore trop souvent ignoré. Comme l'affirme Sylvie Grivel, formatrice en communication et coach certifiée, l'absence de ces deux facteurs est pourtant à l'origine de 80 % des dysfonctionnements dans les organisations. En temps de crise, alors que les rachats et les bouleversements à la tête des sociétés demeurent nombreux, les objectifs nécessitent d'être toujours plus explicités afin d'être mieux acceptés. Des entreprises de conseil comme BPI ont pour mission d'aider les équipes dirigeantes à faire comprendre leurs visions à tous les collaborateurs. « Il arrive souvent que des projets soient imaginés au siège des entreprises et ne tiennent pas compte de la réalité du terrain. Les salariés ont alors le sentiment d 'être délaissés. Organiser des consultations est essentiel, mais il ne faut pas qu'elles restent lettre morte », martèle Olivier Labarre, directeur général adjoint de BPI. Pour établir son palmarès annuel des entreprises dans lesquelles il fait bon travailler, Great Place to Work s'intéresse justement à la confiance entre les salariés et les équipes dirigeantes. Cet institut, créé il y a 30 ans par l'Américain Robert Levering, effectue dans chaque entreprise une enquête auprès des salariés et un audit des pratiques managériales. Après publication des résultats, l'impact sur l'image est très significatif: en 2009, les lauréats recevaient en moyenne 26 % de candidatures en plus. « Nous demandons aux équipes dirigeantes ce qu'elles mettent en place, compte tenu des contraintes de leur métier. Ces initiatives, souvent originales, font tache d'huile, affirme Patrick Dumoulin, directeur de Great Place to Work Institute France. Ce n'est pas l'amoncellement de moyens qui fait la qualité de la relation. Dans une entreprise où il fait bon travailler, les salariés doivent avoir réellement confiance dans leur encadrement, être fiers du travail qu'ils accomplissent et de l 'entreprise dans laquelle ils vivent et évoluent. »
Savoir équilibrer vies privée et professionnelle
De nombreuses entreprises ayant leur siège aux Etats-Unis, comme Microsoft, FedEx, PepsiCo ou McDonald's, réapparaissent régulièrement dans les palmarès. La qualité des relations en interne fait baisser le taux de turnover et d'absentéisme. « Ce type d'entreprises émerge de plus en plus en France. Je suis persuadé qu 'il y a beaucoup plus de sociétés dans lesquelles il fait bon travailler qu'on ne le dit, et d'année en année, on en découvre de nombreuses », poursuit Patrick Dumoulin.
D'autres, comme PepsiCo France, ont déjà acquis une réputation de bonne employeuse. La société est présente depuis sept ans dans le palmarès Great Place to Work des entreprises françaises de moins de 500 salariés, dont elle a pris la tête en 2010, devant WL Gore & Associés et Accuracy. La stratégie du groupe pour le bien-être de ses salariés repose sur le «work-life balance».
Ainsi, lorsque sont fixés les objectifs annuels, les collaborateurs sont invités à définir des buts personnels, que les managers les aideront à réaliser. L'heure et le jour des réunions sont encadrés, le télétravail instauré, le sport et les activités culturelles encouragés au sein de l'entreprise pendant les heures de pause. « Lors de la présentation des résultats trimestriels, nous faisons appel à des conférenciers qui interviennent sur des thèmes liés au sport, au sommeil, à la nutrition ou au stress, par exemple », indique Delphine Dupuis, directrice des ressources humaines de PepsiCo France. La société étant en croissance, elle devrait concourir dès l'an prochain dans la catégorie supérieure et s'offrir un nouveau challenge: détrôner Microsoft France.
En 2010, la filiale du groupe informatique s'impose, en effet, comme la plus motivante des entreprises de plus de 500 salariés de l'Hexagone, suivie de Leroy Merlin et de McDonald's. La multinationale se voit attribuer depuis trois ans la première place du classement des entreprises européennes. Une distinction qui tiendrait à des réflexions menées en interne depuis plusieurs années. « Nous travaillons sur l'équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, indicateur important pour les salariés. Microsoft France a mis en place un programme autour de la flexibilité du travail et commence à décliner un programme de sensibilisation des managers autour des thématiques du bien-être et de la performance, développe la responsable des affaires sociales, Rozenn Le Berre. Par ailleurs, nous organisons régulièrement des enquêtes de climat social pour connaître les avis de nos collaborateurs. Plus de 80 % d'entre eux y participent .»
Rozenn Le Berre (Microsoft France): « Microsoft France a mis en place un programme autour de la flexibilité du travail et sensibilise peu à peu les managers sur les thématiques du bien-être et de la performance. »
Le principe de flexibilité responsable
Le programme concernant la flexibilité, qui a nécessité deux ans pour s'implémenter, introduit le principe de «flexibilité responsable», régit les horaires d'envois d'e-mails et de tenue des réunions, de manière à favoriser l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Un accord sur le télétravail propose à près de 200 collaborateurs de Microsoft France jusqu'à trois jours de travail à domicile. Enfin, l'emménagement dans de nouveaux locaux à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), en 2009, a été préparé pendant trois ans, en tenant compte du feedback des collaborateurs.
Signe que les mentalités évoluent, 95 % des dirigeants estiment que le bien-être des salariés est essentiel dans le choix du mobilier de bureau, selon une étude TNS Sofres publiée fin 2009. Car un environnement favorable semble être un sérieux moteur pour les salariés. 92 % d'entre eux considèrent que l'aménagement des locaux a un impact sur leur efficacité et 89 % estiment qu'il influe sur leur motivation. A noter que 58 % avouent leur préférence pour des bureaux privatifs, quand seulement 20 % s'imaginent mieux travailler en open space. « Tout le monde est d 'accord pour ne plus parler d'open space et ne plus agencer comme avant avec des postes de travail alignés et une ouverture totale des plateaux. On parle désormais d 'espaces partagés ou semi-ouverts partagés, explique Valérie Parenty, directrice associée chez Saguez & Partners. Les salariés doivent pouvoir trouver au bureau un rythme adéquat. L'essentiel étant d'éviter la monotonie, de s'aménager des pauses dans des lieux adaptés et de faire des activités dans des espaces différents le matin et l'après-midi. Il faut optimiser également le rangement et la lumière, personnaliser les locaux aux valeurs de l'entreprise et mettre des services à disposition pour bien y vivre, comme une boutique ou une nurserie. » L'agence conseil a lancé sa filiale Saguez Workstyle cette année. Le workstyle est au travail ce que le lifestyle est à la vie privée. La société propose d'alterner bureaux et espaces de bien-être et de convivialité, en tenant compte du rythme physiologique, de la valeur de la marque et de l'histoire du bâtiment.
Des ambiances plus lumineuses, des postes plus ergonomiques
Odile Duchenne, directrice de l'observatoire de la qualité de vie au bureau Actineo, est plus nuancée. « Je ne rejette pas l'open space, qui peut s'adapter à des équipes ayant besoin de travailler étroitement ensemble, comme des créatifs. Le problème est que pendant des années il a été mal pensé et uniquement choisi pour des raisons économiques. Les salariés ont besoin d'ambiances lumineuses plus cosy et de postes de travail suffisamment vastes et ergonomiques, avec des rangements de proximité. »
25 % des salariés interrogés par TNS Sofres ne sont pas du tout satisfaits du soin apporté à l'ergonomie et à la décoration des bureaux. Que penser des services (salles de sport, crèches, etc.) dont 64 % des salariés jugent la présence au sein de l'entreprise importante? « Les sociétés développant ce type de services ont souvent quitté le centre-ville pour s 'installer en périphérie. Elles mettent en place ces services pour compenser l'absence de commerces et de prestataires à proximité du siège », répond Odile Duchenne. Près de 59 % des salariés français estiment qu'une salle de sport dans leur entreprise favoriserait leur bien-être, d'après une étude réalisée par Regus auprès de 500 salariés français. Le centre de massage arrive en deuxième position (43 %) et un espace lounge propice à la détente séduit 40 % des sondés. Loin derrière, la crèche d'entreprise et la bibliothèque obtiennent respectivement la préférence de 17,6 et 16,5 % des salariés.
Si le sport et les massages ont la faveur des actifs, c'est que, selon l'enquête Comundi, quatre personnes sur dix ressentent des troubles physiques au travail et qu'ils sont autant à déclarer que leurs établissements n'ont mis en place aucune action correspondante. Les troubles physiques les plus cités sont l'épuisement (51 %), le mal de dos (47,8 %), les yeux fatigués (33 %) et les maux de tête (26 %).
Flexibilité du travail, sensibilisation des managers ou enquête auprès des collaborateurs... Microsoft s'impose comme la plus motivante des entreprises françaises.
Diminuer la sédentarité
L'entrée du sport dans l'entreprise passe donc par la prévention. « Il ne peut pas y avoir un psychologue derrière chaque personne. Il faut donc prévenir les risques. Les programmes de fitness permettent de mesurer la qualité de vie des salariés, leur sommeil, nutrition ou niveau d'activité physique, avec l'objectif clair de diminuer leur sédentarité, explique Michel Rota, cogérant de Wellness Training, société spécialisée dans l'Espace Forme. Pour être actif il n'est pas nécessaire d'être sportif. Il faut que la majeure partie des salariés puisse se reconnaître dans les programmes. 30 % d'entre eux se rendent dans les salles, mais nous allons aussi travailler avec les 70 % qui n'y vont pas, en mettant en place des programmes de marche, par exemple. » Ces services motivants font gagner du temps aux salariés, leur permettent de réaliser des économies et réduisent les absences. Pour l'entreprise, le présentéisme assure un retour sur investissement.
Apparu au début des années 2000 dans les start-up françaises, mais présent depuis près de 30 ans outre-Atlantique, le massage assis s'adapte particulièrement à l'entreprise. D'une durée de 15 à 20 minutes, il s'effectue sur une chaise et repose sur des techniques d'acupression. Aujourd'hui, les sociétés françaises n'hésitent plus à faire appel à des prestataires qui emploient des kinésithérapeutes ou des relaxologues, voire les deux comme Ergotonic. Créée en 2001, cette entreprise compte plusieurs dizaines de clients, de grands groupes pour la plupart. « Nous retournons dans chaque société toutes les semaines ou tous les 15 jours. C'est indispensable pour obtenir un effet notable. La plupart des salariés aiment les massages et essaient d'en bénéficier le plus souvent possible. 20 à 30 % ne sont pas intéressés, souvent par manque de temps, analyse Lambert Hô, créateur d'Ergotonic. Mais faire appel à un service de massages dépend beaucoup de la personnalité du dirigeant. Parmi les entreprises très demandeuses, certaines utilisent le massage depuis le début des années 2000, particulièrement dans la haute finance. Les traders sont une population très stressée et ces sociétés ont les moyens. »
garde d'enfants et conciergerie
Avant le sport et la relaxation, la première préoccupation des jeunes parents est le mode de garde de leurs enfants. Une fois ce souci réglé, ils sont plus sereins et leur productivité s'accroît. L'implication grandissante des employeurs et l'intervention du privé dans le secteur des crèches, rendue possible par l'adoption de la loi Jacob en 2003, devraient contribuer à pallier le manque actuel de places. «En Grande-Bretagne, le secteur a été privatisé il y a 30 ans. A l'époque, on comptait une place en crèche pour neuf enfants. Aujourd'hui, il y a neuf places pour dix enfants. Au départ, les entreprises françaises qui désiraient mettre en place des crèches cherchaient à recruter du personnel capable de se distinguer des autres concurrents, à l'aide d'un outil RH innovant. Désormais, la crèche fait partie intégrante du package social des grandes sociétés. Toutes les entreprises du CAC 40 ont déjà mené une réflexion sur le sujet », assure Edouard Carle, cofondateur de Babilou. Ainsi, L'Oréal ne compte pas moins de sept crèches. Celles-ci constituent un bon outil de fidélisation: une fois la place du salarié financée, l'entreprise sait qu'il demeurera au moins trois ans dans la société.
Débarquées des Etats-Unis à la fin des années 1990, les conciergeries d'entreprises participent également à rendre les salariés plus épanouis et performants. Aujourd'hui, elles concernent 7 % d'entre eux. L'entreprise To do Today, créée en 2001, a vu le marché prendre son essor en 2007 et s'accélérer il y a quelques mois. «30 à 50 % des services demandés par les clients ont trait au bien-être. 20 à 30 % leur font gagner du temps. Le reste regroupe les miniboutiques et les services de proximité, comme le nettoyage. Le gain de temps est une famille de services plus utilisée par les cadres. Le bien-être comme le coaching, la relaxation ou encore la luminothérapie est utilisé par un plus grand nombre », explique Stéphanie Cardot, fondatrice de l'entreprise de services. To do Today revendique des taux d'utilisation situés entre 30 et 70 % par mois selon les clients.
Le bien-être est-il à la portée de toutes les sociétés? L'enquête réalisée par Comundi révèle que les grosses structures mettent en place plus de mesures que les petites. « Ce n'est pas une question de taille d 'entreprise. Cela dépend plutôt de la volonté ou non de la direction de management de faire de son siège social le miroir des valeurs sociales de l'entreprise. Nous faisons des projets avec de petits budgets », soutient Valérie Parenty (Saguez & Partners) . Michel Rota (Wellness Training) enfonce le clou: « Même avec une conjoncture financière difficile, les programmes qui visent au bien-être peuvent permettre de renforcer le lien entre les gens qui restent et les rassurer. Ils sont vivement conseillés! » Quant aux PME, la conciergerie ou la garde d'enfants leur proposeront généralement de mutualiser leurs moyens. Ainsi, tout le monde est servi!
Odile Duchenne (actineo): « Les entreprises qui ont quitté le centre-ville pour s'installer en périphérie mettent en place des services pour compenser l'absence de commerces et de prestataires à proximité du siège. »
Valérie Parenty (Saguez & Partners): « tout le monde est d'accord pour ne plus parler d'open space et ne plus agencer comme avant... On parle désormais d'espaces partagés ou semi-ouverts partagés. »
La conciergerie de to do today propose des services aux entreprises, comme la coiffure et l'esthétique.
Stéphanie Cardot (to do today): « Le gain de temps est une famille de services plus utilisée par les cadres, alors que le bien-être [...] est utilisé par un plus grand nombre. »
Lambert Hô (Ergotonic):
« Certaines entreprises utilisent le massage depuis le début des années 2000, particulièrement dans la haute finance. Les traders sont une population très stressée et ces sociétés ont les moyens. »
Edouard Carle, (Babilou):
« aujourd'hui, la crèche fait partie intégrante du package social des grandes entreprises. toutes les sociétés du CAC 40 ont mené une réflexion sur le sujet. »
Babilou, spécialiste de la petite enfance, crée des crèches d'entreprises sur mesure et en assure la gestion totale.
Pour les salariés de la société Flip, rien de tel qu'une plage et un terrain de sport privé pour évacuer le stress et ressouder les équipes.
Derrière les volets, la plage
Au départ ce n'était qu'une suggestion, lancée à la volée par une salariée: « Et si on sortait des transats dehors? » Geoffroy toulemonde, président-directeur général de Flip, l'a prise au mot. tout l'été, les 90 salariés de cette entreprise, située au coeur de la zone industrielle de Gondecourt (Nord), ont bénéficié d'une plage privée, de chaises longues, de jeux et d'un terrain de beach volley (ou de badminton selon les goûts) Pas question de déserter le travail, mais plutôt de se détendre pendant la pause déjeuner. Pour l'entreprise spécialisée dans les volets roulants, l'investissement est mineur: à peine 500 euros, correspondant pour une grande part aux 25 tonnes de sable déversées sur la pelouse. Les salariés sont heureux et motivés, les relations au beau fixe, la confiance en l'équipe dirigeante complète et l'entreprise tourne à plein régime. Le coût de l'opération est donc comme un coup gagnant au volley ou au badminton: parfaitement amorti.