La stim en haute estime
La marque, le produit… Pendant longtemps, ce leitmotiv a régné en maître
dans les entreprises. Aujourd'hui pourtant, dans un contexte hautement
concurrentiel, ces mêmes entreprises ont pris conscience du fait que la marque
est un élément certes nécessaire, mais non suffisant de la performance.
“L'opérationnel”, “le relationnel” sont désormais perçus, eux aussi, comme des
éléments indispensables au succès. « L'interne fait partie intégrante du mix,
souligne Patrick d'Auvigny, directeur du département conseil d'Accentiv',
agence spécialisée en marketing relationnel. On a tendance à sous-estimer le
rôle et l'influence des hommes. Mais, à un moment donné, il y a quelqu'un qui
se retrouve face au client, qui transforme la relation en transaction et en
vente. » « Aujourd'hui, dans le plan marketing de l'entreprise, les publics
internes et les réseaux sont devenus stratégiques, constate également Alain
Gripoix, consultant, directeur de Gripoix Conseil. Toute bonne stratégie
opérationnelle, pour être efficace, doit intégrer cette dimension. C'est
désormais une évidence. » D'où le succès des stratégies de motivation. Selon
une étude Incentive House, 40 % des entreprises prévoient d'intensifier
l'utilisation des outils de motivation, challenges ou autres opérations de
stim. Et, malgré la sacro-sainte rationalisation des dépenses, les entreprises
n'ont jamais tant sollicité les agences de motivation qu'aujourd'hui. De là à
penser que les difficultés économiques auraient plutôt un effet positif sur le
secteur, il n'y a qu'un pas. « On pourrait effectivement penser qu'en période
difficile, les entreprises ont besoin de mettre en place des actions de
stimulation, explique Jean-Christophe Hubeau, directeur commercial de Consul.
Les choses ne sont quand même pas si simples ! La volonté est là, mais les
budgets, pas toujours… Il semble néanmoins que les choses commencent à se
débloquer, et que le second semestre 2003 soit une période plus favorable pour
la motivation.»
De la motivation à la stimulation
Mais
au fait, de quelle motivation parle-t-on ? Au sens premier, la motivation peut
se définir comme une prise en compte de l'individu en tant qu'agent économique.
A ce titre, elle regroupe l'ensemble des facteurs qui mèneront à agir sur son
comportement dans l'intérêt collectif. Le spectre des outils en question est
toutefois si large qu'un tri s'impose. Les systèmes de rémunération en font
partie. Ce sont même, à dire vrai, les plus importants, car le carburant
financier reste le plus efficace. Les entreprises ne se privent pas de les
remettre à plat. Qu'elles privilégient une refonte de leur système de
rémunération ou qu'elles optent pour des bonus exceptionnels, on constate
actuellement une complexification de ces systèmes de rémunération. Les
avantages en nature, les possibilités d'évolution dans l'entreprise ou la
formation, sont d'autres leviers de la motivation. Toutefois, dans son sens le
plus restrictif, ce n'est pas tellement à ce genre d'avantages que fait penser
le mot motivation. « Il y a une différence de nature entre la motivation et les
outils purement financiers, estime Philippe Florentin, P-dg de Kouro Sivo. Tout
ce qui est afférant à la motivation doit véhiculer et refléter la culture de
l'entreprise. Il y a dans la motivation une dimension “émotionnelle” qu'il n'y
a pas dans d'autres outils. » « Un plan de motivation doit améliorer l'individu
dans ses actions vis-à-vis de son entreprise et réhabiliter le désir comme
force productive », confirme Alain Gripoix. Cette part de désir, d'irrationnel,
c'est bel et bien dans des outils destinés à gratifier l'individu, ou à le
stimuler, qu'on va les trouver. Composante incontournable de la motivation, la
stimulation regroupe des actions purement quantitatives ayant pour objectif
d'améliorer la performance à un instant T, de récompenser un effort
supplémentaire, au caractère exceptionnel et ponctuel. Ça, c'est la théorie !
Si elle reste valable, cette définition a été mise à mal au fil des ans par
l'évolution des attentes des annonceurs et par les réponses apportées par les
agences. En fait, il n'y a plus une, mais des définitions de la stimulation,
tant les problématiques se sont élargies. On peut les regrouper en trois
catégories.
De la stimulation au marketing relationnel
A vouloir chercher l'opération exemplaire, au marketing le plus abouti, au
budget le plus conséquent, on en oublie parfois que la stimulation “basique”, à
savoir celle pour laquelle l'annonceur se passe de tout soutien extérieur (sauf
bien sûr pour la récompense), se porte bien. Un petit budget, des objectifs
quantitatifs pour les commerciaux, un règlement rapide, une lettre ou une
plaquette de lancement du challenge, quelques cadeaux ou chèques achetés au
meilleur prix… et rendez-vous pour les résultats ! Pour un directeur
commercial, mais aussi pour un responsable soucieux de booster ses équipes ou
tout simplement de leur manifester de la considération, organiser un tel
challenge est un jeu d'enfant. De fait, aujourd'hui, la majorité des
opérations de stimulation se construisent sans l'aide d'une agence. Mais, dès
que l'on revoit ses ambitions à la hausse, les challenges changent de niveau
et, pour l'entreprise, il devient bien difficile de se passer d'un prestataire
extérieur. « Il y a de très nombreux aspects à prendre en compte dans une
opération, même si elle paraît relativement basique, explique Jean-Christophe
Hubeau. Dès que le challenge prend un peu d'envergure, l'annonceur aura du mal
à tous les gérer. Ce qu'un client attend de nous ? Ce peut être simplement un
règlement qui tienne la route, une gestion des comptes points, le choix d'une
récompense, une livraison des cadeaux sans faille, un bilan d'opération… Autant
de domaines dans lesquels les bonnes agences ont une expertise forte, alors
même que l'annonceur n'aura pas beaucoup de temps à consacrer à ces tâches. La
valeur ajoutée d'une agence, ce n'est pas seulement dans des opérations de
marketing relationnel extrêmement lourdes qu'on va la trouver. » Avec la
troisième catégorie d'opérations, les challenges changent non seulement de
niveau, mais de nature. Le seul terme de stimulation devient d'ailleurs bien
trop restrictif pour définir ces opérations “à tiroir”, multidisciplinaire,
multitechnologie, multisupport. Il n'est pas rare que les agences conçoivent,
au-delà des outils propres aux challenges de stimulation (sites intranet, hot
line, gestion de l'ensemble d'un programme), des outils de fidélisation au sens
large (cartes de fidélité…), du marketing direct, des aides à la vente, de la
formation, etc. « Avec ce type d'opérations lourdes, l'annonceur entre
vraiment dans l'univers de la relation, explique Eric Mesnil, P-dg d'Everest.
Bien plus qu'un challenge de stimulation, c'est tout un univers relationnel, sa
stratégie et son contenu qu'il nous faut construire. » « C'est bien plus que de
l'incentive “basique”, confirme Pascal d'Auvigny. Nous nous servons de cet
incentive comme d'un levier pour atteindre des objectifs plus globaux : faire
passer des messages, faire changer des habitudes dans l'entreprise, changer la
façon d'appréhender une marque, etc. »
Tendance à l'internationalisation des opérations
Il n'est pas rare que ces
programmes soient plus riches que les programmes B to C. Au moins lorsqu'il
s'agit d'opérations touchant des réseaux. Rien de très étonnant à cela : alors
que le B to C s'adresse à un consommateur dont le panier moyen est faible, un
artisan qui utilisera telle marque dans son activité professionnelle génèrera
un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de kilos euros. De quoi justifier
un effort particulier. A qui sont consacrés ces programmes élaborés ? En
priorité aux grandes entreprises. « Mais les PME vont y venir, pronostique Eric
Mesnil. Certaines font déjà de la relation sans le savoir. Une chose est sûre,
que l'on évoque les grandes entreprises ou les moyennes, on n'en est qu'au B-A
BA. Aujourd'hui, nous en sommes encore à évangéliser. » Attention, donc, à ne
pas surestimer le nombre et le poids de ces opérations. « Les agences sont
équipées pour répondre à de nombreuses problématiques, mais dans les faits, il
est rare qu'il y ait décloisonnement entre les différentes disciplines, que
sont la promo, le MD ou la motivation, estime Thierry Perez, directeur associé
de K Incentive. Ne serait-ce que parce que les annonceurs ne sont pas organisés
pour ce décloisonnement. La promo sera entre les mains d'une direction produit
ou marketing, la stimulation dépendra d'une direction commerciale… En revanche,
certaines disciplines s'avèrent plus complémentaires. Ainsi, on voit de plus en
plus d'opérations mixer la stimulation et l'événementiel. Il y a là une vraie
logique.» Décloisonnées ou pas, ce sont les grandes opérations qui dictent les
tendances. Tendance, par exemple, à l'internationalisation. Cette dernière
étant une réalité dans les entreprises, il est normal qu'elle gagne du terrain
dans les challenges de stimulation. Hier, une marque désireuse de stimuler
l'ensemble de ses revendeurs organisait des challenges par pays. Aujourd'hui,
cette même marque organisera une opération mondiale de fidélisation de ses
revendeurs, ou un challenge interne dans lequel elle regroupera ses 30
directions marketing. « L'internationalisation a toutefois ses contraintes,
analyse Alain Gripoix. Il n'est pas simple de s'adresser à des individus de
langues et de cultures différentes. Et, malgré l'important travail
d'adaptation, l'internationalisation a plutôt tendance à aseptiser les
opérations en matière de création. » Autre tendance, déjà plus ancienne sur le
marché, le développement des technologies nouvelles, à la fois en tant que
supports et dans la gestion des opérations (voir MM n° 79 Dossier dotations et
article suivant). Mais, rien de bien exceptionnel. Bien campé sur ses bases, le
marché de la stimulation n'évolue qu'à petites touches. Sans doute parce que
l'on ne change pas une formule qui gagne.
Le club : une communauté d'élite
A la fois outil de management au quotidien et outil de stimulation, les clubs occupent une place à part dans l'univers de la motivation. L'une de leurs particularités est de s'adresser aux meilleurs éléments. « Une attitude particulière s'impose à l'égard de ces derniers, explique Alain Gripoix. Ils représentent un capital clients, voire une part de marché non négligeable, qu'ils pourraient mettre en péril du fait de leur départ. Surtout si c'est vers la concurrence ! » Bien entendu, il n'est pas question de fermer la porte des challenges à cette catégorie. Toutefois, la motivation par la création d'un “statut différenciateur” et par la valorisation s'avère elle aussi très efficace. Cela pourra prendre la forme de clubs ou de cercles regroupant une élite. Ceux qui ont accès à ces cercles bénéficieront d'avantages ou de privilèges personnels ou professionnels. « Ils vivront plus intimement la vie de l'entreprise, poursuit Alain Gripoix : intégration dans des groupes de décision avec des managers, association au développement dans une commission marketing, priorité pour le recrutement interne… »
Les agences changent de statut… et de stature
Leitmotiv pour les agences : être en mesure de répondre à la problématique des annonceurs de A à Z. Cette problématique dût-elle intégrer du marketing direct, de la promotion ou de l'événementiel. D'où un vaste jeu de Monopoly, au cours des dernières années, consistant à acheter les compétences manquantes. Ainsi, le paysage s'est restructuré, avec des agences issues d'univers différents mais qui, aujourd'hui, se retrouvent sur un même terrain de jeu. Agences de stimulation ou de marketing relationnel adossées à des agences de communication plus globales, à dominante publicité (DDB-Com'In), ou plus événementielles (Le Public Système), agences restant résolument ancrées dans l'univers du marketing opérationnel, cumulant à la fois la vocation de conseil et la palette des outils de récompense (Everest, Kouro Sivo, Accentiv'), agence conseil au sens strict, ne proposant pas d'outils de récompense (K Incentive)… « Pour l'annonceur, le tri est d'autant moins aisé que toutes les promesses se ressemblent », reconnaît Thierry Pérez (K Incentive). Pour ajouter à la confusion, les sociétés spécialisées dans les dotations se sont réorganisées, sous l'impulsion des grandes enseignes qui proposent des chèques à leur nom ou multienseigne, à l'image de Kadéos (voir MM n° 79). Mais le gâteau est grand et il y en a pour tout le monde, pour peu que le positionnement soit clair, à l'image d'un Tir Groupé, qui déploie sans équivoque une stratégie de volume et d'industrialisation.