La science: un atout pour le marketing?
Olivier Oullier, enseignant-chercheur en neurosciences
Avec le neuromarketing, on tente d'outrepasser les limites de la verbalisation.
Le terme «neuromarketing» est à la mode. Pas une semaine sans un article sur le sujet. Et si les entreprises restent encore muettes sur la question tant ces recherches soulèvent les critiques des associations de consommateurs et de scientifiques, certaines agences commencent à mettre en avant leurs méthodes issues de cette nouvelle discipline. Le tabou sur les neurosciences au service du marketing serait-il donc en passe d'être levé? Dou cement, car le concept fait encore un peu peur. En partie par méconnaissance.
«Les marketeurs n'ont pas attendu les neurosciences pour tenter de comprendre le comportement d'achat des consommateurs et leur faire acheter des produits dont ils n'ont pas forcément besoin», note Olivier Oullier, enseignant-chercheur en neurosciences à l'université de Provence-CNRS. Les outils utilisés jusqu'à présent, tels les questionnaires ou les focus groups, sont basés sur la verbalisation et fournissent une information surtout rationnelle, alors que les émotions jouent un rôle-clé dans la décision d'achat. Avec le neuromarketing, on tente d'outrepasser les limites de la verbalisation.»
Comment? Grâce à l'IRMf, l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Celle- ci présente l'avantage d'offrir de «belles images» qui signalent les zones du cerveau s'activant devant un produit ou à l'évocation d'une marque.
Recours à l'IRM et tests à l'aveugle
Une technique qui a permis l'émergence d'un véritable business, développé depuis six ans aux Etats-Unis sous forme d'études devenues célèbres depuis. Comme celle démontrant que les consommateurs préfèrent, à l'aveugle, le goût du Pepsi mais, a contrario, celui du Coca-Cola dès lors qu'on leur dévoile la marque du soft drink. Ou bien l'étude de Daimler Chrysler qui a mis en évidence l'activation plus intense de certaines zones du cerveau lorsque l'on montre des objets - ici des voitures - associés à des valeurs de richesse et de domination. Depuis, les recherches ont encore avancé: l'an dernier, 26 volontaires se sont vus offrir 40 dollars chacun et ont été placés dans un appareil d'IRM. Puis, un écran a affiché divers objets dotés chacun d'un prix. Les chercheurs ont pu ainsi constater qu'une zone du cortex s'activait lorsque le sujet décidait de ne pas acheter l'objet, et inversement...
«Ces recherches nous permettent de mieux «respecter» le cerveau grâce à une meilleure compréhension de son fonctionnement. Ce qui, au final, permet d'élaborer des publicités ou des produits plus efficaces», s'enthousiasme Cécile Guérel, directrice d'Entêté, cabinet de conseil en neuromarketing. «Il s'agit d'une évolution logique du marketing», renchérit Olivier Oullier qui prédit «la fusion, à terme, des services R&D et marketing».
De là à trouver le mythique «bouton d'achat» au niveau du cortex, il y a un pas qui ne risque pas encore d'être franchi. «Cela n'existe pas. Ceux qui disent le contraire sont des charlatans», avertissent les experts. «On ne sait pas encore pourquoi telle partie du cerveau s'active à la vue d'un produit et, surtout, on ne sait pas encore réveiller cette zone-là», tempère Cécile Guérel. De même, si photographier le cerveau permet de compléter la connaissance du comportement d'achat, il n'en reste pas moins que le sujet ne réagit pas de la même façon dans un appareil d'IRM et dans un supermarché... «Les neurosciences nous apportent un éclairage, une méthode d'arbitrage supplémentaire. Elles n'expliqueront jamais tout, mais nous aident à envisager des hypothèses», prévient Christophe Brossard, directeur de PHD.
Enfin, le neuromarketing est loin de se démocratiser: les appareils d'IRM restent encore peu nombreux en France et le coût des séances et de l'analyse, environ 730 euros par personne, réserve encore cette méthode aux grandes entreprises.