La presse peaufine sa présence sur le Web
Mix médias A l'heure où un Français sur deux est internaute, la presse ne peut plus se limiter à faire de la figuration sur le Web. Après la phase du “je t'aime, moi non plus”, les groupes déclinent leur marque en misant sur la complémentarité entre les deux médias.
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Cette année, la presse ne sera pas la dernière à contribuer à alimenter
l'effervescence qui continue de régner sur la Toile.
Les lancements ou relancements de sites existants figurent, en effet, en tête
de liste des priorités de nombre de groupes de presse qui s'étaient jusque-là
souvent limités à assurer le service minimum en la matière. Cette attitude
relevait pour partie d'une forme de méfiance face à un média internet à la fois
mal maîtrisé et suspecté de cannibaliser une presse globalement déjà fortement
secouée.
« Les médias ont toujours historiquement décliné leur marque pour prolonger le
plus longtemps possible le contact avec leur cible et Internet est en cela une
formidable opportunité pour les titres de presse qui sont prêts à tenir compte
des nouveaux besoins de leurs lecteurs », estime Julien Jacob, président d'OPA
Europe (Online Publishers Association). « Presse et Internet sont loin d'être
des frères ennemis, comme on a pu le dire, ajoute Arnaud Wechsler, directeur
associé de l'agence Reverso, spécialisée dans le marketing on line. Ces
deux médias de proximité sont totalement complémentaires dans le sens où ils ne
se consomment pas ensemble à la différence de la télévision ou de la radio. »
Des analyses que confirmait encore tout récemment TNS Worldpanel dans une étude
réalisée sur les internautes les plus addicts au Web, c'est-à-dire ceux qui se
connectent plus d'une fois par jour et qui sont dotés du haut débit à domicile.
Un zoom sur leur arbitrage média montre, en effet, qu'avec un indice de 126, la
presse peut fait figure de mass média de référence. Comme le relève cette
étude, cela s'explique notamment “parce que la presse n'est pas un média
“chronophage”, pour elle-même, mais un média souple et individuel qui se
consomme “dans le temps du lecteur”, n'importe où, à tout instant, tout au long
de la journée.” Si cette complémentarité est effectivement reconnue, la mise en
pratique n'est pas forcément encore évidente du point de vue éditorial.
L'internaute qui se connecte sur le site d'un titre se trouve, en effet, encore
trop souvent devant une page de couverture pas forcément “clickable” ou devant
un contenu simplement copié-collé du print.
« Beaucoup d'éditeurs n'ont pas
encore pris en compte la transformation des médias qui s'est accélérée via le
déclencheur du haut débit, regrette Julien Jacob. Il est fondamental de travailler la pertinence du type d'information en fonction de la temporalité de chacun des deux médias, c'est-à-dire privilégier
l'analyse, le recul en presse et la réactivité, l'enrichissement par d'autres
services sur Internet où on est à un clic de l'info suivante. » Un cadrage
d'autant plus nécessaire qu'il correspond à une attente. Selon la livraison
2005 de l'étude SIMM, produite par le pôle média de TNS Media Intelligence,
31 % des Français se sont connectés l'an dernier à un site de presse. 25,5 %
d'entre eux l'ont fait pour chercher des informations qui les intéressaient,
10,8 % pour lire ou télécharger des articles et 2,50 % pour donner leur avis
sur un sujet donné.
Les quotidiens affinent leur organisation
Si la problématique diffère en fonction
de la périodicité et du positionnement des titres, les enjeux sont reconnus
comme aussi importants pour la presse quotidienne ou magazine. « La stratégie
de complément entre le print et le Web va devenir la colonne vertébrale de la
politique du groupe à l'image de ce que doivent faire toutes les grandes
marques d'information », explique, par exemple, Pierre Conte, président de
Publiprint. Après s'être concentré, l'an dernier, sur la relance du Figaro
“papier”, le groupe poursuit ainsi cette année son travail de refonte de marque
sur Internet avec un premier chantier bouclé en février. Tout d'abord, cela
passe par la possibilité de s'abonner au Figaro numérique. Ensuite par la
nouvelle version du site lefigaro.fr dont les équipes éditoriales ont été
renforcées afin d'apporter plus d'informations chaudes, et l'ergonomie
retravaillée pour renforcer l'interactivité avec les internautes. Cela passe
enfin par le renforcement des offres de services sur les sites transactionnels
via le regroupement sous un management unique des équipes de Cadremploi et
d'Explorimmo. En cette année particulièrement riche en grands rendez-vous
sportifs, Lefigaro.fr mise également fortement sur le rachat de Sport24.com,
« un éditeur on line pur jus », note Pierre Conte.
Le sport sera également à
l'honneur sur Lemonde.fr qui vient de conclure un accord avec le Groupe
Sporever, premier producteur de contenus sport pour les nouveaux médias.
Certains contenus réalisés par les rédactions de Sporever.fr et de
Football365.fr seront accessibles depuis Lemonde.fr tandis que d'autres,
réalisés par la rédaction du site lemonde.fr (infographies animées, récits
multimédias, portfolios sonores) seront accessibles depuis les deux sites
sportifs. Cet accord marque une nouvelle étape dans l'évolution du site édité
par Le Monde interactif, qui a totalement remanié l'an dernier présentation
graphique, navigation, contenu rédactionnel et services aux internautes.
En
décembre 2005, selon le Bureau Internet Multimédia de l'OJD, plus de 4 millions
de visiteurs uniques s'étaient connectés sur lemonde.fr, générant près de
20 millions de visites et 64,2 millions de pages vues. « Le bilan est également
globalement positif au niveau des abonnés qui sont 72 000 aujourd'hui, soit
10 000 de plus qu'il y a un an, grâce à la mise en avant de l'édition qui leur
est réservée, mais aussi des contenus interactifs que nous avons développés »,
précise Elodie Buronfosse, directrice marketing et commerciale de la filiale de
la société éditrice du Monde (66 %) et du groupe Lagardère (34 %).
Les gratuits ne sont pas en reste
Cette stratégie de complément de marque mise
en œuvre par les quotidiens généralistes comme Le Figaro, Le Monde ou
Libération, ou économiques comme Les Echos ou La Tribune, n'était, en revanche,
jusqu'à présent que balbutiante chez les gratuits. « Quand nous avons lancé
20 Minutes, l'objectif unique était de mettre les ressources au seul service de
l'installation du quotidien et nous n'étions présents sur le Web qu'en version
minimaliste, explique Frédéric Filloux, directeur de la rédaction. La puissance
du lectorat nous permet maintenant de lancer un site qui complète, développe le
contenu et engage la conversation avec les lecteurs. »
Le nouveau site, qui fonctionne depuis début février, propose ainsi des
informations en temps réel, mais également des dossiers, des podcasts et des
blogs du public et de la rédaction.
« Des blogs que l'on espère bavards et
intelligents et qui seront complétés par ceux de bloggeurs sélectionnés pour
leur opinion argumentée, analystes financiers, éditeurs, politologues,
journalistes économiques… », ajoute Frédéric Filloux. D'après ce dernier,
l'objectif est d'augmenter l'équipe dédiée actuelle de six personnes à une
plate-forme d'une trentaine de personnes l'an prochain. 20 Minutes a pris là
une longueur d'avance sur son concurrent Metro qui prévoit « une accélération
sur le Net au printemps », dixit François Bourboulon, rédacteur en chef du
quotidien.
Jusqu'à présent, Metrofrance.com se limitait à développer les
articles du quotidien ou à tester des rubriques déclinées ensuite dans le
journal comme le numérique et les jeux vidéo. Le site est également un support
important du club de fidélisation du Club Metro, outil de fidélisation. « Nous
allons travailler à développer l'interactivité qui est d'autant plus naturelle
que nous avons un lectorat fortement impliqué dans le titre. Pour nous comme
pour les autres médias, accélérer sur le Net, en apportant le contenu et les
services ad hoc, est aller là où se situe le potentiel de développement du
lectorat », ajoute celui qui était auparavant rédacteur en chef du Journal du
Net.
Les magazines se déclinent au quotidien
Ce nouveau rapport au lectorat que permet le Web prend encore une dimension supplémentaire pour les magazines et particulièrement les mensuels. Le service apporté aux internautes prend là
encore plus d'importance. Capital l'a bien compris. Pour lancer son nouveau
site à la fin de l'an passé, le groupe Prisma Presse a, en effet, racheté 100 %
des parts de la société Firstinvest.com, spécialiste de l'information boursière
sur Internet. Objectif : pouvoir proposer toute l'actualité économique en temps
réel, des informations exclusives, des conseils boursiers en plus des rubriques
immobilières, carrière et emploi. « Nous vivons le moment historique où Marie
Claire, le mensuel, devient aussi quotidien », déclarait, de son côté, Monique
Majerowicz, directrice déléguée du magazine féminin lors de la mise en ligne de
son site en décembre dernier.
Le titre qui a donné son nom au groupe n'était, en effet, pas représenté sous
forme de site de contenu sur le Net, à la différence de Cuisine et Vins de
France, Marie Claire Maison et Famili. « A l'instar des autres magazines, nous jouons la complémentarité en reprenant et en adaptant sur le Web 70-75 % de l'éditorial du magazine, explique Marianne
Le Menestrel, responsable Internet pour le groupe. Comme nous avons un objectif
de rentabilité, nous avons ajouté des rubriques porteuses comme Amour ou Stars.
Blogs et Forums permettent aux internautes de réagir sur des sujets qu'un
mensuel ne peut traiter en actualité. » Mais c'est avec Famili que le groupe va
le plus loin dans la complémentarité « en jouant presque une logique de
bimédia dans le sens où le site alimente fortement le magazine », indique
Marianne Le Menestrel. Comme le précise Isabelle Vaujour, éditrice du magazine
parental, « la nouvelle formule du magazine a voulu retrouver l'esprit
communautaire du Web avec une rubrique comme “Famili vous accompagne”, située
en début de journal et dont la maquette et les sujets sont directement déclinés
du Web. » Et cette dernière d'ajouter : « Nous avons construit une convergence
qui profite à tout le monde, car nous avons à la fois augmenté notre audience
sur le Web depuis la nouvelle formule papier et on ne s'est jamais si bien
porté en vente au numéro ».
Adapter le discours publicitaire
Si cette complémentarité profite aux médias, elle est, en revanche, difficilement mesurable en tant que telle, en termes d'audience et d'efficacité publicitaire. « Nous réfléchissons actuellement dans le cadre d'Audipresse à la manière d'intégrer tous les canaux qui amènent à un contenu et à une marque de presse », indique Xavier Dordor, Dg de l'APPM (Association pour la promotion de la presse magazine). L'association commence également à plancher sur la mesure de l'efficacité des campagnes menées en bimédia en les testant avec la méthodologie Effipresse lancée l'an dernier. « On sait déjà que l'on ne s'adresse pas nécessairement à la même audience entre un lectorat papier et sa déclinaison on line, déclare Amaury Delloye, Dg de ValueClick France, fournisseur de solutions de marketing on line. A la couverture supplémentaire que cela permet d'obtenir, s'ajoute la caution de la marque de presse qui rassure et amplifie la communication. » Dans leur organisation interne, les groupes s'appuient d'ailleurs sur cette caution pour convaincre les annonceurs d'investir dans les deux médias. « Dans les agences comme chez les annonceurs, Internet est de moins en moins géré à part et rentre de plus en plus dans les stratégies globales, le médiaplanning et le cross-média, estime Pierre Conte. Pour les opérations spéciales, par exemple, nos équipes ont ainsi la consigne obligatoire de ne pas monter d'opérations sans lier les deux médias. »
Stratégie commerciale commune
Dans le groupe Marie Claire, la commercialisation des
sites a été rattachée au département hors-médias - multimédia dirigé par
Isabelle Hadida, « pour avoir une vue transversale sur l'ensemble des
supports », précise cette dernière. Qui ajoute : « Avec le lancement du site de
Marie Claire, les équipes commerciales du groupe vont être renforcées et
proposer des formules intégrant la globalité des sites. » Les sites de Marie
Claire Maison et de Famili sont, par ailleurs, déjà présents dans le couplage
Média Femme qui rassemble également les sites éditoriaux de Elle dont la
nouvelle version sort ces jours-ci, de Glamour, Psychologies, Vogue et depuis
peu de Madame Figaro. Née il y a un an, cette alliance commerciale qui permet
de réaliser des campagnes puissantes sur des cibles haut de gamme se pose
ouvertement comme une alternative à l'incontournable poids lourd Auféminin.com.
La très forte différence de coût entre une campagne papier et une campagne sur
le Web limite, en revanche, les couplages que peuvent proposer les équipes
commerciales des différents médias.
« On est prudent, on fait du cas par cas.
Si on propose un tarif dégressif sur des magazines comme les nôtres, il faut
vraiment voir ce que cela nous rapporte », dit Isabelle Hadida. Cette stratégie
des magazines féminins haut de gamme vaut également pour les magazines
d'information. Au Nouvel Obs dont le site est également en cours de refonte,
« les couplages commerciaux entre le portail nouvelobs.com et les magazines
sont également proposés dans le cadre d'Accord Cadres ou comme produits d'appel
pour les gros annonceurs », dixit David Licoys, directeur de la publicité de
Régie ObsInteractive. Et ce dernier d'ajouter : « D'ici quelques années, la
balance risque d'être beaucoup plus équilibrée du fait d'une relative
évaporation des annonceurs traditionnels de la presse vers Internet, à la fois
moins cher et média de masse ». A suivre…
Bayard Presse passe la vitesse supérieure
« La petite musique économique est là qui permet d'envisager la suite de manière plus sereine », se félicite
Eric Naux, responsable du service Internet et e-commerce de Bayard Presse. Le groupe s'était donné trois ans pour poser un nouveau socle après l'arrêt de Bayard Web, filiale réalisée en association avec Méderic et Suez pour concevoir un gros projet à l'ambition éditoriale, mais qui s'est vite révélé non viable économiquement.
En 2003, la plate-forme internet a été réintégrée en interne avec l'objectif d'utiliser le e-commerce pour développer les abonnements, à partir des sites de feuilletage, des sites compagnons et des sites éditoriaux comme la-croix.com, notretemps.com et croire.com. Notretemps.com, seul à être toujours réalisé en association avec Méderic, était également le seul jusqu'à présent à fonctionner sur le modèle économique publicitaire. Mais la situation est appelée à évoluer, car le groupe a commencé de tester la commercialisation des espaces des sites de La Croix, Enfant Magazine et Phosphore. L'an dernier, l'activité web du groupe a
réalisé un CA de 2,7 ME et généré plus de 45 000 abonnements.
Des annonceurs témoignent
Amandine Debray (chef de marque Nana)?
Pour la campagne plurimédia “Pour que ça change, votez Nana” menée en janvier, nous avons très fortement utilisé Internet et la presse. L'objectif était de toucher la cible des femmes de 15-34 ans avec un ton qui rompait délibérément avec les codes classiques de la catégorie Hygiène féminine. Et Internet est incontournable pour s'adresser aux plus jeunes de cette tranche d'âge. Dans la phase de teasing comme dès le lancement de la campagne multimédia, nous avons effectivement été à la fois présents dans les pages et sur les sites des mêmes titres de presse, via les offres femmes de l'agence Hi Média (ndlr : Femme Actuelle, Gala, Prima, Voici chez Prisma Presse, Info Bébé, etc.) et du regroupement des sites de Média Femmes. Mais ce n'était pas une décision automatique, nous avons regardé la performance de leur site sur la cible à laquelle nous nous adressons et nous n'avons pas retenu ceux qui présentaient un décalage entre le magazine et le site. »
Karine Dalle (chef de produit des gammes ménager et santé de Braun)?
Du 15 janvier au 15 février 2006 dernier, nous avons mis en place une campagne sur plusieurs sites internet parentaux et féminins pour soutenir notre thermomètre auriculaire Thermoscan (Famili.fr, agrossesse.com, Infobébés.com, Aufeminin.com et Doctissimo.fr). Avec chacun de ces sites, nous avons créé un publirédactionnel sur le produit auquel renvoyaient également des bannières. Chacun renvoyait également par un lien direct au consumer site de Procter & Gamble, enviedeplus.com, sur lequel était organisé un jeu- concours. En parallèle de cette campagne internet, nous avons également mené une campagne presse dans trois titres de la presse parentale, Famili, Parents et Enfant Magazine, là aussi sous la forme d'un publi-reportage. Le choix d'avoir communiqué à la même période sur les support presse et internet de Famili a été fait parce que ce site présente de bonnes performances sur notre cible, et non parce qu'il a un relais presse. Cependant, le fait qu'il soit, à la base, un support presse, explique sans doute pourquoi le contenu rédactionnel du site internet est de bonne qualité. Nous avions déjà utilisé le magazine et son site en fin d'année dernière pour une campagne également menée sur la cible future et jeune maman et concernant le mixeur Multiquick Fresh System. »