La pomme fait du jeune avec du vieux
En revenant sur le devant de la scène télévisée en janvier, la pomme délaisse son discours santé pour un ton plus décalé et humoristique. Objectif : séduire les moins de 35 ans et relancer la consommation.
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Après cinq années d'absence du petit écran, la pomme revient depuis le 10
janvier avec un spot de 20 secondes au ton décalé et humoristique destiné à
cibler les moins de 35 ans. Concentrée dans le temps - la vague ne dure que 19
jours - elle l'est aussi dans son plan médias, puisque seuls TF1, M6, Canal+ et
certaines chaînes câblées (MCM, Comédie, RTL 9, 13ème rue et MTV) la
diffuseront. C'est clair, les producteurs français de pommes, réunis au sein de
la section nationale éponyme, soutenus à 60 % par des mannes communautaires,
ont cassé leur tirelire pour faire leur "coup" de pub. Objectif : 30 millions
de contacts, à raison d'une répétition de cinq sur cette cible, soit 86 % des
25/34 ans récalcitrants à croquer la pomme. Drôle de campagne tout de même, qui
consiste à souligner aux jeunes l'urgence de manger des pommes au prétexte que,
plus âgés, ils n'auront plus assez de dents pour le faire. Le film, confié à
l'agence Jean & Montmarin, présente ainsi un dynamique papy de 87 ans chez lui,
perplexe devant une pomme, le tout sur fond de musique disco. Devant lui, un
couteau et, bien sûr, une pomme qu'il s'empresse de découper en morceaux et de
mixer avant d'arborer un sourire de satisfaction réduit à sa plus simple
expression... dentaire. D'où le message qui s'inscrit alors : "Quand vous
n'aurez plus de dents, vous rêverez de... croquer dans une pomme". Un discours
qui surfe sur le jeunisme ambiant et franchement limite pour les plus anciens.
Mais le propos de la pomme n'est plus de séduire les consommateurs réguliers,
il faut désormais motiver ceux qui en consomment peu ou pas, soit tout de même
44 % de la population. Des sous-consommateurs répartis, selon les résultats de
l'étude menée par IMAJ entre 1997 et 2000, en deux catégories. D'un côté les
"cybergloutons", tenants d'une alimentation consistante, adeptes de multimédia
et de sorties sportives, plus gourmands que gourmets, et qui représentent 24 %
de la population. De l'autre, les "déstructurés désinvestis", 20 % des
Français, surconsommateurs de sorties, plus intéressés par leurs activités
culturelles que par la consommation de fruits ou la préparation de petits plats
et très portés sur le grignotage. Dans un cas comme dans l'autre, les moins de
35 ans sont légion, puisqu'ils représentent respectivement 49 % et 65 % de ces
deux profils.
Un important relais opérationnel
Pas de
doute, il était donc temps pour la pomme de travailler sur les freins à la
consommation plutôt que de continuer à asséner des arguments de fraîcheur, de
naturalité et de santé dont tout le monde, au fond, semblait déjà persuadé. Et
pour cela, elle arbore désormais sa dimension "nomade" de fruit pratique à
emporter et facile à croquer où et quand on veut. A cet effet, la pomme fera sa
promo en GMS et chez les commerçants spécialisés avec un jeu sur le thème du
snack signé "Offrez une pomme à vos 32 dents", de janvier à février 2001, tout
en occupant le terrain de la restauration hors domicile avec 700 kits de
promotion d'incitation à l'achat d'une pomme "à la croque" jusqu'à la fin du
mois de mai. Les actions envers les enfants sont intensifiées avec, notamment,
un kit pédagogique destiné aux instituteurs, ainsi que celles auprès des
médecins généralistes avec 300 000 dépliants d'information distribués dans 4
500 cabinets. Et, puisque les jeunes aiment le sport, la pomme sponsorisera
également le "Pomme Ski Circus", une compétition de ski qui leur est destinée
dans une station animée sur le thème du cirque mais dont le nom n'est pas
encore connu. D'un point de vue économique, la conquête du marché des jeunes
est stratégique, non seulement pour ancrer la pomme dans leur mémoire
alimentaire, mais également pour doper la consommation. Car la France est le
premier pays européen producteur de pommes (2,26 millions de tonnes) et le
marché hexagonal son premier débouché. Et, même si 90 % des ménages achètent ce
fruit au moins une fois par an, cela ne suffit pas à absorber les quelque 200 à
300 000 tonnes excédentaires qui viennent régulièrement engorger le marché. Il
suffirait que 44 % de Français consomment six pommes supplémentaires par
semaine durant toute l'année pour stabiliser la filière pomme française. Ce qui
vient corroborer le message de l'Interfel (Interprofession des fruits et
légumes) qui préconise de consommer 10 fruits et légumes par jour. Après ce
repositionnement radical en termes de communication, on peut néanmoins
s'interroger sur les opportunités qu'aurait la pomme à développer des formes de
ventes plus adaptées à son époque. A quand les pommes en sachets individuels
pour les adeptes du grignotage ?