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La mort, c'est la vie

Si la société rejette l'image de la mort, les marques l'exploitent et la détournent. L'afficher est un acte rebelle qui rend vivant, dans un contexte où le conformisme est roi et les peurs se multiplient. Têtes de mort et autres squelettes envahissent les boutiques et sourient aux enseignes qui veulent se démarquer.

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La mort, nouveau discours des marques? Pas tout à fait, mais en cette année 2010, les références abondent et les marques l'utilisent clairement comme un argument marketing. « La mort fait vendre car elle est devenue un spectacle dans un monde de l' entertainment, elle génère de l'émotion et elle fabrique du lien, analyse Déborah Marino, responsable du planning stratégique chez Duke/Razorfish. La mort régénère, modernise et fabrique des mythes. C'est un outil marketing formidable. » Selon Rémy Sansaloni, directeur d'études du département Planning stratégique de TNS Sofres: « La mort se banalise. Les références se multiplient dans la consommation courante même si notre société reste encore dans le déni total. » Une tendance remise au goût du jour par l'exposition à succès, présentée au musée Maillol jusqu'au 28 juin dernier, consacrée aux vanités. Le message s'affiche clairement: la mort, «c'est la vie!» Et la mise en garde est claire: «Souviens-toi que tu vas mourir». C'est en écho à cette vérité première que les marques s'engouffrent dans ce créneau, en invitant leurs consommateurs à profiter de l'instant présent, sans tabou, transgressant l'image même de la mort. Carpe diem semblent-elles leur répéter. Loin des références morbides ou sataniques, elles jouent avec la mort pour mieux l'apprivoiser. Mode, alimentation, décoration, bijouterie... de nombreux secteurs affichent la couleur.

Dead zone!

Les trois frères qui ont lancé la marque The Kooples sont passionnés par la mort. Ils rapportent souvent crânes et autres ossements de leurs voyages. Rien d'anormal, donc, à ce que la tête de mort soit devenue l'emblème de la marque de vêtements. Sur les boutons de manchettes, les doublures des manteaux et vestes... une petite tête de mort rappelle aux fans que le crâne est un symbole de création et d'inspiration. « Un message subliminal de rébellion, de liberté, d'engagement et de puissance », explique un des frères. Et de renvoyer à des références artistiques comme Damien Hirst, dont la création la plus fameuse, «For the Love of God», est un crâne incrusté de plus de 8 000 diamants. En 2010, The Kooples prouve qu'il n'y a ni peur ni de tabou qui ne puisse survivre à la mode. La mort vous va si bien...

La mort en fil conducteur

Fondée en 1997, Zadig et Voltaire est très vite devenue culte au pays des «bobos». Des vêtements classiques, certes, mais un look 100 % rock'n roll, revendiqué de manière ostensible. Un luxe plus accessible, chic et décontracté, mais rebelle. Dans cet esprit, la marque n'hésite pas à afficher des têtes de mort sur ses pulls en cachemire et sur ses bottines rouges et noires. Quand la mort devient un objet du désir... La marque nourrit ses collections d'une tendance qui a déjà fait ses preuves en termes de marketing.

La mort, toujours à l'heure!

L'horloger suisse, aux tarifs attractifs, vient de compléter sa fameuse collection Swatch & Art en collaboration avec quatre nouveaux artistes, dont Ivan Navarro, sculpteur et artiste visuel chilien. Dans son oeuvre, il utilise les miroirs et la lumière comme supports d'une profonde réflexion. Avec cette création pour Swatch, baptisée «You stop you die», il expose, sous le verre, un crâne noir et argent, en dessous duquel se croisent des os façon tête de mort, ornés d'aiguilles noires qui glissent sur la surface miroitante pour indiquer l'heure.

Une édition numérotée et limitée de 777 exemplaires est proposée dans un emballage original: un cylindre en plastique clair et transparent.

L'amour et la mort, couple mythique

Citizen Bob Paris, créateur et fabricant de savons d'art et bougies à vu juste. Il a réussi à broder autour d'une histoire romantique et à parler d'amour en évoquant la mort. Comment? En inventant Bob, un personnage décliné à l'envi sur des objets parfumés. « Avec son coeur sur le front, Bob symbolise la quintessence de la vie: l'amour. Naître pour aimer ou mourir d'amour, chacun verra dans ce miroir un reflet de sa propre existence », explique la marque. Son premier lieu de vente a été le musée Maillol à Paris, lors de l'exposition «Vanités». Aujourd'hui, il est distribué dans des points de vente stratégique de la capitale, comme le Mama Shelter. Depuis, son nombre de fans ne cesse d'augmenter et Citizen Bob Paris voyage dans le monde entier: Milan, Londres, Genève, Las Vegas ou encore New York... Une miniature en bronze et porcelaine de Limoges a déjà vu le jour. Une exposition «Bob dans tous ses états» est également en préparation.

La mort arrive toujours à ses faims!

La mort s'invite même chez McDonald's et s'apprête à déguster un double cheeseburger, sous les yeux ébahis de sa jeune voisine. La chaîne de restauration poursuit sa saga, déclinée par BETC Euro RSCG, «Venez comme vous êtes». Ainsi, après Cendrillon et les irréductibles Gaulois, Ghost Face, l'assassin du film Scream, se fait complice du célèbre clown Ronald. Masqué et inquiétant, il est venu dévorer son Big Mac, sans fioritures.

Marie-Juliette Levin

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