La marque, outil de mobilisation des collaborateurs?
Le 11e baromètre Market-IAE s'interroge sur la réalité d'une autre facette de la marque: au-delà de son utilité classique de vecteur d'information vers les clients, est-elle capable de mobiliser les acteurs en interne pour qu'ils en deviennent des ambassadeurs motivés et efficaces?
Je m'abonneDans le cadre de la chaire Marques et Valeurs récemment ouverte à l'IAE de Paris, le baromètre Market-IAE s'est penché, pour sa 11e édition, sur cette question souvent ignorée: quid de la marque en interne? On évoque depuis longtemps la nature de la culture mobilisatrice des équipes, de l'identité comme moyen de rassemblement des personnels autour de valeurs, de la marque-employeur en tant qu'image de firme améliorant l'attractivité auprès des futurs étudiants recrutés. Mais on néglige la marque, au sens de marque commerciale, de marque gamme et marque produit, comme mot magique, lourd de sens, qui imprègne fortement le quotidien de tous les collaborateurs, bien au-delà de celles et ceux qui la connaissent de près en raison de leur métier: commerciaux, marketeurs, communicants... La marque peut, en interne, engendrer de la fierté, un sentiment d'appartenance, de la mobilisation, du désir de se dépasser, d'agir collectivement, de se comporter en adéquation avec un ensemble de valeurs perçues. Elle crée alors un réseau d'ambassadeurs marquant des points en externe (les ambassadeurs s'expriment par leurs propos, leurs attitudes, leurs comportements) et en interne (en fédérant les personnels appartenant à des entités diverses, voire à des filiales différentes). C'est tellement vrai que les entreprises, lorsqu'elles prennent la décision de regrouper sous une marque unique des activités jusque-là éparses, ne manquent pas de souligner que les préoccupations internes étaient aussi présentes que les aspects externes. Le désir de voir la marque étendre ses responsabilités est légitime. Encore convient-il de vérifier auprès des acteurs que des politiques de cette nature ont des chances de remporter leur adhésion.
Méthodologie
Questionnaire auto-administré par Internet entre le 1er et le 29 février 2012, auprès de 850 professionnels du marketing, tous diplômés du master Marketing et pratiques commerciales de l'IAE de Paris. 300 réponses étaient utilisables, soit un taux de 35 %.
La marque est une bannière de reconnaissance
Sans surprise, les relations que les personnels entretiennent avec la marque de leur entreprise sont fortes. 75 % sont heureux de travailler pour leur marque, et 68 % sont d'accord pour dire qu'ils se sentent proches de ses valeurs. Ceci est d'autant plus ressenti que marque corporate et marque commerciale sont confondues, et que la notoriété de la marque est importante. L'assimilation marque et image d'entreprise est évidente. Plus le salarié est engagé dans et pour son entreprise, plus il se sent concerné par les défis auxquels elle est confrontée, plus il apprécie d'en parler, et plus la relation entretenue avec la marque est forte.
Cependant, le domaine manque de clarté. Convaincus d'avoir la capacité d'être des ambassadeurs, les salariés expriment beaucoup de réserves sur la politique de marque menée en interne. Ces politiques ne sont pas claires, elles sont perçues comme très prioritairement orientées vers la clientèle et trop soigneusement enfermées au sein du département marketing. Les salariés considèrent majoritairement la marque comme une base solide (56 %), mais des réserves sont émises quant à savoir si la marque est l'élément autour duquel tout le monde se rassemble (seulement 40 % des interrogés sont d'accord). C'est bien un défaut qui est ici relevé: pour seulement la moitié des répondants, le discours autour de la marque aide à comprendre les stratégies de l'entreprise. On aurait pu s'attendre à un score bien meilleur.
Un appel à la mobilisation générale
La marque est aujourd'hui rarement perçue comme un élément stratégique de mobilisation interne, en dépit du champ d'opportunités que beaucoup discernent. Le levier est sous-exploité. La marque fait ainsi rarement l'objet d'une mise en scène interne, d'un discours vigoureux pour rassembler le personnel autour des valeurs qu'elle véhicule. La raison est sans doute double: le manque de prise de conscience du formidable capital de marketing interne que peut présenter une marque, et l'organisation propre à l'entreprise. Car si marketing et communication sont les seuls à avoir le droit de porter l'emblème, la logique est de négliger les effets tournés vers l'interne. La solution est de faire de la marque un domaine transversal, sur lequel se portent le marketing - pour les clients - et les ressources humaines (ou la direction générale) - pour la mobilisation des équipes.
Jean-Pierre Helfer et Géraldine Michel, professeurs de marketing à l'IAE de Paris, université Panthéon-Sorbonne