La marque au coeur de l'ère de l'immatériel
Parmi les actifs immatériels, la marque prend une place déterminante dans l'économie moderne. Et peut même être considérée comme le premier actif en valeur de l'entreprise par les évaluateurs financiers et les auditeurs.
Je m'abonneLes actifs immatériels jouent un rôle-clé dans l'économie, et parmi eux, la marque se place dans le peloton de tête. Tel est l'un des constats établis par Maurice Lévy, président de Publicis, et Jean-Pierre Jouyet, chef de l'Inspection des finances, dans leur rapport remis, en décembre, au ministre de l'Economie, Thierry Breton. Ce constat est confirmé par une autre étude, menée par le cabinet indépendant Brand Finance, qui souligne le poids croissant de la contribution de cet actif à la valeur globale des entreprises.
En effet, il représente déjà 18% en moyenne de leur valeur, mais peut atteindre des sommets, comme pour Nike (84%), Prada (77%), Chanel (66%), première marque française qui contribue à la valeur de son entreprise. Cette évolution éclaire d'un jour nouveau les directions chargées de gérer la marque. Face à la financiarisation croissante, les directions marketing et communication ne devraient pas laisser le champ de l'évaluation de la marque aux seuls financiers, souvent mal armés pour juger de sa qualité.
Parallèlement, ces mêmes directions pourraient ressentir le besoin d'exprimer en interne ce que les budgets marketing et communication permettent de gagner en flux (c'est-à-dire en ventes) et en valeur de stock (soit en valeur patrimoniale de marque inscrite au bilan).
FLORENCE HUSSENOT PRESIDENTE D'ADWISE Adwise est actionnaire de la société Brand Finance France.
Cet éclairage doit être mis en relation avec les avantages que procure une marque forte pour l'entreprise, par sa notoriété et la fidélité de ses clients. Une marque forte autorise une meilleure visibilité des revenus futurs. Et qui dit «visibilité» dit «sécurité» pour les financiers. En apportant une stabilité des ventes, elle permet à l'entreprise d'emprunter des sommes supérieures, à des taux plus intéressants; et réduit donc le coût du crédit. Par sa capacité à se décliner, elle laisse la porte ouverte à de nouveaux développements sur des territoires connexes. Et, riche de son image, elle autorise une croissance sous forme de licences, relayant sa présence internationale et sa notoriété.
Quelle valeur pour la marque?
Rien d'étonnant donc si, dans le rapport Brand Finance 250, rendu public en mars, les marques placées en tête sont aussi leaders de leur secteur. Reste à savoir mesurer leur valeur marketing. Mais toutes ne fonctionnent pas de la même façon: une marque produit n'est pas une marque label, qui n'est pas une marque Internet ni une marque corporate. Il est donc essentiel de bien différencier toutes les catégories. De même, il faut savoir reconnaître l'impact d'un marché sur leur valeur.
Tous ne leur confèrent pas une valeur supplémentaire: l'implication du consommateur dans la marque est différente selon les secteurs. Très forte pour les compagnies aériennes, l'automobile, le Champagne, l'implication est plus faible pour le prêt-à-porter (étude Adwise, www.adwise-research.com). Prendre en compte la valeur de la marque - et au-delà, la création de valeur recherchée - doit donc être un nouveau réflexe. La question peut se poser pour Bouygues Telecom, au moment où la maison mère s'interroge sur la stratégie à suivre. Que vaut la marque Bouygues Telecom séparée de Bouygues?
La question se pose à chaque étape de la vie de la marque, au moment où l'on pense ou repense sa communication, le développement de nouveaux services et/ou produits. Qu'apportent-ils au marché; à la marque? Au jour le jour, les recommandations opérationnelles des acteurs de la gestion de la marque devraient prendre en compte sa valeur ou sa création de valeur, pour mieux exploiter son capital.
De nouveaux outils de mesure et de suivi du capital marque sont aujourd'hui disponibles, car finalement, seul ce qui peut se mesurer et se comparer peut progresser. La compréhension des comportements fondamentaux des consommateurs donne une excellente image de la force actuelle de la marque; mais finalement peu de comportements forment la source essentielle de sa valeur. De même, les altitudes laisseront présager de sa force potentielle, en suivant le principe que les comportements d'aujourd'hui font ceux de demain. Encore une fois, il est nécessaire de disposer d'un outil synthétique d'analyse et de suivi, reposant sur des critères reconnus par les directions marketing et financières. Cet outil est indispensable et pour les directions marketing souhaitant se réapproprier l'évaluation de la marque et mieux maîtriser les décisions d'investissement. Il sert alors de passerelle communicante à l'intérieur de l'entreprise entre les directions financière et marketing.