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La fin de l'hyperchoix comme modèle universel de consommation?

2005 marque le 4e centenaire de Don Quichotte et les offres à bas prix triomphent. Au Japon l'enseigne phare du hard discount porte son nom et ne cesse de croître. Les consommateurs seraient-ils devenus des chevaliers errants combattant les chimères de l'hypercapitalisme ?

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Les signes en tout cas sont là. Depuis quelques années, les hypermarchés perdent de leur attrait. Les études régulières que nous menons sur les tendances de consommation et les générations montrent des symptômes clairs et convergents: chasse au superflu, regain du besoin de proximité, montée du hard discount… L'heure est au recentrage. La diversité de l'offre n'est plus autant valorisée. Cette mutation des comportements repose sur un changement d'attitude face à l'innovation. Au moins trois phénomènes se combinent sociologiquement, pour expliquer cette évolution.

Trois phénomènes

Près d'un Français sur deux en 2005 (47 %) dit “avoir du mal à joindre les deux bouts” et 71 % n'ont pas confiance dans l'évolution de la situation économique en France. Dans un contexte de fragilisation générale, les consommateurs privilégient les dépenses utiles. Ensuite, la montée du stress auprès de toutes les catégories de la population (44 % de “souvent stressés”) entraîne un besoin accru de simplification. 61 % des Français âgés de 18 ans et plus considèrent qu'il y a “trop de produits superflus dans les magasins”. Enfin, les consommateurs ont une culture marketing beaucoup plus développée et qui commence de plus en plus tôt, comme l'a montré notre récente étude sur les 6-14 ans. C'est l'émergence d'une nouvelle génération de consommateurs: les “décodeurs” à qui “on ne la fait pas”, qui sont pleinement conscients d'être la cible permanente des professionnels du marketing et qui préfèrent acheter des marques de distributeurs, car ils ne perçoivent plus le différentiel de qualité avec les grandes marques. Regardons d'un peu plus près les acteurs de cette mutation. Peu de catégories dans la population en effet échappent aujourd'hui à cette lame de fond. Les trends setters ont amorcé le mouvement dès 2002. Les témoignages recueillis à l'époque montraient l'émergence d'un discours mettant en cause “l'innovation gadget” et cette tendance s'est confirmée depuis. Ceci est d'autant plus frappant que les personnes interrogées sont supposées être les plus ouvertes à l'innovation. Les jeunes n'échappent pas à la règle. Même s'ils restent les plus ouverts à l'innovation, 42 % des 15-30 ans déclaraient en 2004 “en avoir assez du discours totalitaire des marques”, un chiffre en progression de 7 points par rapport à 2003. Quant aux seniors, ils restent convaincus à 64 % qu'il y a “trop de produits nouveaux” et 60 % considèrent que “consommer mieux, c'est consommer moins”. A noter cependant qu'ils sont de plus en plus nombreux à adopter les nouvelles technologies. Pour 70 % des 60 ans et plus, celles-ci contribuent à “simplifier la vie”. L'innovation n'est donc pas rejetée a priori. C'est sa capacité à résoudre les vrais problèmes des individus qui fait la différence.

Les atouts de l'hyperchoix dans ce contexte

Faudrait-il alors tout miser sur la réduction de l'offre à tous les niveaux? En réalité, il faut être prudent, car l'hyperchoix n'est pas vécu de la même façon selon les catégories de produits. Dans certains secteurs, l'hyperchoix peut devenir un atout pour les marques. Citons l'exemple de l'Hygiène-Beauté. Il s'y exprime toujours un fort besoin de personnalisation. Au temps court de la vie stressante est opposé le temps long de la flânerie et du choix. Ainsi, 43 % des consom-mateurs avouent aimer passer du temps à acheter les produits de soin et de beauté contre 12 % pour les produits alimentaires non frais. La valeur ajoutée a un prix, et les consommateurs le reconnaissent bien volontier. En réalité, la société de consommation se reconfigure selon deux grandes directions. D'un côté, les marchés de la personnalisation et de la valeur ajoutée. De l'autre, ceux de la simplicité et du gain de temps. L'enjeu sera de situer son offre entre ces deux polarités.

Par Rémy Oudghiri, directeur du département Tendances et Prospective d'Ipsos

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