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La couleur sert-elle encore à faire joli ?

La couleur joue un rôle essentiel pour la personnalisation et la segmentation des produits sur les lieux de vente. Elle fait à présent partie intégrante de la stratégie de reconnaissance des marques et de leurs produits. La couleur devenue signe et symbole permet de clarifier le message. Les décorateurs, les coloristes, les thérapeutes, les adeptes du feng shui lui attribuent même des vertus bénéfiques sur notre état physique, émotionnel et psychologique. Il semble loin le temps où nous considérions que, comme les goûts, les couleurs, ça se discutait.

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Complexe, la couleur ! Les goûts, la culture, l'histoire personnelle de chaque individu et le décryptage qu'en fait notre cerveau... Il semble bien qu'il y ait autant de couleurs dans la nature que de personnes pour les interpréter. Car si c'est l'oeil qui la voit, c'est notre cerveau qui lui attribue une teinte exacte et qui, simultanément, la traduit en une sensation évocatrice. Ainsi, le rouge vif du canapé du salon peut nous donner des ailes certains jours ou, à l'inverse, nous porter sur les nerfs quand notre humeur nous invite à la détente... Autrefois la couleur était le domaine privilégié des artistes, sa manifestation la plus éclatante aux yeux du grand public se cristallisait dans l'univers de la mode. Progressivement, depuis une vingtaine d'années, la couleur a commencé à investir d'autres champs d'activité. Confortés par le travail de recherche de scientifiques et de thérapeutes, les décorateurs, les designers ont osé la couleur autrement que dans un dessein esthétique qui colle à l'air du temps. Peu à peu, la couleur est devenue porteuse de sens.

Penser la couleur


Des secteurs aussi variés que les transports, l'informatique, l'électroménager, les articles de sport se sont colorisés afin de proposer aux consommateurs une palette adaptée à leur besoin de différence et de bien-être. Des études ont démontré que dans les avions, les couleurs de la décoration influencent considérablement les sensations d'ennui ou d'inquiétude des passagers. Consciente de ce phénomène, la compagnie Singapour Airlines a abandonné les tons gris bleutés monotones pour décorer l'intérieur de ses appareils. De nouvelles harmonies de couleurs ont été composées judicieusement selon chaque niveau de classe. Ainsi, pour la première classe, le choix s'est porté sur des tons cuirs, chauds et rassurants, semblables à ceux utilisés pour habiller l'intimité des Rolls et des Jaguar. La classe affaires, elle, s'est parée de notes douillettes de beige rosé sur un fond camaïeu bleu sombre. Quant à la classe économique, elle adopte désormais un environnement plus stimulant mariant les bleus vifs et les pourpres. Penser la couleur comme un pôle émetteur de calme et de paix n'est pas exclusivement réservé à des privilégiés si l'on en juge la démarche confiée à Jean-Maurice Simoneau, professeur à l'école Boulle. Celui-ci a proposé de repeindre les parties communes de la prison de la Santé en ocre et en bleu, couleurs de la terre et du ciel. Ce qui favoriserait le bien-être des détenus.

Donner du signifiant


Dans le contexte bigarré des produits de la grande distribution, il s'avère bien difficile de comprendre le sens donné à la couleur. La concordance entre les couleurs du packaging et le produit contenu est-elle aussi judicieuse que celle des espaces intérieurs dont nous venons de parler ? Sur un packaging, l'utilisation de la couleur est principalement fonctionnelle. Les touches chromatiques se mettent au service de la segmentation visuelle de l'offre. Au fil du temps se sont installés des codes couleurs propres aux différents marchés pour clarifier la nature, la fonction, voire une spécificité, un bénéfice d'usage du produit. Prenons l'exemple de deux couleurs diamétralement opposées sur le cercle chromatique : le rouge, couleur chaude, la dominante pour les cafés familiaux de type robusta, le chocolat noir, le lait entier, le beurre demi-sel, les fromages au lait cru, mais aussi pour les éponges très grattantes, l'enduit de rebouchage, la peinture glycéro. Il annonce un shampooing pour cheveux gras ou un très fort niveau de fixation pour les produits coiffants... Le bleu, couleur froide, lui, règne sur les cafés décaféinés, le chocolat au lait, le lait demi-écrémé, le beurre doux, les fromages allégés, ou sur les éponges grattantes douces, l'enduit de lissage, la peinture acrylique. Le bleu, c'est le shampooing antipelliculaire, la fixation normale des coiffants... Y a-t-il une logique de sens émis par la couleur sur les packagings de ces produits ? Pas toujours, le choix de ces teintes semble arbitraire. Parfois même, les codes se contredisent d'un concurrent à l'autre (Vivelle vs. Studio Line), d'un marché à l'autre (le lait entier vs. la purée Mousseline). Une seule certitude, visuellement, le bleu et le rouge se différencient parfaitement dans les rayons. Si nous voulons respecter le besoin de réassurance et de clarté de nos consommateurs, nous pouvons légitimement nous demander s'il ne faut pas aller plus loin en approfondissant le lien entre la fonctionnalité et le signifiant des codes couleurs de segmentation. C'est un vaste chantier sur lequel nous réfléchissons activement. A ce jour, nos applications sont principalement réalisées dans le domaine de la cosmétique. Il ne fait aucun doute que demain sur les emballages, la couleur, en plus "de faire joli" et d'être fonctionnelle, devra être porteuse de sens.

François Pelletier

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