La PQR tisse sa Toile
Resserrer ses liens avec l'information locale et se développer en ligne, tel est le challenge de la presse quotidienne régionale. Celle-ci compte ainsi sur le Web pour jouer sur l'hyperproximité.
Je m'abonneEn repli global de 11 % en 2009 à cause de la chute des petites annonces, la presse quotidienne régionale (PQR) préserve sa position sur les marchés nationaux et a même enregistré une croissance de 4 % sur son offre PQR 66(1). « Cela montre que ce média, qui conjugue puissance et proximité, fonctionne très bien en temps de crise », souligne Jacques Hardoin, directeur général du groupe Voix du Nord et président de la commission publicité du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) .
Mais la presse régionale se porte-t-elle si bien ? Evidemment, non. A commencer par le plan commercial. « Nous avons commencé, il y a deux ans, à bâtir des offres dynamiques et incitatives destinées aux annonceurs du food, afin d'accompagner ce secteur, mais nous sommes encore malheureusement trop souvent utilisés pour des «coups»», regrette, par exemple, Jean-François de Lanversin, directeur général de Quotidiens Associés. C'est pourquoi, cette année, PQR 66 a continué son chantier en proposant de nouveaux dispositifs,
comme Access Jour J, qui permet de communiquer un jour donné sur un événement majeur de la vie de l'entreprise, Access Label, qui met en avant l'obtention d'un prix, Access Grands Espaces, qui propose aux annonceurs de s'exprimer dans un cahier de huit pages et, surtout, les packs Access Digital, présentés comme les prolongements naturels des formules print. « Cette offre print + Web n 'existait pas de manière officielle. C'est maintenant chose faite », précise Jean-François de Lanversin.
Jacques Hardoin (groupe Voix du nord) :
«Il y a la place pour une vraie télévision régionale. »
Web : prime à l'ultra-local
Cette officialisation commerciale confirme que la presse régionale connaît les mêmes évolutions que la presse dans son ensemble : l'heure est à l'accélération des développements sur le Net. Cette stratégie est d'autant plus justifiée pour la PQR que l'audience est là. En janvier, les
57 sites regroupés sur le portail Presseregionale.fr ont généré près de 379 millions de pages vues, soit 19,48 % de plus qu'en janvier 2008, selon OJD Internet. Le média établit là son record et ravit ainsi la troisième place au Figaro, derrière Skyrock et L'Equipe. Cette progression découle en grande partie de l'amélioration de la qualité de ses contenus en ligne. « Depuis 2009, tous les sites proposent des vidéos, souligne Mathieu Mathelin, chargé du développement web au SPQR. Celles-ci portent principalement sur l'actualité locale car c'est ce que consultent en premier les internautes. » Cette attente d'information locale, voire micro locale, a, par exemple, amené Ladepeche.fr à imaginer le concept du Portail des localités, mis en ligne mi-mars. «Il s'agit de donner de la chair à ces micro-communautés géographiquement
ciblées », explique Michaël Bourguignon, directeur général de La Dépêche Interactive. Chacune des 1 300 communes de la région toulousaine dispose d'un espace pour fournir des informations pratiques, du contenu éditorialisé. Et les annonceurs ultra-locaux y ont un espace stratégique pour communiquer. A La Voix du Nord, Jacques Hardoin insiste également sur la nécessité « de proposer une information miroir sur le Net. C'est aussi dans cet esprit que nous avons lancé, l'an dernier, les sites dédiés Lavoixdunordaufeminin.fr et Lavoixdessports.com, qui s 'ajoutent à Lavoixeco.com, explique-t-il. Nous sommes les seuls intervenants de la PQR à proposer ces sites thématiques. » Dans un autre genre, pour ceux qui souhaitent conjuguer information locale et histoire, Ouest-France et des partenaires publics ont mis en ligne une partie des éditions de l'Ouest-Eclair publiées entre 1899 et 1944. La totalité des archives de l'ancêtre du quotidien rennais devrait être sur la Toile dans quelques années.
Mixité des modèles
Ces différentes stratégies de niche participent d'une même réflexion : répondre aux besoins d'une communauté d'internautes qui grossit à grande vitesse. « Nous sommes passés du rôle de chasseurs à celui d'éleveurs, analyse Michaël Bourguignon. A la Dépêche Interactive, nous avons progressé de manière fulgurante, de 150 000 visiteurs uniques par mois il y a trois ans à 2, 7 millions aujourd'hui. Nous sommes dans la situation de l'ado qui a grandi trop vite. Nous devons nous structurer, nous muscler. » Et ces exercices de musculation passent par l'utilisation de nouveaux outils. Le mobile figure en tête de la panoplie idéale. « C'est effectivement un gros enjeu, confirme Mathieu Mathelin. On compte actuellement 15 sites sur mobile, trois applications iPhone déjà proposées par Le Parisien, La Dépêche, la Voix du Nord. Et d'ici à la fin de l'année, entre 20 et 25 sites devraient être en ligne sur le mobile. »
Certains éditeurs de PQR regardent également avec intérêt l'arrivée de l'iPad, la nouvelle tablette d'Apple. « Ce format est intéressant car il permet de retrouver le geste du feuilletage de manière interactive », note Michaël Bourguignon. « Je crois beaucoup en l'iPad, ajoute Mathieu Mathelin. Il permet de redonner une hiérarchie à l'information et concilie les points forts du papier et du Web. » Mais ces investissements dans de nouveaux outils et contenus posent le problème du financement. Là encore, la PQR n'échappe pas à la grande question qui agite toute la presse : faut-il adopter un modèle gratuit, payant ou mixte ? « Nous ne mettons pas toutes les éditions locales en ligne. Nous sommes en train d'identifier ce qui pourrait être payant », glisse Hubert Coudurier, directeur de l'information du Télégramme. Toujours à l'ouest de l'Hexagone, Michel Lépinay, président du Pôle normand et chargé de la coordination des activités internet de Groupe Hersant Média, a déjà tranché : « Sur le site de Paris Normandie, l'information locale à valeur ajoutée sera payante tandis que toute la partie d'information nationale et internationale que l'on peut trouver ailleurs restera gratuite. »
Pour Bruno Ricard, directeur du marketing et des études du SPQR, la problématique est claire.
« Aujourd'hui, l'enjeu de notre média est moins la monétisation de l'audience, que l'audience elle-même, assure-t-il. Les 12 millions de visiteurs uniques mensuels de Presseregionale.fr sont à mettre en perspective avec l'audience de la PQR dans sa version papier, qui est de 18 millions de lecteurs quotidiens. Il n 'est donc pas question d'imaginer un modèle où la plus grande partie des contenus serait payante. Même si certains services à forte valeur ajoutée peuvent faire l'objet d'une monétisation spécifique. »
Pour Hubert Coudurier, il faut consolider et étendre les audiences en ligne sans pour autant vampiriser le quotidien. De plus, il est nécessaire de «continuer à tirer la qualité du papier vers le haut, comme le font les régionaux allemands, qui jouissent d'une influence nationale. » Si le grand chantier 2010 se déroule donc en grande partie sur la Toile, chacun est bien conscient que le navire amiral de la PQR demeure le quotidien. Preuve s'il en fallait, les initiatives récentes et à venir. Ces derniers mois, La Voix du Nord, Nord Eclair et Nord Littoral sont passés au 100 % quadri et ont inauguré une nouvelle maquette «pour offrir un traité plus impliquant et plus visuel à la petite locale», précise leur directeur général. L'Yonne Républicaine, Le Parisien- Aujourd'hui en France ont également mis le cap sur le tout quadri, tandis que Le Progrès, L'Est Républicain, La Provence et La Dépêche planchaient sur de nouvelles formules. A Paris Normandie, Michel Lepinay mise sur le flashcode, lancé mi-janvier dans certaines rubriques du journal. « C'est un outil de valorisation pour le papier et le chaînon manquant entre le papier et le Web », estime-t-il.
De la PQr au média global
Les éditeurs ne se résignent donc pas à la baisse de la diffusion générale. Ainsi, parallèlement au Web, certains s'aventurent même du côté de la télévision. «Depuis des années, nous suivons la même ligne, celle d'un projet éditorial multimédia», rappelle Hubert Coudurier, directeur de l'information du Télégramme mais aussi président de Tébéo, Télé Bretagne Ouest. Cette chaîne est la dernière pierre ajoutée à l'édifice brestois. Lancée le 30 novembre 2009, elle est détenue à 51 % par Le Télégramme et diffusée sur la TNT gratuite. A la fin du mois de mars, 35 émetteurs de Tébéo devaient être activés en attendant l'arrêt de l'analogique, prévu en juin en Bretagne. Quelques mois plus tôt, c'est Wéo, une autre chaîne lancée sous l'égide du groupe Voix du Nord qui a vu le jour dans le Nord-Pas-de-Calais. Exclusivement numérique, elle est diffusée sur la TNT gratuite, mais également via Numericable et les Box Free, Orange et SFR. « L'originalité de cette chaîne est son actionnariat : un tiers d'investissement local avec nous (Le Télégramme, NDLR), un tiers d 'extra local (avec le Crédit Agricole, NDLR) et un tiers de public (avec le Conseil régional, NDLR), souligne Jacques Hardoin. C'est un lancement que nous voulons consolider car il y a une place pour une vraie télévision régionale. » Un avis que ne partage pas le groupe Ouest France, en quête d'un repreneur pour sa participation de 34 % dans la télévision locale Angers 7, et ce quelques mois après avoir déposé le bilan de la télévision locale Nantes 7, dont il détenait 35,5 %. Papier, Web, mobile, télévision... En multipliant les supports, la PQR montre qu'elle ne manque pas de ressources.
Séduire les jeunes lecteurs
La PQR n'aura pas attendu les Etats généraux de la presse pour lancer une opération de séduction en direction des jeunes. Ouest France, comme une partie de la PQR, a lancé, dès 2006, l'opération «Un journal gratuit dès 18 ans» qui permet à tout jeu ne de 18 à 24 ans de bénéficier, un jour par semaine, d'un abonnement gratuit au quotidien régional de son choix. La première étape a consisté à mettre en place une stratégie de conquête depuis l'abonnement gratuit le samedi jusqu'à la proposition d'un abonnement payant deux jours par semaine. «Cette campagne s'est soldée par un taux d'abonnement de 13 %, ce qui est un très bon taux de fidélisation pour une opération de ce type», observe Lucile Raguin, directrice du développement et de la fidélisation d'Ouest France. Chaque offre proposée jusqu'en 2009 a été soutenue par des actions de communication (e-mailings de prospection et de parrainage, site internet d'abonnement, flyers dans les universités et Resto U ...).
« La cible des abonnements payants a évolué des étudiants de ig-25 ans, aux jeunes professionnels nomades, puis aux jeunes professionnels qui se sédentarisent, reprend Lucile Raguin. Par ailleurs, nous avons constaté que ceux qui n'ont pas acheté la formule d'abonnement payant lisent et achètent Ouest France plus souvent qu'avant» Prochaine étape de l'opération : leur proposer une offre couplée papier + Web.
« La PQr est un média efficace et proche de son public »
Le point de vue. Catherine Villa, directrice presse de Mediabrands, passe au crible les arguments mis en avant par les régies en charge de la PQr.
Créativité. Ce média a réalisé de grands efforts pour créer des offres plus adaptées au marché. Tout est parti d'une crainte concernant les conséquences de l'ouverture de la TV à la Distribution car ce secteur représentait jusque-là une sorte de chiffre d'affaires garanti pour la PQR. Avant, nous faisions face à une lourde machine, au ticket d'entrée élevé, pas vraiment souple en matière de négociations. Les régies ont réagi au bon moment, en créant un ticket d'entrée plus accessible aux annonceurs. Elles se remettent en question chaque année en créant de nouvelles offres et le média en récolte les fruits.
Efficacité. Ce média est efficace et bénéficie d'une vraie proximité avec son public. Quand certains de nos annonceurs l'utilisent, ils y reviennent pour cette raison. Deux stratégies possibles : soit y faire appel ponctuellement pour réaliser un coup à des périodes de consommation fortes ou spécifiques à l'actualité d'une marque, soit y recourir pour travailler une marque dans la durée. Il est efficace dans les deux cas, au national comme en local. C'est un média qu'on devrait arriver à vendre auprès de beaucoup de secteurs mais il existe encore beaucoup de freins de la part des annonceurs et du marché. D'abord parce nos métiers qui évoluent dans un environnement majoritairement parisien ne le connaissent pas toujours forcément bien. En outre, il existe toujours un frein budgétaire. Même s'il y a eu de nets efforts pour en favoriser l'accessibilité, la PQR demeure plus chère que la presse magazine. Si on prend l'exemple du pack Access Food, trois insertions d'une demi-page en PQR équivalent à un mois en presse féminine. Et il y a également le frein concernant le côté éphémère du média, qui fait qu'une campagne en PQR vient souvent en complément d'une campagne en presse magazine, TV ou radio. Cela implique de disposer de moyens énormes. Autant d'écueils qui font que je recommande beaucoup plus de PQR que je n'arrive à en vendre.
réactivité. Il y a encore des améliorations à apporter. Sur le papier, on promet des campagnes à J +1 mais dans la réalité, lancer une campagne en PQR 66 demande un vrai délai de réponse. Ce n'est pas un reproche mais cela devrait être un vrai point d'amélioration. L'investissement dans le tout quadri est l'un des leviers de l'évolution de l'offre de la PQR dans ce domaine. Quant à l'interactivité, le développement du Web présente effectivement un réel intérêt. D'abord pour la PQR elle-même, mais aussi pour le marché. Car il y a une complémentarité de ciblage entre les deux médias print et Web.
La PQR gagne de nouvelles marques
Entre Aubade et la PQR, on peut parler de leçon de séduction mutuelle. La première incursion de la marque de lingerie dans la presse régionale a, en effet, été doublement saluée par l'édition 2010 du palmarès Impact 66, qui s'est tenue le 15 mars. Au bade avait fait le choix de venir dans la régie PQR 66