Recherche

La Macif dit stop à la promotion pure et dure

Pour Yannick Schmitz, directeur du marketing et du développement de la Macif, le positionnement du groupe doit refléter ses valeurs mutualistes, dans un contexte de plus en plus concurrentiel.

Publié par le
Lecture
15 min
  • Imprimer

Marketing Magazine: Le marketing des produits d'assurances est-il si différent de celui des produits de grande consommation?

Yannick Schmitz: Avant d'acheter sa bouteille de soda, on ne se demande pas quand on en aura besoin. Le processus d'achat est bien différent dans les assurances. On n'achète pas son contrat par plaisir. Tout le monde a l'obligation de se prémunir contre les aléas de la vie, tels un dégât des eaux, un accident de voiture ou une maladie... Mais c'est un service dont on espère ne pas avoir besoin. Le choix s'effectue d'abord en fonction de la confiance que l'on porte à la marque et non des produits proposés. En tant que directeur marketing, je m'intéresse avant tout à l'état d'esprit du client. Le prisme au travers duquel le consommateur va regarder votre marque est plus important que les produits.

Cet automne, votre groupe lance des comptes bancaires. Banque, assurances... Qu'est-ce que la Macif aujourd'hui?

Créée en 1960 par un groupe d'industriels et de commerçants niortais, d'où notre nom d'origine (Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France), la Macif est une entreprise de l'économie sociale, construite autour de trois principes fondateurs: démocratie, solidarité et non-lucrativité. Notre politique commerciale et notre palette de services diversifiée respectent ces engagements. Le groupe Macif se veut un généraliste de l'assurance. Nous nous adressons à l'ensemble de la population et nous couvrons tous les besoins. De l'assurance IARD (incendie, accidents, risques divers) , dont nous sommes un des leaders en France, jusqu'aux produits bancaires. Notre formule de compte-courant Bleu Anis, lancée cet automne, se veut «plus efficace, plus responsable et moins chère». Aujourd'hui, le groupe Macif compte 4,8 millions de sociétaires, 17 millions de contrats gérés, 12 millions de personnes protégées.

Quel est l'impact du vieillissement de la population sur votre activité?

On assiste à un vieillissement global de la population. Mais il n'y a pas d'inquiétude majeure à avoir. A la Macif, l'âge moyen des clients en portefeuille est de 48 ans. Nous sommes dans la bonne tranche par rapport au cycle moyen d'investissement propre aux assurances. Car les domaine de l'assurance fonctionne par cycle, comme la vie. Quand vous démarrez dans la vie active, vous êtes couverts par vos parents. A partir de 30 ans, vos besoins augmentent progressivement (mariage, enfants, acquisition d'une voiture, etc.). De 40 ans à 50 ans vous passez dans la catégorie des multi-équipés (assurance vie, habitation, automobile, épargne... ) . C'est un pic de consommation. Vers 59 ans, vous approchez de la retraite et vous entrez dans un cycle de déséquipement, sauf pour les produits d'épargne.

Les banques captent, via les prêts étudiants, une nouvelle clientèle, celle des jeunes. C'est une concurrence redoutable...

Il y a dix ans, les banques ne proposaient pas d'assurances. Aujourd'hui, elles détiennent 12 % de parts de marché des assurances IARD. Face à cette situation, l'enjeu pour nous, en termes de conquête, est de donner envie à une population «assurable» de venir chez nous et de développer une politique de fidélisation (anti-attrition).

Le «consommateur» d'assurances est-il, lui aussi, de plus en plus zappeur?

C'est incontestable. Les assurés ont tendance à changer plus fréquemment de compagnie, surtout ceux qui se sont intéressés à l'assurance par le biais Internet. Le taux d'attrition se situe entre 8 % et 10 % pour l'ensemble de la profession. Ce phénomène sensible, surtout depuis 2005, est influencé par deux facteurs. Le premier, c'est Internet. Avec l'apparition des sites comparatifs, les consommateurs accèdent plus facilement aux informations sur les produits, que ce soit à propos des garanties offertes ou des prix. Les comparateurs d'assurance (NDLR: Assurland, Le lynx...) jouent un rôle d'intermédiaire et activent le marché.

Deuxième facteur d'explication de l'évolution du taux d'attrition: les pouvoirs publics ont conduit plusieurs réformes réglementaires (Loi Chatel, etc.) pour développer la concurrence. Cela conduit d'ailleurs à des guerres de prix. Tous ces phénomènes entraînent une mutation de notre métier.

Parcours

Diplômé du Conservatoire national des arts et métiers.
1982: fait ses débuts chez Armand Thierry.
1995: devient directeur des achats de Go Sport.
2001: intègre la Macif afin de créer la direction internet où il met en place le portail du groupe www.macif.fr.
2006: dirige la création du concept d'assurance en ligne www.idmacif.fr.
2008: devient directeur général de la structure gérant Idmacif et prend la tête de la direction marketing et développement du groupe Macif.

Comment rentabilisez-vous le coût d'acquisition de nouveaux prospects dans ces conditions?

C'est de plus en plus difficile. Même pour la Macif et les mutuelles qui affichent les taux de churn les plus bas (-de 5 %), contre 10 à 15 % pour les acteurs de l'Internet. Prenons l'exemple d'un contrat automobile. L'assuré paye 560 euros par an en moyenne. La compagnie d'assurance va dépenser plus de 85 % de ce montant en indemnisation de sinistre. Le reste doit servir à couvrir nos dépenses de gestion et les frais associés à cette stratégie de conquête (communication, mobilisation des forces de vente, efforts promotionnels...).

Dans la profession, on estime généralement qu'il faut garder cinq ans un assuré en portefeuille, en lui proposant des prestations complémentaires, pour amortir ces coûts d'acquisition. Telle est l'équation économique que nous devons résoudre, même si nous nous rémunérons également sur les placements financiers à long terme, ce qui fait partie intégrante de notre métier.

N'êtes-vous pas tenté, vous aussi, pour conquérir de nouveaux clients de les attirer à coup de promotions géantes?

L'assurance devient un marché de plus en plus agressif, de plus en plus promotionnel. Il n'est plus rare de voir des campagnes proposant deux voire quatre mois gratuits pour la souscription d'un nouveau contrat. Bien entendu, cela contribue à faire augmenter le taux de churn. Les opérateurs de télécoms ont fait la même erreur pour le téléphone portable. Et ils en sont revenus.

Depuis deux ans, la Macif ne cède plus à cette logique de «promo» pure et dure. Notre positionnement est clairement à contre-courant. C'est un moyen de nous différencier. C'est aussi une façon d'être cohérent avec nos valeurs. Comment justifier, auprès de nos 4,8 millions de sociétaires, que les nouveaux arrivants dans notre portefeuille de clientèle puissent profiter de tels avantages?

Nous préférons travailler notre stratégie de relation client et investir pour mieux couvrir nos assurés. Cela passe, par exemple, par de meilleures garanties à cotisation constante, par des investissements dans des outils d'analyse du portefeuille client, etc.

Quels sont vos grands axes de différenciation?

Nous travaillons en permanence à l'adaptation de notre gamme de produit à l'environnement économique. Et surtout nous nous engageons sur des produits conformes à notre politique RSE (responsabilité sociale d'entreprise) et aux valeurs mutualistes.

Le taux d'attrition se situe entre 8 % et 10 % pour l'ensemble de la profession.

Le taux d'attrition se situe entre 8 % et 10 % pour l'ensemble de la profession.

La fidélisation est un axe stratégique fort de la Macif pour 2011-2015.

La fidélisation est un axe stratégique fort de la Macif pour 2011-2015.

Quelles actions menez-vous en faveur du développement durable, par exemple?

En tant qu'acteur économique majeur de l'assurance, la Macif, numéro un de l'assurance automobile en France, en nombres de contrats, incite, par exemple, les conducteurs à réduire la pollution. Il y a cinq ans, nous avons lancé, le contrat «Véhicule propre et sûr». Avec ce contrat, nous offrons une baisse de la prime d'assurance significative aux automobilistes qui s'équipent de véhicules moins polluant et plus sûrs. C'est un levier sociétal: le consommateur fait quelque chose qui s'avère bénéfique pour lui et pour la société.

C'est typiquement le positionnement du groupe. Nous avons adopté la même démarche pour l'habitation. Nos contrats offrent des «incentives» pour favoriser l'équipement de nos sociétaires en détecteurs de fumée. La plupart des accidents graves qui touchent les habitations sont des incendies. En favorisant la prévention contre les incendies, nous limitons nos dépenses d'indemnisation (NDLR: appartement détruit, frais médicaux...), mais nous initions aussi un cercle vertueux dont profitent les consommateurs et la collectivité. C'est un moyen de donner une couleur et des valeurs différentes à nos produits. Des valeurs qui sont aux antipodes des offres proposant la gratuité sur plusieurs mois et des démarches purement mercantiles.

Comment s'adresse-t-on aux jeunes pour vendre des assurances aujourd'hui? Quelle place accordez-vous au canal Web?

La Macif s'adresse à tous. Aux particuliers et aux professionnels. Pas spécialement aux jeunes.

Même si certains produits, dans le domaine de la santé par exemple, intéressent directement ceux qui démarrent dans la vie active (les - de 25 ans, notamment).

Internet est un phénomène incontournable. On ne peut pas en être absent. A la Macif, nous avons un vaisseau amiral, le site Macif.fr et un hors-bord, plus agile et flexible, Idmacif.fr, distributeur d'assurance en ligne. Avec 850 000 visiteurs uniques (VU), Macif.fr se situe parmi les trois premiers sites de l'assurance en France, notamment en termes de transaction (au nombre de 170 000). Quant à notre filiale Idmacif, créée il y a trois ans, elle comptabilise 80 000 VU. Par ce biais, nous nous adressons à une clientèle que nous ne captons pas par d'autres canaux. Nous étudions ainsi in situ et in vivo les comportements des jeunes consommateurs.

Connaissez-vous la proportion de vos clients qui proviennent d'Internet?

Nous n'avons que des estimations. Car nous n'avons pas la traçabilité complète du parcours client qui peut commencer sur le site et se terminer en centre d'appels téléphoniques. On estime néanmoins que l'acquisition de nouveaux clients via un premier contact sur Internet atteint 10 %.

Sur le Net, d'autres compagnies d'assurance ont choisi de créer une marque spécifique, comme Amaguiz ou Direct Assurance, pour ne citer qu'eux. Pourquoi pas vous?

Faut-il créer une marque à part ou intégrer le retour d'expérience d' Idmacif dans les processus du groupe? Pour l'instant, nous concevons toujours Idmacif.fr comme un poste avancé d'observation. Nous compterons un portefeuille de plus de 40 000 contrats automobiles, à la fin de l'exercice 2011. Ce qui est beaucoup en moins de trois ans. D'autant que ce résultat a été obtenu grâce à une politique 100 % Web et sans recourir à la communication externe.

C'est une activité rentable?

Nous ne nous sommes pas contentés d'ouvrir un site. Nous avons créé toute une plateforme spécifique de gestion de la relation client. Cela représente des investissements en informatique et en formation. Le point mort doit être atteint au bout de cinq ans. Ma conviction est que la commercialisation de produits d'assurance a de beaux jours devant elle, sur tous les canaux de vente à distance: téléphone, mobile, tablette. Ces dernières vont, à mon sens, apporter une véritable rupture dans la commercialisation de produits d'assurance.

Avez-vous des projets en matière de fidélisation?

C'est un axe stratégique fort du groupe. Dans notre projet d'entreprise (2011-2015), nous mettons en route une dizaine de plans d'action qui ont trait à la fidélisation, à la gestion de la relation client, à des relations sociétales différenciées. Nous travaillons actuellement à la mise au point d'un véritable programme de fidélisation, à la fois visible et transverse.

Combien de personnes sont impliquées dans le marketing et quel est votre budget publicitaire?

La direction du marketing du groupe rassemble 52 personnes. Le budget publicitaire est géré par la direction de la communication. Nous ne donnons pas de chiffre précis sur nos dépenses publicitaires.

Chiffres-clés

Chiffre d'affaires 2010
6,085 MdEuros
Salariés
9152
dont 52 au sein de la direction marketing et développement du groupe.
Sociétaires
4,8 M
Contrats gérés
17 M
Personnes protégées
12 M
Taux de fidélisation
94,4
Espaces d'accueil
531

Régine Eveno

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page