L'obésité, un marché lourd de conséquences
300 millions d'adultes obèses dans le monde dont plus de 5,3 millions de Français. L'obésité pose non seulement un problème de santé publique mais ouvre également un champ de réflexion aux industriels. Et, si de nouveaux marchés se profilent, un lobbying contre l'industrie agroalimentaire est en marche.
Les industriels de l'habillement l'avaient remarqué. La morphologie des
Français a changé depuis dix ans au point de nécessiter une grande campagne de
mensuration nationale qui s'achèvera en janvier 2004. Et, si ce phénomène est
la conséquence d'une évolution naturelle des populations, les résultats de la
dernière enquête ObEpi, réalisée par TNS Sofres pour l'Institut Roche de
l'Obésité, en collaboration avec l'Inserm, confirment que les Français
grossissent. En cinq ans, ils ont pris, en moyenne, 1,7 kilo.
Une menace pour la santé publique
Si le nombre d'obèses continue de
progresser de 5 % par an, la France aura rejoint en 2020 les Etats-Unis
d'aujourd'hui, avec 20 % de la population obèse. « La France, comme l'Europe,
suit lentement mais sûrement la courbe de l'obésité », souligne le Dr.
Marie-Aline Charles, épidémiologiste à Villejuif. Environ un Européen sur trois
est obèse et 20 % des 5-17 ans sont touchés quand un sur deux souffre de
surcharge pondérale. Aux Etats-Unis, 37 % des 5-17 ans souffrent d'obésité pour
10 % des enfants en Chine. En France, on estime que 12 % des enfants sont
atteints d'obésité. Et la maladie est en forte progression. Alors qu'il y a 15
ans, seulement 5,1 % des 10 ans étaient obèses, aujourd'hui ce pourcentage
dépasse les 12 %.
L'obésité est devenue un tel enjeu de santé publique que
George Bush est intervenu. Des avocats de Boston, avec à leur tête John
Banzhaf, bien connu pour ses procès contre l'industrie du tabac, s'interrogent
sur d'éventuelles poursuites envers des entreprises agroalimentaires. John
Banzhaf aurait écrit aux présidents de McDonald's, Burger King, Wendy's, KFC,
Taco Bell et Pizza Hut, les prévenant de la menace que les matières grasses
pourraient faire peser sur le cerveau, à l'instar de l'alcool ou de l'héroïne…
En Grande-Bretagne, des voix s'élèvent sous l'impulsion de l'ordre des médecins
pour exiger une taxe sur les produits alimentaires qui font grossir.
Les
industriels de l'industrie alimentaire devront, de plus en plus, rendre des
comptes sur leur utilisation de matières grasses, sucre et sel. En France, une
prise de conscience se fait jour, relayée par les associations de
consommateurs. Selon un sondage réalisé en octobre 2001 à l'initiative de
l'Institut Danone auprès d'un échantillon représentatif de 1 002 Français et de
200 médecins, 84 % des Français ont pris conscience de l'importance de
l'alimentation pour la santé et 83 % sont sensibles à l'augmentation de
l'obésité. Ce qui représente un des faits les plus marquants de ces dix
dernières années.
Le développement de l'obésité et sa prise en charge dès
l'enfance sont devenus la préoccupation majeure du grand public comme des
médecins pour la prochaine dé-cennie. En première ligne des accusés : le
grignotage et la sédentarité. Pour le Professeur Arnaud Basdevant, chef du
service nutrition de l'Hôtel-Dieu de Paris, «il faut davantage de terrains de
sport en milieu urbain dans des conditions d'accessibilité et de sécurité ».
Une façon d'encourager les jeunes à se dépenser plutôt que de grignoter en
regardant la TV… Les premiers résultats de l'étude SU.VI.MAX ont souligné, au
terme de huit années d'enquête, l'importance de l'exercice physique pour la
santé.
Des marchés potentiels
Pour l'instant, les
Français préfèrent “mincir et rester mince” que “lutter contre l'obésité”. Ce
qui explique la consommation de compléments nutritifs, produits light, produits
hyper-protéïnés. Le segment des produits frais allégés a augmenté de 10 %, à
600 ME, contre 2,9 % pour les produits frais en général. Taillefine, du groupe
Danone, a étendu sa marque aux crèmes desserts, aux biscuits et à l'eau. La
marque Weight Watchers se décline en yaourts, compotes et surgelés. Les pâtes à
tartiner à l'oméga 3 font un malheur.
Au-delà des habitudes alimentaires, le
recours à la chirurgie esthétique et aux centres de minceur, comme Physiomins -
inconnu il y a encore quinze ans et qui affiche un CA de 30 ME et 150 centres
-, est de plus en plus répandu. Les médias s'en font l'écho. Une analyse de
l'évolution des couvertures des magazines féminins depuis les années 80 est
d'ailleurs au programme de la journée “Corps de femmes sous influence”,
organisée par l'Ocha/Cidil le 4 novembre prochain au Palais de la Découverte.
Une enquête de cet organisme auprès de 1 000 Français de 18 à 65 ans montrera
leur rapport au corps et au poids.
« La France est encore loin d'avoir évalué
les enjeux stratégiques que représente la population qui souffre de surcharge
pondérale », souligne Laurent Duquesnay, responsable études chez Cegma Topo.
D'ailleurs, l'institut vient de lancer une étude nationale auprès de 900
individus, baptisée “XXL”, afin de percevoir l'influence du poids dans les
choix des consommateurs. Ses résultats seront connus cet automne. Ils devraient
venir éclairer les nouveaux phénomènes liés à l'obésité. Car l'attitude des
consommateurs, vis-à-vis de la prise de poids, génère des attentes implicites
ou explicites envers les produits et services. Déjà à Cancun, au Mexique, s'est
ouvert le premier hôtel pour obèses. Où, comble de légèreté, le client est
servi par du personnel de taille… XXL.
5 millions d'adultes français sont obèses
l La France compte en 2003 plus de 5,3 millions d'adultes obèses (11,3 % de la population) et 14,4 millions de personnes en surpoids (30,3 %). La proportion de ces deux catégories est passée en six ans de 36,7 % à 41,6 %. Une progression qui touche tout le monde. Quels que soient l'âge, le sexe et la catégorie socioprofessionnelle. Les femmes sont plus touchées entre 15 et 45 ans. A partir de 45 ans, un Français sur deux est en surpoids contre une Française sur quatre. C'est dans le Nord et le Bassin Parisien que la prévalence de l'obésité est la plus forte sans qu'aucune région ne soit épargnée.Globalement, les Français ont pris 2,6 cm de tour de taille en six ans. Ils sont passés de 84,6 cm en 1997 à 87,2 cm en 2003. Une augmentation qui, comme indique le Pr. Arnaud Basdevant, chef du service Nutrition de l'Hôtel-Dieu de Paris, est à prendre au sérieux « puisque l'on assiste parallèlement à une augmentation des facteurs de risque comme le diabète et l'hypertension ». Source : Enquête ObEpi