L'événementiel, la communication de demain ?
Lancement de nouveaux produits, conventions de force de vente, road-shows... les agences qui oeuvrent dans le secteur de la communication événementielle offrent de multiples prestations. De plus en plus d'entreprises ont recours à leurs services. Leurs attentes sont nombreuses et, nouveauté, les agences prennent une part croissante dans la définition des stratégies de communication des sociétés.
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Un chiffre d'affaires en hausse de 5 % et surtout une marge brute qui
bondit de 20 % : le marché de la communication événementielle se porte bien.
Une progression constante au cours de ces dernières années alors que les
experts craignaient un ralentissement de cette tendance après le boum de 1998
et le fameux "effet Coupe du monde". Selon la dernière étude de l'Anaé
(Association nationale des agences événementielles), le chiffre d'affaires de
ses membres a quasiment triplé en cinq ans pour atteindre en 1999 (date de la
dernière étude) deux milliards de francs. Dans le même laps de temps, leur
marge brute a été multipliée par deux. Un marché donc en pleine croissance, ce
qui n'a pas été sans susciter certains remous au sein de ses acteurs.
« Les supports médias habituels sont presque saturés, la publicité est
nécessaire, mais elle ne suffit plus. Pour qu'un produit se vende, il faut
descendre dans la rue pour le mettre au contact du client. Les grandes
manifestations de ce type sont les plus courts et plus sûrs moyens de toucher
directement la cible visée", explique
Frédéric Bedin,
directeur général du
Public Système
Ainsi, 1998 a été fortement marquée par des regroupements d'agences, avec
notamment quatorze agences qui ont fusionné pour donner naissance à seulement
six entités. Aujourd'hui, le marché est nettement plus stabilisé et il est plus
facile d'identifier chacun des acteurs. D'emblée quatre mastodontes émergent :
Global Event System, Auditoire, Le Public Système et Capital Event. Ces quatre
agences réalisent 53 % du chiffre d'affaires global du secteur. Une
prédominance nette, mais qui n'empêche pas d'autres agences plus petites de
trouver leurs places, voire certains de venir s'installer sur l'événementiel.
C'est le cas d'Alizéum Sport (voir encadré) mais aussi du groupe Carat France,
spécialisé dans le conseil stratégique aux entreprises. « La création d'un pôle
événementiel dans nos activités a été motivée par le besoin de développer des
prestations complémentaires à forte valeur ajoutée pour nos clients », explique
Didier Le Vert, directeur général adjoint. Et d'ajouter : « Cette nouvelle
activité répond à un réel besoin des entreprises pour lesquelles nous
travaillons... Le partage des tâches n'est plus de mise aujourd'hui.
L'évolution du marché est telle qu'il faut être en mesure de suivre les
stratégies de communication de A à Z. »
Une béquille pour les DRH
Effectivement, force est de constater que ce sont les clients
qui suscitent l'offre et qui l'influent. Nouvelles technologies,
mondialisation, ou fusions à répétition..., l'économie est en plein
chamboulement et l'événementiel, sans être la panacée, apporte des solutions
supplémentaires et complémentaires pour les sociétés en quête de repères et
d'identité culturelle. Cyril Giorgini, président d'Auditoire illustre ces
besoins : « Quand une entreprise comme Aventis change deux fois de nom dans la
même année, quand EDF s'ouvre à la concurrence ou quand encore France Télécom
se lance dans la Net Economie, les collaborateurs se posent des questions.
L'événementiel est une solution toute trouvée pour y répondre. » Adhérer à la
stratégie de l'entreprise, renouer avec la confiance et le nom de sa société...
« Le besoin de clarification est réel et notre rôle consiste à mettre en forme
les messages de la direction pour, lors de grandes réunions internes, mieux les
faire passer. » De fait, la communication événementielle donne une nouvelle
vision de l'entreprise et lève certains blocages. « Lors de certaines
conférences, le patron se retrouve jugé par 3 000 de ses collaborateurs. Pour
que son intervention soit efficace, la mise en scène doit être soignée..., le
spectacle quasi théâtral ! », ajoute Cyril Giorgini.
Gérard Denis (Denis & Co)
: Faire passer l'esprit d'équipe est plus
facile dans un cadre agréable et dans une ambiance conviviale et ludique".
A l'instar de Jean-Marie Messier, les patrons n'hésitent plus à jouer de leur
personne pour créer la cohésion au sein de leur entreprise. Cette tendance est
clairement tangible dans la véritable mode des road-shows au cours desquels les
chefs d'entreprise écument la route pour aller au contact de leurs différentes
filiales. Les méthodes des agences événementielles ne sont pas sans rappeler
celles qui sont utilisées dans les psychothérapies de groupe. Une analogie que
ne contredit pas Joseph Conan, directeur général de Market Place : « Il est
clair qu'au cours de convention, nous avons une vision de l'entreprise avec
tout son aspect humain : les rapports de forces, les tensions, les aspirations
de chacun... On se transforme alors de façon artificielle et éphémère en
cabinet de psychanalyse itinérant. » Harmoniser les liens humains au sein des
entreprises est donc l'une des grandes utilités de la communication
événementielle, mais il ne faut pas pour autant passer sous silence les autres
atouts qu'offre cette technique.
Toujours plus de créativité
Des milliers de citrouilles sur le Champ de Mars pour
les téléphones Ola, l'ouverture à minuit d'un grand magasin parisien pour la
vente de la dernière console de jeux PlayStation, la mise en vente du dernier
épisode de Harry Potter en décembre... Les lancements de produits sont de plus
en plus spectaculaires. « Les supports médias habituels sont presque saturés,
la publicité est nécessaire, mais elle ne suffit plus. Pour qu'un produit se
vende, il faut descendre dans la rue pour le mettre au contact du client. Les
grandes manifestations de ce type sont les plus courts et plus sûrs moyens de
toucher directement la cible visée, explique Frédéric Bedin, directeur général
du Public Système. Ces campagnes sont terriblement efficaces : le public semble
être de plus en plus en attente de ce genre d'événement, histoire d'avoir la
primeur sur le dernier cri du moment ». De plus, ce genre de promotion est
nettement moins onéreux que les campagnes de publicité classiques et le renfort
des médias friands de ces événements en garantit la diffusion de l'information.
Encore plus original : la nuit de l'emploi organisée pour H & M. Le 23 novembre
dernier, la chaîne de prêt-à-porter a réussi en une nuit à susciter l'intérêt
de 1 250 personnes qui s'étaient déplacées pour un entretien en vue d'un
éventuel contrat de travail. Le tout en maintenant son image d'entreprise
branchée auprès des jeunes. La forte reprise du marché du travail a pour
conséquence un accroissement important du turn-over. Les salariés, cadres en
tête ne sont plus frileux et n'hésitent pas à changer de société pour des
raisons financières ou pour des opportunités de carrière.
Un outil de fidélisation et de rapprochement
L'argument salarial seul
n'étant plus suffisant pour maintenir les compétences humaines dans leurs
girons, les sociétés, de toutes tailles se doivent d'innover en matière de
fidélisation de leurs salariés. Partant de ce constat, beaucoup de sociétés ont
saisi l'intérêt des séminaires, conventions et autres voyages à vocation
"incentive" pour palier le péril de la fuite de compétences. Le "team building"
profite donc de cette tendance pour jouir d'une demande croissante. Le sport
constitue également un vecteur pour faire passer les messages habituels
(surpassement de soi-même, esprit d'équipe, de compétition, etc.). « Faire
passer cet esprit est plus facile dans un cadre agréable et dans une ambiance
conviviale et ludique », confirme Gérard Denis, P-dg de Denis & Co. Pour faire
mentir le dicton "les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés", le P-dg
a organisé récemment un séjour au Danemark pour l'ensemble de ses
collaborateurs. « Depuis ce voyage, je perçois, avec tout de même un certain
étonnement, un changement très positif dans l'atmosphère de nos bureaux. »
Créer une connivence et un rapport de confiance, c'est également dans cette
optique que Philippe Roux, directeur de clientèle chez JC Decaux, a utilisé les
services d'Alizéum Sport pour certains de ses clients. « Nos clients sont
souvent habitués à recevoir des invitations pour des séminaires. A la longue,
ils finissent par se lasser et parfois même déclinent l'offre. Le séjour
organisé par Alizéum les a changés de la routine de ce genre de rencontre.
Skier, partager les repas et discuter avec le grand champion qu'est Jean-Luc
Cretier, les a enchantés... Vivre des moments aussi intenses et privilégiés
nous a réellement rapproché. »
Les PME en retrait
Multifonction et multiforme, la communication événementielle répond à la
plupart des attentes de grands groupes. Les PME restent cependant en retrait et
ne sont pas clientes de cet outil. « Les PME manquent de maturité », tranche de
façon lapidaire Cyril Giorgini. Plus mesuré, Frédéric Bedin estime quant à lui
que « la demande des PME est stable. En fait, ces entreprises ne viennent nous
demander nos services qu'à partir du moment où elles commencent à prendre de
l'importance. Cela dit, leurs exigences sont toujours très fortes de par leur
implication financière, en faisant souvent abstraction du fait que nos
prestations leur coûtent moins cher que si elles le faisaient elles-mêmes. »
Un avenir qui s'annonce prometteur
Quand ces sociétés
sollicitent une agence événementielle, c'est fréquemment pour leurs relations
Business to Business et aussi et surtout pour le one-to-one. Si la frilosité
des PME peut paraître comme un bémol dommageable à la belle santé de la
communication événementielle, il n'en demeure pas moins que celle-ci a de beaux
jours devant elle. "Radieux !", "Les indicateurs sont au beau fixe !" : les
acteurs de ce marché sont unanimes. L'événementiel sera un élément central de
la communication d'entreprise de demain. « De plus en plus de nos clients nous
consultent pour la mise en place d'une stratégie globale à partir d'un
événement », confie Frédérique Bredin. Le plan médias de Toyota corrobore
parfaitement cette analyse. La campagne de publicité pour la Yaris s'appuie
quasi exclusivement sur le point fort qui avait été mis en avant lors de
l'inauguration de l'usine de Valenciennes : la création d'emploi (voir
encadré). "L'événement, la communication de demain", le titre du livre de
Lionel Chouchan, est-il prémonitoire ? Le terrain paraît propice et si la
prévision de Lionel Chouchan se réalise, ce ne serait plus vraimen... un
événement.
Mondialisation et Internet : les deux mamelles de l'événementiel
«Plus les personnes travaillent à distance, plus elles ont besoin de créer des occasions de se rencontrer. C'est le cas pour des entreprises comme Microsoft, Alcatel ou encore Cisco System. Ce dernier étant à ma connaissance l'un des plus gros "consommateurs" d'événementiel en Europe. » L'analyse de Frédéric Bedin du Public Système est partagée par Gérard Denis : « Plus la communication électronique se développe et engendre des rapports humains virtuels, plus les gens qui ont des relations par ce biais ont envie de se rencontrer de façon concrète ». Ainsi, Internet est un moteur à l'essor de la communication événementielle dont les agences savent aussi tirer partie dans son sens d'outil au sens strict. Pour, entre autres, Salomon, le Public Système a développé la possibilité de créer une interaction entre les médias traditionnels, l'événementiel et le Web.
Franck Provost : « Comment j'ai transformé mon nom en marque »
«J'ai toujours aimé communiquer, explique le fondateur de l'enseigne éponyme de salons de coiffure. A mes débuts, avec une dizaine de salons, je n'avais pas les moyens d'investir dans la publicité. Alors, j'ai eu l'idée de travailler à la télévision contre citation au générique. Mais bien vite mes rivaux ont crié à la concurrence déloyale et j'ai dû changer de stratégie. » Présent sur de grands événements tels que le Festival de Cannes, le Trophée Lancôme ou encore les NRJ Awards, Franck Provost a su imposer son nom dans les sphères du show-business. « Outre la reconnaissance publique, la participation à ces manifestations a permis de nous conforter dans notre image haut-de-gamme. » Néanmoins, l'autodidacte des relations publiques va pour la première fois confier l'organisation de son prochain congrès et certains séminaires internes à une agence de communication événementielle. Les raisons de ce changement : « beaucoup de temps économisé que je pourrais consacrer à mes collaborateurs que j'avais tendance à ne plus voir ces derniers temps. »
Quand Toyota fait son show !
Le 31 janvier 2001, Toyota a fêté sa première Yaris fabriquée en France, à Valenciennes. En la présence des 1 100 employés du site, c'est Hiroshi Okuda, président du conseil de Toyota Motor Corporation (TMC), qui mit l'ambiance. Quand on connaît la situation économique de cette région sinistrée par le chômage, l'ouverture de l'usine suffisait largement à un accueil chaleureux de la population nordiste. Or, loin de se limiter à ce satisfecit, la haute direction japonaise a faite le déplacement. Presse, télévision... tous les grands médias ont été cordialement invités pour assister à l'inauguration. Orchestrée par un ensemble son et lumières dignes de certains spectacles, la fête battit son plein lorsque Hiroshi Okuda s'enthousiasma d'un, « elle est très réussie » à propos de la première Yaris française et surtout « vous êtes formidables, nous allons faire du bon travail ensemble ». Démagogue ? Peut-être, mais toujours est-il qu'au final du show, l'effet escompté a été atteint avec un "I will survive" repris en choeur par la plupart de l'assemblée... "L'effet Coupe du monde" a encore frappé !
Alizéum Sport : le nouveau venu de l'événementiel
A l'origine de la jeune agence : deux médaillés olympiques, Sébastien Foucras et Olivier Allamand. L'idée leur est venue de créer une agence en événementiel qui permette aux entreprises de faire côtoyer des grands champions à leurs salariés ou leurs clients. « Si le concept d'événementiel sportif existait déjà, le nôtre, qui permet de disposer d'un vrai grand champion, est unique, même au Etats-Unis », déclare Benoît Eychen, directeur associé. Certains de ces sportifs reçoivent une formation afin d'être en mesure de savoir bien communiquer. « Ces champions permettent de faire passer des messages sur comment gérer un échec, mieux vivre les périodes de doute, développer sa force mentale etc. S'appuyant sur leur expérience, cela évite la pédagogie au premier degré qui peut être pénible à la longue. » Peu de PME ont recours à leur service, « elles ne voient que le coût apparent ». Pour l'instant, la clientèle d'Alizéum est essentiellement composée de groupes qui cherchent à récompenser leurs meilleurs éléments, leurs meilleurs clients, ressouder les groupes de managers ou motiver les forces de vente.
Cyril Giorgini, Auditoire : « La communication événementielle a su se professionnaliser »
«Au départ, c'étaient les agences de relations publiques qui occupaient le créneau. Véritables saltimbanques, leurs activités se limitaient souvent, avec deux bouts de ficelle et trois brins de pailles, à l'élaboration de "shows paillettes" à l'américaine. Heureusement depuis cinq/six ans, on assiste à une réorganisation très nette de la profession. Elle s'est structurée en différents métiers : chef de projet-concepteur, responsable de production, régisseur... Devant la progression constante du marché, cett évolution était vitale. Les agences de communication événementielle ont acquis leurs lettres de noblesse au même niveau que les agences de publicité ou de relations publiques. Dans un avenir, plus ou moins proche, elles ne devraient pas tarder à occuper le devant de la scène. »