L'affichage accélère sa révolution technologique
Confrontée au bouleversement des habitudes de consommation des médias, la communication extérieure ne veut pas se laisser distancer et se met au service de l'innovation.
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S'il n'en reste que trois, ils devraient être de ceux-là. Le marché mondial
de la communication extérieure vient encore, en effet, de franchir un pas
supplémentaire dans la concentration autour du trio composé de Clear Channel
Outdoor, JCDecaux Avenir et Viacom Outdoor avec le rachat, par ce dernier, de
l'Allemand Stroër DSM. Cette opération, qui va lui permettre de se renforcer en
grand format, signe un nouvel épisode de la consolidation du média après les
prises de participation de JCDecaux dans le capital du Français Métrobus (33 %)
et du Suisse Affichage Holding (30 %). Ce rachat intervient également quelques
semaines avant que Viacom Outdoor ne change de nom. A partir du 1er janvier
prochain, le numéro trois mondial du marché se rangera sous la bannière de la
marque globale du groupe auquel il appartient en devenant CBS Outdoor, « une
marque qui existe depuis quatre-vingts ans, et qui est totalement reconnue dans
le monde des médias, souligne François Morinière, président de Viacom Outdoor
France. Elle coiffera un média qui est loin d'être à la traîne mais qui, au
contraire, innove pour s'adapter aux mutations profondes de son environnement
». Ce propos résonne à l'unisson des déclarations faites par chacun des groupes
lors de la présentation de leurs nouveautés 2007 il y a quelques semaines.
Confrontée, elle aussi, au bouleversement des habitudes de consommation des
médias, la communication extérieure affiche délibérément sa volonté de, non
seulement ne pas se laisser distance, mais aussi de jouer de ses atouts pour
les mettre au service de l'innovation. « Dans un contexte de fragmentation
permanente des médias traditionnels où les arbitrages sont bouleversés, elle
conserve ses fondamentaux de puissance, indique Jean- Charles Decaux, président
du directoire de JCDecaux. Mais elle doit pouvoir créer plus de valeur pour
aller au-delà des 11,5 %–12 % de parts de marché qu'elle s'octroie depuis une
dizaine d'années. »
Développer l'interactivité
Pour essayer de grignoter des points supplémentaires sur les médias concurrents, l'affichage s'est ainsi lancé à son tour dans le grand chantier de l'interactivité avec les consommateurs, le sujet du moment pour l'ensemble des médias. Le passage de la théorie à la pratique a eu lieu l'an dernier avec la première campagne totalement interactive réalisée par Viacom Outdoor pour le compte de EMI Music France et Virgin Music. Réalisée en mars pour la sortie de l'album du groupe de musique électronique Daft Punk, elle permettait de télécharger du contenu sonore sur les mobiles ou PDA à partir d'une dizaine de mobiliers installés dans Paris et sur le site de La Défense. JCDecaux s'est, à son tour, essayé à cette technique quelques mois plus tard en proposant aux promeneurs des Champs-Élysées de télécharger les images et la musique du film publicitaire d'Hypnôse, le parfum féminin de Lancôme. Le numéro deux mondial a frappé deux nouvelles fois depuis, la première en janvier dernier, à l'occasion de la sortie de la nouvelle Ford Fiesta et la seconde, en juin, pour soutenir le rebranding des offres de France Télécom sous la marque Orange. Grâce aux Mupis interactifs des Champs-Élysées, il était possible d'avoir accès au thème musical du spot publicitaire du constructeur automobile, puis un jeu pour téléphones mobiles aux couleurs de l'opérateur intégré. L'opération réalisée pour Orange s'étendait également à Lyon et à Marseille. Via sa filiale JCDecaux Airport, le groupe a aussi joué la carte de l'interactivité en collaboration avec Air France en mettant en place durant un mois un dispositif Bluetooth sur sept grands formats à Paris-Charlesde- Gaulle 2 et Paris-Orly Ouest. Cette première réalisée cette année donnait l'opportunité aux passagers de télécharger la nouvelle musique de la campagne publicitaire de la comme fond d'écran. « L'an prochain, il sera également possible de marier affichage digital et interactivité avec le passage des écrans AEO en mode Bluetooth, précise Sandrine Mettetal, directrice du marketing de JCDecaux Airport. Cela correspondra à la dernière année du déploiement du réseau qui passera des deux cents écrans actuels à trois cent cinquante d'ici la fin 2007. » Clear Channel Outdoor, l'autre grand du transport, s'apprête également à proposer de l'affichage interactif dans cette partie de son activité en s'adressant aux usagers du train. Dès ce mois-ci, les mobiliers de trois des principales gares parisiennes (gares de Lyon, du Nord et Montparnasse) seront, en effet, munis d'un boîtier Bluetooth. « Nous allons également équiper le mobilier urbain de notre réseau Pack, c'est-à-dire l'hypercentre des villes de notre réseau national de plus de 100 000 habitants, ajoute Étienne Reignoux, directeur du marketing du groupe. Mais à la différence de certains de nos concurrents, nous ne sommes pas là dans une logique de tests ou de services complémentaires, l'objectif est d'amener nos clients traditionnels à utiliser l'affichage interactif. » Même s'il n'en est encore qu'au stade de démarrage en France, avec un nombre de campagnes encore très limité, l'affichage numérique se pose ainsi en vitrine des nouveautés que peut apporter le média. Les challengers du trio de tête n'échappent pas à la règle à l'image d'Insert. Celui-ci promotionnait récemment, auprès des agences médias, Tag Action, son réseau 100 % interactif constitué de trois cents panneaux implantés à Paris et en région parisienne. L'interaction gagne même les sommets avec Media Montagne qui met en place le premier dispositif d'affichage interactif en montagne pour la saison 2006- 2007 en équipant son réseau Affiski, constitué de faces dans les gares de remontées mécaniques de la technologie Bibox (Bluetooth Interactive Box). Avec cette innovation, les skieurs pourront télécharger des contenus d'informations multimédias (vidéos, sons, images, textes) sur leurs téléphones munis du protocole Bluetooth.
Affiner le sur-mesure
Mais l'innovation ne passe pas uniquement par l'interactivité. Chez JCDecaux Innovate, par exemple, le département du groupe “dédié aux solutions de communication extérieure événementielles, dynamiques, audiovisuelles et interactives”, elle ne représente qu'une très faible proportion des 23 opérations réalisées depuis la création de ce département il y a un an. Les procédés show-case mettant en scène des vêtements de la collection de Mango ou reproduisant par une brassée de pétales de roses la sensation d'une promenade au volant d'Eos de Volkswagen ont été la technique la plus utilisée. Réservé au départ au mobilier urbain, Innovate sera élargi l'an prochain au grand format. Avenir proposera, par exemple, Chrono Connect, un réseau de 54 vitrines interactives pré-équipées au coeur de Paris qui seront vendues par tranches horaires. « Si l'on reprend l'exemple d'une campagne récente menée pour RTL, on peut imaginer télécharger le podcast des Grosses Têtes en dessous de l'affiche, assure Albert Asseraff, directeur stratégie, études et marketing de JCDecaux. Aux marques de trouver le contenu pour une ville plus communicante. » Si tout ou presque semble possible, reste toutefois à trouver le modèle économique de ces développements. C'est bien pourquoi la plus grande partie du programme 2007 des afficheurs demeure concentrée autour des produits classiques mais traités avec la volonté affirmée d'assouplir l'offre en jouant notamment la transversalité des produits. Noveo, qui marie, pour la première fois, la commercialisation du mobilier urbain de JCDecaux aux vitrines d'Avenir est de celles-là. Chacun appuie également sur les possibilités données au marché de réaliser des plans sur mesure. « C'était déjà le cas pour 64 % de nos dispositifs cette année, l'an prochain 70 % de l'offre ville à ville permettra de faire de la dentelle », note Alain Dolium, directeur du marketing de Viacom Outdoor.
Garder la grande distribution
Plus généralement, tous les afficheurs ont notamment en ligne de mire l'ouverture des écrans télévisés au secteur de la distribution, un des plus gros investisseurs du marché (26 % des investissements cette année). Une échéance qui a, par exemple, amené Alain Dolium à baptiser 2007 “année Cap-Horn”. Pour la franchir sans trop de dégâts, Viacom Outdoor propose notamment une optimisation du produit shopcover, « plus adapté à la segmentation des typologies de magasins, GSA,GSS, harddiscount et aux zones de chalandise des distributeurs afin de sélectionner quantitativement et qualitativement le réseau le plus adapté », indique Alain Dolium. Pas d'offres plus spécifiques qu'auparavant, en revanche, chez ses deux concurrents. « Nous avons toujours eu des produits ad hoc, souligne, par exemple, Étienne Reignoux chez Clear Channel. L'important est de mettre en avant l'efficacité du média et démontrer qu'il génère un bon retour sur investissement dans le food. » L'an dernier, le groupe a ainsi lancé Clear Channel Monitor, instrument d'analyse récurrente des performances du média. Il met également en avant Next Outdoor, l'outil de pré-test développé avec Ipsos, déjà utilisé pour une dizaine de campagnes des secteurs automobile et grande consommation depuis le début de l'année. « Il offre l'avantage de constituer un outil d'optimisation complet de la création publicitaire et d'apporter des éléments rationnels aux agences et aux annonceurs, note Étienne Reignoux. Car nous avons besoin d'avoir des standards à la hauteur de ceux de la télévision ou de la presse. »
On attend l'affichage 2.0
Pour Karim Stambouli, président du Club des annonceurs et spécialiste des stratégies de communication transversale au sein d'EDF, l'affichage est entré dans une phase nouvelle et les annonceurs attendent de voir comment évoluera l'offre. Il n'y a pas de désaffection pour le média, mais un vrai questionnement. Pour l'instant, l'évolution ne va pas à la vitesse souhaitée, au regard de ce qui se fait déjà dans d'autres pays, moins soumis à des contraintes juridiques que la France. La question essentielle est de savoir comment l'affichage va s'inscrire dans une stratégie de transversalité des médias. Sa force est d'être à la fois global et de proximité, un média que l'on ne peut pas zapper lorsque l'on passe devant et qui peut être réactif. Cette réactivité concerne surtout le mobilier urbain et l'affichage de proximité qui devraient davantage évoluer dans ce sens. L'affichage peut jouer la synergie, notamment avec le mobile et presque faire du marketing direct. On attend l'affichage 2.0.
« Sortir de l'affichage “galerie marchande” » Entretien Pascal Grégoire, cofondateur et directeur de création de l'agence La Chose
Vous avez réalisé la campagne pour la nouvelle formule de Télérama dont une des affiches a été refusée par Métrobus. Jusqu'où va la limite créative en affichage ? Pascal Grégoire : Il n'y a pas de limite à l'exercice qui consiste à utiliser l'affichage comme une sorte d'électrochoc, car c'est un média chaud qui fait qu'il se passe quelque chose de nouveau, dans la rue, tous les mercredis. C'est d'autant plus intéressant quand on vend de la presse magazine car l'affichage permet de faire de l'image et du trafic, c'est la force du média. Quel peut être l'impact de son évolution vers le numérique ? Comme on peut déjà le constater sur Internet, les nouvelles technologies ont déjà fait naître une créativité beaucoup plus débridée et on peut penser que l'affichage participe à ce mouvement de liberté créative. Il ne faut simplement pas oublier que c'est l'idée qui prime sur la technologie. Mais en permettant aux badauds de ne plus être passifs devant une affiche via le téléchargement de messages, on peut du même coup leur délivrer un discours plus complet et sortir de l'affichage “galerie marchande” uniquement concentré sur le prix. On peut également imaginer un affichage numérique qui donne la possibilité de voir une affiche différente chaque jour. L'affichage est un média très réactif qui saura faire sa révolution. Pour ce qui concerne l'agence, nous avons des projets pour l'année prochaine qui devraient être intéressants.
Ca roule pour JC Decaux
Dix-huit mois après son lancement dans les rues de Lyon, Cyclocity fait doucement mais sûrement de nouveaux adeptes. Après Vienne en Autriche, Cordoue et Gijon en Espagne et Bruxelles, ce concept de vélo en libre-service mis au point par JCDecaux vient d'être adopté le mois dernier par les villes d'Aix-en-Provence et Marseille. Pour la première ville, cette opération est réalisée conjointement au gain de l'appel d'offres du renouvellement du contrat de mobilier urbain et porte sur l'installation de 200 vélos et 16 stations Cyclocity. Pour la seconde, le contrat concerne le mobilier urbain du tramway et des vélos en libre-service de la communauté urbaine de Marseille- Provence-Métropole, première agglomération française à adopter ce mode de transport public individuel. Le champ d'action y porte là sur 1 000 vélos et 130 stations Cyclocity. De ce concept créé par Michel Crépeau à La Rochelle il y a une vingtaine d'années, le groupe JCDecaux veut faire aujourd'hui un de ses outils fer de lance des nouvelles manières d'appréhender la ville. A Lyon, où Cyclocity a été baptisé Vélo'v, cette idée a déjà séduit 60 000 abonnés qui effectuent jusqu'à 28 000 locations par jour.
La SNCF décroche le Grand Prix
Le trente-troisième Grand Prix de l'Affichage qui s'est tenu, sous la houlette d'un nouveau président, Bernard Bureau, patron de l'agence Ogilvy (WPP), à Porto Cervo (Italie), a confirmé le retour en force de campagnes colorées et déstructurées telles les campagnes Eurostar , TGV, Monoprix ou Ricoré, qui ont plu au jury. Mais c'est finalement une campagne au discours simple, “intelligent” et drôle qui a été récompensé : Voyages-Sncf. com, réalisée par DDB. Pour ceux qui ne les auraient pas remarquées, les affiches voyagessncf. com ont parié sur les jeux de mots tels “Canquoune” “Nouillorc”, “Losseen- gelaisse” ou “St- Gapour”. Faire sourire reste donc toujours une bonne recette. Pour preuve, la campagne a également décroché le Prix du public, recueilli par TNS Media Intelligence.