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Jusqu'à quel point peut-on protéger une idée?

Certains pensent, un peu naïvement, qu'ils restent propriétaires de toute nouvelle idée qui leur traverse l'esprit, mais aussi qu'ils pourront se réserver l'exclusivité de son exploitation. Quelques conseils pour ne pas commettre cette erreur.

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Certains pensent qu'une idée nouvelle est protégée. D'autres, commettant l'excès inverse, pensent qu'une idée, en tant que telle, ne peut être protégée, et qu'ils peuvent, dès lors, utiliser celle de quelqu'un d'autre sans courir de risque de ce fait. C'est, dans les deux cas, une lourde erreur. En réalité, la vérité se situe entre ces deux extrêmes, et nous montrerons, quoique de manière bien trop rapide, que tout dépend de la formulation que l'on aura donnée à l'idée en question.

Trois types de formulation

Il n'est pas possible de protéger une idée en tant que telle, car les idées sont «de libre parcours» et seule la manière dont elles sont formulées peut éventuellement être protégée. Pour autant, il n'est pas nécessaire de baisser les bras, car il est souvent possible de s'assurer une certaine forme d'exclusivité sur l'exploitation d'une idée. En effet, un certain nombre de mesures pratiques sont envisageables, selon le type de formulation de l'idée concernée. A cet égard, trois cas principaux existent:

- L'idée dont la formulation est essentiellement descriptive, factuelle et dépourvue de caractère arbitraire (par exemple, une manière originale de commercialiser des produits, l'idée de créer un site internet consacré à tel type de questions, ou l'idée d'un jeu de société de type nouveau...). Il s'agit d'idées qui ne se prêtent pas facilement à des formulations très différentes les unes des autres: une fois que l'idée a été exprimée par des mots, tout, ou presque, est dit. Dans ce cas, il est en effet particulièrement difficile de s'assurer une exclusivité totale sur l'exploitation de cette idée. Toutefois, son «auteur» pourra avoir le plus grand intérêt à:

- faire signer un contrat de confidentialité avant de la dévoiler à un tiers (mais, dans ce cas, seul le tiers en question sera tenu par cet engagement de confidentialité),

- faire établir un constat d'huissier ou déposer à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) une enveloppe Soleau. Pour plus de détails, rendez-vous surle site de l'INPI pour donner date certaine à l'expression de son idée; dans certains cas, cette démarche pourra se révéler extrêmement utile, notamment pour pouvoir démontrer ultérieurement que c'est soi-même, et non quelqu'un d'autre, qui a eu le premier l'idée en question et s'opposer ainsi à d'éventuelles prétentions de ce dernier à l'exclusivité.

- L'idée dont la formulation comporte au moins une certaine partie d'arbitraire, comme c'est le cas pour un slogan publicitaire. Souvent, un slogan original peut être protégé par les lois sur le droit d'auteur et la propriété littéraire et artistique, du simple fait de son existence. De plus, son auteur aura souvent intérêt à le déposer à l'INPI en tant que marque; ce dépôt ne permet pas d'empêcher l'utilisation par une autre personne d'un slogan plus ou moins semblable, mais il permettra au moins d'éviter sa reprise «à l'identique» par cette autre personne.

- L'idée dont la formulation comporte de larges éléments arbitraires dans le choix des mots utilisés et/ ou dans les éléments visuels mis en oeuvre (comme c'est le cas pour une campagne publicitaire). Le recours à la notion de concurrence déloyale ou parasitaire a alors une grande efficacité pour empêcher la reprise de ces éléments spécifiques par un tiers et il existe une très abondante jurisprudence à cet égard. Notons sur ce point que les chances de succès sont particulièrement élevées si la reprise de l'idée originale par un tiers est faite de telle façon que le public concerné y verra plus ou moins fortement une allusion à cette idée originale.

Dans une certaine mesure, il est donc possible, à condition de prendre les précautions et les conseils appropriés, de se réserver l'exclusivité de l'exploitation d'une idée nouvelle.

Michel Toporkoff(avocat):

«Seule la manière dont les idées sont formulées peut éventuellement être protgées.»

Michel Toporkoff, avocat! à la Cour, UCCC & Associés

Michel TOPORKOFF

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