Jean-Charles Mathey (NRJ Group) :Etre le meilleur choix des groupes radio
Radio 93 % de notoriété spontanée, une place de numéro un européen. En France, comme à l'étranger, la machine NRJ vise toujours le même objectif : succès d'audience et succès économique.
Je m'abonneNRJ a la réputation d'être une machine marketing qui tend à gommer les disparités. Etes-vous d'accord avec cette définition ?
JCM Oui, c'est vrai, NRJ est une machine marketing. Nous avons une segmentation
de marché qui est clairement définie et qui n'a pas changé depuis plusieurs
années, contrairement à d'autres radios qui se cherchent par rapport à des
cibles. Gommer les disparités, je dirais que c'est en partie vrai et en partie
faux. Ce n'est pas parce que nous voulons aller vers un public plus large que
nous les gommons. Ce qui important pour une radio commerciale qui vise le
marché publicitaire, c'est de toucher la cible qu'affectionnent
particulièrement les annonceurs, aujourd'hui les 13 - 49 ans, la ménagère avec
enfants et la ménagère de moins de 50 ans. Une fois que l'on a parfaitement
capitalisé sur ceux là, on a déjà défini 80 % de notre cible. En revanche, pour
la conquérir, la fidéliser et la faire évoluer, nous savons parfaitement, grâce
à de nombreuses études, que ce n'est pas sur cette cible de ménagères qu'il
faut capitaliser. Mais, au contraire, sur les jeunes. Parce que tout jeune
veillit. Automatiquement, il faut l'accompagner dans le changement, et avant
tout, il faut le séduire et le faire venir.
Comment le faites-vous venir?
JCM Via notre programmation musicale, donc Hit Music Only,
mais aussi via la promotion des marques par le biais d'événements où l'on va
essayer de s'identifier à des publics à travers différents univers, culturels,
associatifs, sportifs, pour essayer d'être en parfaite correspondance avec la
promesse musicale que l'on donne à l'antenne. Enfin, avec la puissance,
c'est-à-dire le fait d'être un peu mieux capté que tout le monde ou, en tous
cas, d'essayer d'être capté de partout. Pour le reste, on fait du marketing
comme tout le monde, on a des panels, on teste… Et voilà.
NRJ a été un découvreur de nouveaux talents. L'est-elle encore?
On découvre
régulièrement et de plus en plus. J'attends d'ailleurs une étude sur les huit
derniers mois pour voir ce que NRJ a joué en premier et ce qui est devenu un
succès dans les Top 30. Nous allons d'ailleurs beaucoup communiquer sur cet
aspect. On nous pose souvent cette question et nous allons réaffirmer que nous
le sommes de plus en plus, notamment par rapport à d'autres radios.
La puissance de NRJ ne fait-elle pas d'ombre aux autres marques du groupe ?
JCM On se pose régulièrement la question en interne. En
presse, NRJ est toujours citée comme le vaisseau amiral du groupe. C'est cette
marque qui a fait le groupe et c'est important. C'est aussi celle qui est
positionnée en termes de musique sur la plus grande partie de la segmentation
de l'auditoire radio français. Or, savoir faire une bonne radio sur
l'actualité musicale, avec une audience très forte, c'est ce qu'il y a de plus
difficile. Tous les autres groupes ont essayé avec d'autres formats. Et, tant
que nous serons parfaitement bons sur la marque NRJ, nous serons
automatiquement bons sur nos autres marques, qui sont elles beaucoup plus
segmentantes. Maintenant, est-ce que ça fait de l'ombre ou pas ? Evidemment que
cela fait un peu d'ombre. C'est à nous, à travers un certain nombre d'outils
marketing, de nourrir le discours des autres marques, de nourrir leurs
spécificités, de s'adresser aux publics et d'aller sur des opérations
événementielles et de promotion en parfaite adéquation avec ces marques. Et là,
nous avons de efforts à faire. C'est ce que nous sommes en train de déployer.
Comment ?
JCM Nous lançons différentes filiales qui
sont en train de prendre corps, toujours sous le label NRJ, mais qui vont
travailler pour les quatre marques du groupe. Nous avons ainsi créé, entre
autres, NRJ Print, NRJ Events, NRJ Publishing, NRJ Produits Dérivés. Ces
différentes enseignes ont été réunies dans un univers de travail et de
compétences dont le nom devrait être NRJ Branding. Avec pour objectif de faire
autant d'événements pour chacune des marques dans son propre univers que nous
avons su le faire pour NRJ. Nous passerons ainsi de 30 à 80 événements, sans en
faire pour autant beaucoup plus pour NRJ. Nous aurons quatre ou cinq événements
très forts pour chacune des marques : des Chérie FM Live, des croisières du
Rire, des Opens du Rire… Donc, effectivement, on veut donner une dimension
différente à ces stations, mais le vaisseau amiral reste NRJ. Pour preuve, ces
structures ont été labellisées NRJ
Concrètement, comment va être organisée NRJ Branding ?
JCM C'est une nouvelle filiale, avec une
équipe autonome qui va regrouper une cinquantaine de personnes issues du
groupe, dont le but est de réunir les compétences. Aujourd'hui, nous avons des
services qui sont un peu trop marginalisés, comme les relations publiques, la
communication. Tous ces gens vont travailler ensemble à travers nos marques et
nos activités. Ils vont partager l'information. Nous avons peut-être dans le
passé trop segmenté. Et, par exemple, le directeur des programmes de NRJ
n'apporte pas suffisament d'éléments, sinon personnels, à Nostalgie ou à
Chérie. Et pourtant, nous avons une source interne très riche en termes
d'idées. L'objectif est de trouver une passerelle commune qui ne soit ni un
métier de commerçant, en l'occurrence de régisseur, ni un métier d'éditeur, en
l'occurrence de contenu, mais une sorte de tronc commun qui va travailler à la
visibilité et à l'émergence de nos marques.
NRJ a maintenant une peu plus de 20 ans. Comment parvient-elle à éviter la “ringardisation” ?
JCM Grâce à la pertinence de notre programmation musicale et à
la promesse de gratuité qui l'accompagne. Lorsque nous externalisons la radio,
c'est toujours pour donner le meilleur. Nous sommes la seule radio à pouvoir
réunir sur un plateau les 30 plus grandes stars du moment. Pour l'auditeur de
NRJ, passer une journée avec Madonna, c'est plus fort que de gagner une
Ferrari. Donner accès à l'inaccessible à nos auditeurs, c'est important. Après,
c'est aussi tester de nouveaux univers. On a fait un gros pari en jouant la
carte de Maurad.Au-delà du choix, on aime ou on aime pas, cela correspond à une
actualité et à une modernité. C'est comme ça qu'une partie de la population
jeune parle, s'associe, s'identifie. Il a fallu le jouer. C'est aussi une
promesse de modernité, dans le style, dans le ton. Sur NRJ, nous n'allons pas
jouer des courants musicaux et passagers trop segmentants comme le Rap, que
l'on laisse à d'autres. En revanche, on essaie d'avoir des animateurs et une
façon d'intervenir et de faire participer les auditeurs du moment avec le
verbiage, la façon d'être d'aujourd'hui. C'est un pari qui s'avère positif.
Donc, on n'est pas ringard par rapport à notre matière première, la musique,
nos émissions spécifiques et les événements que l'on crée. Nous ne labellisons
plus les événements d'un tiers ; nous sommes véritablement à l'iniative des
événements sur la base de notre concept. Nous allons faire des choses sur le
cinéma et la danse, ce sont des nouveautés qui correspondent à l'actualité du
moment.
Comment expliquez-vous le déclin des périphériques ?
JCM Les généralistes n'ont pas su se moderniser ou veillir avec
leur audience. Vouloir faire du moderne tout en continuant à séduire le passé,
c'est très difficile.
Et ce risque de déclin ne guette pas NRJ ?
JCM Aujourd'hui, ce qui fait NRJ, c'est à 95 % la musique. On
n'a pas de star système. La musique, c'est un sentiment irrationnel. On aime ou
on n'aime pas. Quand on entre dans le format talk-infos, avec tel ou tel
animateur connu, ce n'est pas la musique qui prime, c'est le ton de
l'animation, le vedettariat de l'animateur et c'est sa personnalité qui fait
qu'on accroche ou pas. Notre pari, c'est la musique et la musique fait son
travail elle-même.
Pourtant, vous avez dit plus haut que Maurad était un pari…
JCM Avec Maurad, nous sommes en phase de conquête.
Nous voulons séduire des gens qui ne viennent pas pour la musique. Ils y ont
accès à travers Internet, le téléchargement ; ils sont leur propre
programmateur et la promesse musicale n'est plus leur premier objectif. En
revanche, ce qui les intéresse, c'est l'interactivité et le dialogue mais,
encore une fois, le vedettariat de Maurad aujourd'hui, c'est plutôt un ton, une
promesse, un échange. Nous mettons la main dans le système de l'animateur
vedette pour de la conquête, sur un horaire de la journée, le soir, qui ne
vient pas polluer la programmation musicale.
Danone, premier investisseur radio. Pour cette marque, est-ce un vrai changement stratégique ?
JCM Oui, mais Danone n'est pas tombé comme un fruit de l'arbre.
La profession tente de démontrer depuis trois ou quatre ans, par des tests et
des études, ce que la radio peut réellement apporter sur des produits de grande
consommation. Ces marques ont vu les résultats, et notamment ceux de 75/15.
Elles ont vu l'efficacité en termes de croissance sur les ventes - on parle là
de choses concrètes -, et tout cela porte ses fruits. Au-delà, l'accès de la
distribution à la télévision va automatiquement encombrer l'espace publicitaire
et donc entraîner une inflation tarifaire. Aujourd'hui, une marque comme
Danone, très forte en investissement télé, qui a un coût GRP défini, ne peut
pas se permettre de subir cette inflation. Elle va donc diversifier ses
investissements et teste d'autres médias. On parle beaucoup de Danone parce
qu'elle a préempté le média radio avant que d'autres ne le fassent, mais nous
avons aussi beaucoup de Procter. Nestlé arrive.
La grande distribution est l'un des principaux annonceurs de la radio. L'ouverture de la télévision ne présente-t-elle pas un risque pour l'économie de NRJ ?
JCM La grande ditribution, c'est 30 % du chiffre d'affaires
national. Sur ces 30 %, 70 % sont liés à des campagnes d'offre spécifique, de
la promotion, et cela automatiquement la télé ne pourra pas y avoir accès ou du
moins ce sera difficile. Donc globalement, on ne parle que de 30 % de ces 30 %.
Aujourd'hui, sur cette proportion, les distributeurs achètent deux cibles, la
ménagère de - 50 ans et la ménagère avec enfant, soit des cibles sur lesquelles
la part de marché du groupe NRJ vaut 44 %. Depuis des années, on persiste à
être les meilleurs sur cette segmentation. Donc, si demain la distribution, qui
ne va pas déserter la radio et ne pas se concentrer sur ces cibles
prioritaires, doit faire des choix en termes de radios, ce n'est pas NRJ qui va
en souffir le plus. Après, il y a la force de notre réseau local, qui nous
permet de relayer des actions nationales au point par point. Nous sommes
aujourd'hui les seuls à pouvoir le faire. Puis, au final, je préfère perdre 10
% de la distribution pour gagner 300 % de food ! Je ne suis pas très inquiet.
Le groupe s'est beaucoup développé à l'international. Où en êtes-vous sur ce marché?
JCM Pour être puissant à l'international,
et c'est mon objectif prioritaire, il nous faudra nouer des alliances avec des
groupes médias très puissants, autrichiens, allemands, etc., qui donneront à la
marque la visibilité nécessaire. Et qui vont nous permettre de trouver des
économies d'échelle, structurelles, qui seront réinvesties dans le
développement du format ou des réseaux à l'étranger. Fin d'exercice fiscal
2005, on doit être rentable à l'international. Nous avons besoin de vraies
success-stories à l'international pour poursuivre notre développement.
Et ce n'est pas le cas ?
JCM Nous avons des
success-stories en audience, mais pas encore en termes économiques. Le but
n'est pas d'être exceptionnel sur un pays, comme nous le sommes, par exemple, à
Berlin où, en termes de rentabilité, nous faisons aussi bien qu'en France.
L'objectif est d'avoir le même niveau de croissance partout pour financer nos
investissements futurs.
NRJ Group
l Quatre radios en France : Rire et Chansons, Nostalgie, Chérie FM et NRJ, première radio française sur la cible des 13 ans et plus. 13 869 000 auditeurs quotidiens. Chiffre d'affaires : 296 millions d'euros. Ebitda : 116 millions d'euros. Présent dans 8 pays, hors France. (Données 2002)