Je transmets, donc je suis
A une époque où tout s'accélère, où une chose en remplace une autre à la vitesse de l'éclair, la question de la transmission est cruciale. Décryptage d'une tendance.
Je m'abonneFin novembre 2009, Thierry Ardisson annonçait en grande pompe le lancement de son «mausolée virtuel» sur Internet. Son principe ? Réunir, avec le soutien de l'Ina, toutes les émissions auxquelles il avait participé en 25 ans de carrière, afin de laisser une trace à ses proches et à son public. « Cette histoire de mausolée n'est pas juste un coup marketing. C'est une autre manière de préparer ma mort», confia-t-il alors à la presse. Au-delà du geste narcissique, la démarche de l'animateur traduit une sensibilité émergente, que l'on retrouve dans des lancements tels que celui du site Memory Life d'Orange ou celui de MyLifeBits de Microsoft. A une époque où tout s'efface si vite de l'actualité, la question de la transmission acquiert une importance nouvelle. Comment garder une trace de son passage dans le flot continu ? D'autant que les possibilités de conservation, avec Internet, se sont multipliées. L'enquête réalisée par Ipsos Marketing pour Marketing Magazine tente de mieux appréhender cette tendance. Qui est concerné ? Et surtout, que désire-t-on transmettre aux générations futures ?
Une aspiration transgénérationnelle
Le premier enseignement de l'étude est évident. De facto, la transmission est une préoccupation centrale aujourd'hui. 59 % des personnes sondées déclarent qu'il est «très important» pour elles de «transmettre une trace à leurs proches». Et 32 % reconnaissent que c'est «assez important». Seuls 7 % de l'échantillon n'y accordent pas ou peu d'importance ! Si les femmes sont un peu plus concernées que les hommes, cette préoccupation traverse les générations. Aujourd'hui, un étudiant qui n'a pas encore commencé sa carrière se dit tout aussi préoccupé qu'un retraité de ce qu'il va transmettre à ses proches.
Et les sondés déclarent souhaiter transmettre beaucoup de choses à leurs enfants, actuels ou futurs. De cet ensemble où se mêlent matériel et immatériel, se détachent deux éléments : une «éducation, des règles de vie» pour 85 % d'entre eux, et une «vision de la vie» pour 81 %. Donner à la prochaine génération une direction, des principes pour le futur, est plébiscité par la très grande majorité. Viennent ensuite les éléments biographiques (69 %) ou les photos ou enregistrements (60 %). Dans le contexte économique incertain actuel, les éléments matériels comptent, même s'ils viennent en second lieu. 62 % des interrogés souhaitent ainsi transmettre des biens immobiliers, 61 % de l'argent. D'autre part, sont attendues des parents une éducation (68 %), des informations sur l'histoire familiale (64 %), des valeurs (62 %), et des grands-parents des notions de leur histoire et les supports qui en témoignent.
Un marché à fort potentiel
Si le désir de transmettre est là, force est de constater que les personnes sondées ne sont pas encore passées aux actes. Seuls 34 % admettent avoir commencé à «s'organiser pour laisser une trace d'eux-mêmes à leurs proches». Et les plus de 55 ans ne sont que 44 %... C'est dire le potentiel d'un marché où les solutions commencent à émerger. Internet jouera, à l'évidence, un rôle décisif dans la transmission individuelle. Nous n'avons pas fini d'entendre parler des «mausolées virtuels»...
Méthodologie
Enquête réalisée par Ipsos Marketing pour Marketing Magazine, auprès d'un échantillon représentatif de 1 000 personnes âgées de 15 ans et plus, en janvier 2010.
REMY OUDGHIRI, DIRECTEUR DU DEPARTEMENT TENDANCES ET PROSPECTIVE, IPSOS MARKETING