Innovation alimentaire: un fossé entre l'offre et la demande
Les innovations ne répondent pas aux désirs des consommateurs: ils veulent de petits plaisirs plus que du haut de gamme, des produits naturels, mais pas forcément bio... Quant au nomadisme et à la cosmétofood, ce ne sont que des concepts médiatiques!
@ © HLPhoto © Kesu - Fotolia.com
A l'occasion de son édition 2012, le Salon international de l'alimentaire (Sial) a demandé à TNS Sofres et à XTC World Innovation de porter un regard croisé sur la demande et l'offre en matière d'innovation alimentaire. A partir de sa base de données innovation (couvrant une quarantaine de pays), XTC a isolé cinq axes: plaisir, santé, praticité, forme et éthique, correspondant chacun à plusieurs thèmes (sophistication, variété des sens, fun et exotisme pour l'axe plaisir; naturalité, médical et végétal pour la santé...). TNS Sofres a analysé la perception des consommateurs de sept pays pour chaque axe et thème. Français et Allemands sont friands de convivialité ; Britanniques, Espagnols et Américains confiants en leurs produits; Chinois soucieux de bien manger à bas prix... L'étude dresse un panorama mondial contrasté. Le plaisir est l'axe d'innovation prédominant. Il représente 52,5 % des innovations (contre 43 % en 201 1). La santé est en baisse (22,1 %, contre 26% en 2007). La praticité demeure une attente de base (15,6 %), la forme chute (7,4%) - avec le déclin de l'offre minceur - et, enfin, l'éthique monte doucement (2,3 % contre 0,6% en 2001).
La segmentation par thèmes et le croisement avec le niveau d'intérêt des consommateurs fournissent des résultats plus subtils: la variété des sens (axe plaisir) concerne plus d'un produit sur quatre, mais correspond à une attente moyenne des consommateurs, alors que la sophistication (18,9% des produits) atteint un niveau d'attente supérieur à la moyenne (petits plaisirs, authenticité, terroir), surtout en France et en Allemagne.
La naturalité, très demandée
Pascale Grelot-Girard, directrice du département consumer de TNS Sofres, dégage trois résultats majeurs: «L'alimentation est, pour les consommateurs, un plaisir, une nécessité et un moyen de prévenir les problèmes de santé. » Xavier Terlet, président d'XTC World Innovation, s'interroge: « L'offre plaisir correspond à une forte attente. Mais les leviers utilisés par les industriels sont-ils les bons? Les consommateurs souhaitent des petits plaisirs que l'on peut s'offrir, et ces petits plaisirs sont liés à l'authenticité des produits plus qu'à la créativité, au fun et, plus encore, au haut de gamme. Ceci s'observe dans la quasi-totalité des pays. On peut donc s'interroger sur la pertinence de l'image haut de gamme, voire luxueuse, de l'alimentation française à l'export. »
La naturalité est aussi une demande forte. « La réponse est encore trop «ghettoïsée» dans la filière bio, observe Xavier Terlet. Encore une fois, le consommateur privilégie d'autres leviers que le seul label bio, comme l'emploi d'ingrédients naturels, la simplicité des processus de conservation et des recettes. » L'attente santé «est marquée géographiquement, poursuit Xavier Terlet. On voit que si la prévention est une valeur partagée, la santé «curative» est une attente exprimée dans les pays anglosaxons et en Russie. » Autres déconvenues, « le nomadisme et la rapidité, leviers souvent utilisés par les industriels, ne sont pas des attentes réellement formulées», relève Xavier Terlet. Par ailleurs, la «cosmétofood» a un écho médiatique inversement proportionnel au poids de l'offre innovante.
L'éthique, enfin, reste un axe à travailler. « Ces notions, note Xavier Terlet, restent très générales pour le consommateur. Toutefois, on voit que l'écologie (moins d'emballage et de gaspillage) est une attente marquée en Europe et, plus étonnamment, Chine. L'achat local, par son caractère citoyen et écologique, forme aussi une réelle demande. A l'inverse du commerce équitable qui, en Allemagne excepté, n'est pas une attente véritablement formulée. »
Méthodologie
Méthodologie Pour chacun des pays considérés - Allemagne, Chine, Espagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie l'étude se fonde sur un échantillon de 1000 individus âgés de 18 ans et plus, représentatif en termes de sexe, d'âge, de région et de catégorie socio-économique, selon la méthode des quotas.