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Industrie agroalimentaire : retrouver la confiance des consommateurs

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Vache folle, dioxine, listéria. Les récentes crises ont mis à mal la confiance des Français dans l'industrie alimentaire et nourrissent la psychose collective. Derrière ces craintes, il y a probablement un déficit d'informations. C'est du moins l'opinion de Vincent Moulin Wright, directeur du département Entreprises de la Confédération française de la coopération agricole.

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« Il faut rappeler que l'industrie agroalimentaire est une industrie récente, elle a vraiment commencé à se développer de façon significative à partir des années 50-60. Depuis cette époque, les industries agroalimentaires ont cultivé le secret vis-à-vis du grand public, lié à d'évidentes réticences à divulguer leurs procédés, leurs recettes et même les ingrédients utilisés. Il en a résulté, dès les années 70, la première crise de suspicion de la part du grand public qui s'était alors cristallisé autour des colorants utilisés par les IAA. Dans la foulée, d'autres inquiétudes sont nées, liées à la supposée collusion entre les IAA et l'industrie chimique prétendument à l'origine de steaks fabriqués à partir de dérivés du pétrole. Vinrent ensuite les premiers essais ratés de la restauration collective (notamment l'affaire Jacques Borel) et les difficultés à maîtriser la logistique et l'hygiène alimentaire de masse. Des intoxications alimentaires (salmonellose, etc.) avaient déjà contribué à créer un climat de suspicion. Cette inquiétude a été occasionnellement relancée, relayée par les médias, par différentes polémiques : l'utilité et la toxicité des additifs alimentaires (aspartam, saccharine, amidons modifié...) et, bien sûr, de façon plus récente par les crises concernant la vache folle, les OGM, les dioxines ou la listéria. Son paroxysme est aujourd'hui atteint induisant un net besoin de réassurance. La quotidienneté de ces alertes tend à occulter l'évolution largement positive de la sécurité alimentaire. Il y a, en effet, beaucoup moins de problèmes de contaminations biologiques aujourd'hui, du fait que l'on sait mieux les détecter. Il faut distinguer différentes causes dans l'apparition des problèmes de sécurité alimentaire. Au-delà des opérateurs responsables qui essaient de faire progresser l'alimentation de masse, il y a également des apprentis sorciers, dans une moindre mesure heureusement, des fraudeurs qui sont souvent à l'origine de ces problèmes. Il y a également une certaine méconnaissance des consommateurs quant aux principes de base d'une bonne hygiène dans leur cuisine et réfrigérateur. Les IAA, aidées par les pouvoirs publics, devraient sans doute accentuer les campagnes d'information auprès du public pour diffuser les règles essentielles d'hygiène alimentaire. De même, les fabricants de produits électroménagers pourraient dans cette logique équiper leurs réfrigérateurs de thermomètres avec des indicateurs de zones de risque.

Risques réels ou virtuels ?


Si le risque alimentaire n'a jamais été aussi faible, le risque zéro ne peut exister dans un pays comme le nôtre où le plaisir de manger reste très fort mais aussi très lié à des produits à risque. Il ne faut pas oublier que les motivations fondamentales de l'alimentation découlent plus du plaisir gustatif et de la diversité que de la recherche nutritionnelle. Il est intéressant de noter que dans certains pays comme les Etats-Unis où le modèle alimentaire semble très strict, le risque est paradoxalement le plus élevé pour un plaisir de la table très limité. La recherche de plaisir alimentaire se porte plutôt sur la satiété, voire la compulsion avec pour conséquences les problèmes d'obésité que l'on connaît. Notre modèle européen semble plus sécurisé, plus gustatif organoleptiquement et, d'ailleurs, il est envié de tous. Il n'en reste pas moins que s'il est important de réduire le risque réel, il convient aussi d'atténuer le risque ressenti. Nous sommes, en Occident, dans une société où le niveau global de danger est très faible. Comme l'indique le Professeur Apfelbaum, nous sommes dans une société d'exagération qui cherche à recréer des risque virtuels pour pouvoir apprécier le confort dans lequel nous vivons. Nous cristallisons ces inquiétudes sur des psychoses alimentaires, largement amplifiées par certains médias. Le risque alimentaire semble être celui qui inquiète le plus alors que les dangers de la route, par exemple, sont objectivement beaucoup plus importants. Notre relation à l'alimentation est devenue irrationnelle. Afin de pouvoir comparer les risques réels et les risques perçus, il serait d'abord souhaitable de mettre au point une sorte de double échelle de Richter du risque réel et du risque perçu. Les risques réels seraient évalués par un collège de scientifiques (AFSSA, institut de veille sanitaire) tandis que l'échelle du risque perçu le serait par les consommateurs.

Pour une éducation de l'hygiène alimentaire


Il n'en reste pas moins vrai que, si tout doit être mis en oeuvre pour réduire le risque, qu'il soit réel ou perçu, il est nécessaire d'éduquer le consommateur à la prise de risque inexorable que comporte chaque geste alimentaire. Vouloir nier ce risque reviendrait à prôner une alimentation aseptique. La seconde chose à faire est d'instaurer un meilleur dialogue entre consommateurs et IAA en ouvrant les portes des usines, en expliquant les contraintes que représentent l'industrialisation et la distribution. Ce dialogue doit passer également par une plus grande information, notamment par l'étiquetage des produits. L'information alimentation pourrait démarrer dès l'école pour inculquer les bonnes pratiques d'hygiène dès le plus jeune âge, comme on le fait avec succès pour la Journée du Goût. La culture de l'incertitude fait partie de notre quotidien ; elle concerne également notre alimentation puisque le plaisir alimentaire ne peut se dissocier d'une coexistence maîtrisée avec les micro-organismes qui sont à son origine : fromage, charcuterie, vins. Tous ces aliments en contiennent pour notre plus grand plaisir gastronomique. »

 
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Philippe Laurent

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