Identité sonore : l'Assurance monte en gamme
Afin de créer un lien émotionnel durable avec le consommateur, les assureurs misent sur des codes sonores. Une stratégie efficace pour un produit immatériel.
Je m'abonneL'identité sonore de la marque est constituée d'un ensemble de signes sonores pérennes et/ou conjoncturels. Ces signes sont autant d'évocations que la marque transmet à ses publics en un lieu et à un moment donné. Ils forment un langage émotionnel plus ou moins cohérent, plus ou moins spécifique.
Il est intéressant d'écouter le marché du point de vue sectoriel pour analyser les codes sonores d'un secteur d'activité et, ainsi, évaluer si les sons émis correspondent aux positionnements et postures respectives. Prenons par convention quelques exemples (Maaf, Axa, AGF, Macif, Maif, Gan, CNP).
On remarque tout d'abord que la plupart de ces compagnies sont dans une logique de programmes et de contenu. Elles veulent nous raconter une histoire. D'autre part, les codes sonores sont multiples : des musiques populaires pour créer de la proximité et de l'intimité auprès de la cible ; des voix pour renforcer la marque dans le déclaratif ; et, dans certains cas, des logos sonores en phase avec l'identité et les valeurs de la marque.
Olivier Covo (Brandy Sound) :
« Le secteur Assurance est précurseur dans l'utilisation de la musique. »
- Maaf est dans une logique de communication axée sur la répétition. L'utilisation d'une musique connue, C'est la Ouate de Caroline Loeb, devient identitaire. Le tout étant servi par les codes couleurs et la chorégraphie de la série Palace. C'est la prime au premier entrant.
- Axa exploite une bande-son “60 's revival” avec la famille Delachance pour renforcer l'aspect “générique de programme” et surfer sur le style musical du moment pour fédérer un large public. Une identité sonore dont le thème est chanté par une femme, afin d'insister sur les fondamentaux “institutionnels” de la marque. Et une voix masculine rassurante qui nous dit : “Vivre confiant, Axa”. La marque utilise ce double registre avec cohérence, tout en collant aux codes “programme” afin de créer un rendez-vous avec le public.
- AGF, marque patrimoniale, institutionnelle et référente, a choisi un registre de rupture qui lui permet ainsi d'émerger tout en restant crédible. Le jingle sonore de fin renforce cette relation “abracadabrantesque” fondée sur l'exclusivité “AGF, qui d'autre ?”. L'assureur, c'est exclusivement AGF. On est sérieux sans pour autant se prendre au sérieux.
- Macif, qui avait une identité sonore sur mesure et spécifique, est rentrée dans le registre de l'association image et musique. Avec “True Colors” de Cindy Lauper, elle affirme sa posture dans une évocation bercée de fluidité, de tendresse et d'unité. Cela demande un investissement lourd en termes de “répétition média” pour en faire une ritournelle identitaire. Cette musique rentre, à mon sens, dans la bulle de spéculation sonore que j'appellerais le syndrome des “Chemical Brothers” (Air France, Carte Noire...).
- Maif, qui proclamait son côté militant avec un roulement de tambour, était dans une logique identitaire et exploitait parfaitement son positionnement de militant au plan sonore. Mais voilà, l'assureur a arrêté d'utiliser ce jingle... Selon moi, c'est une erreur. Il aurait été aisé de réorchestrer ce jingle identitaire pour mieux l'inscrire dans son temps.
- Gan est, enfin, dans une logique de redynamisation de la marque. La musique utilisée, “Sally” de Carmel, propose une posture mais pas un positionnement identitaire fort. C'est une logique d'exécution créative.
- CNP veut créer depuis des années de la présence à l'esprit avec la suite de Chostakovitch - Valse n°2. Il faut noter que la musique exploitée, en rupture des codes d'un secteur d'activité, peut contribuer à créer de l'émergence et/ou de la présence à l'esprit. Et comment, par congruence, on dispose d'un effet de montée en gamme.
Qui l'eut cru ? Le secteur Assurance est ainsi précurseur dans l'utilisation de la musique pour créer un lien émotionnel durable. Dans ce contexte, où la relation est aussi importante que la marque, la cohérence des signes sonores devient essentielle pour partager une expérience et créer de l'attachement. C'est aussi le cas dans le secteur Banques et j'imagine bien cela, par extrapolation, dans tous les secteurs de l'immatériel. Il en sera ainsi dans des secteurs comme la consommation de biens technologiques ou culturels, et en dominante sur le média/ canal de distribution Internet ou tout reste à faire au plan sonore. Ouvrons grand nos yeux et nos oreilles !
Olivier Covo, directeur associé de Brandy Sound