Géomarketing : un outil de construction et de ciblage pour les médias
Le géomarketing acquiert ses lettres de noblesse dans l'univers des médias. Même si, pour certains supports, son utilisation n'est pas récente, les avancées technologiques permettent désormais d'affiner la modélisation. Utilisé essentiellement pour déterminer avec précision l'audience ou la diffusion des supports, ainsi que pour construire des offres commerciales spécifiques, le géomarketing doit cependant rester dans les contraintes de l'opérationnel.
Très présent dans les problématiques des annonceurs multilocaux, le
géomarketing est un domaine que ne peuvent pas ignorer les acteurs médias qu'il
s'agisse des supports ou des conseils. Les avancées techniques ont permis à
ceux-ci d'effectuer des avancées indéniables dans ce domaine. Toutefois, ce qui
est désormais regroupé sous le vocable géomarketing n'est pas une découverte
récente pour les médias. Ceux-ci, tout du moins ceux qui sont confrontés à une
problématique géographique, font des analyses géomarketing depuis longtemps.
C'est notamment le cas de l'affichage, média géographique par excellence, qui a
toujours eu besoin d'une représentation cartographique de ses implantations de
panneaux. « Nous faisons du géomarketing depuis toujours. Cela a commencé avec
le premier réseau. Avec la sophistication des outils, nous en faisons
simplement de manière plus déclarée », estime Florence Bureau, directeur
marketing de Dauphin. Avec des bases de données et des systèmes d'information
géographiques (SIG) de plus en plus sophistiquées et exploitables, la démarche
géomarketing a pris tout son sens pour les médias. De plus, les médias ne
pouvaient pas rester en dehors d'une démarche géomarketing plus poussée alors
que leurs annonceurs affinaient peu à peu cette logique pour les appliquer dans
leur communication, hors-médias en particulier. « Avec les SIG et des BDD, de
plus en plus d'annonceurs sont en mesure d'analyser leurs propres données,
remarque Philippe Thomas, directeur marketing d'Adrexo. Beaucoup de compétences
sont recrutées directement par les annonceurs ». D'un point de vue global, la
mise en place d'outils géomarketing pointus s'explique par le besoin d'une
réponse aux attentes d'enseignes disposant d'un réseau de distribution, même si
ce ne sont pas les seuls annonceurs à être intéressés par une démarche
géographique. Ces réseaux ont une double exigence nationale et locale qui les
obligent à une cohérence géographique et temporelle des actions. «
L'organisation globale des annonceurs tend vers une synergie plus forte entre
l'échelon national et l'échelon local », constate Albert Asseraf, directeur du
département affichage de Carat Expert. D'où un besoin de connaissance accrue de
la réalité du terrain. Mais cette connaissance s'avère complexe et fastidieuse
à acquérir en termes de données. « Pour analyser l'offre au niveau local, il
faut évidemment plus de temps qu'au niveau national », précise Isabelle Le Roy,
directeur général de Médiapolis Ressources. Ce problème se pose de manière
cruciale pour des conseils médias qui se doivent de disposer de données issues
de tous les types de supports. Ainsi, l'outil Géopolis de Médiapolis recense
environ 20 000 supports locaux pour permettre aux annonceurs de connaître
l'offre de la manière la plus complète possible sur chaque zone du territoire
national, via une approche baptisée "géo média marketing". Dans une même
logique, Carat prépare un outil complet disposant de données locales avec des
indices de hiérarchisation des supports et d'autres données terrain associées.
« Désormais, on est amené à traiter les médias locaux avec le même degré
d'exigence que les autres », explique René Saal, directeur général de Carat
Expert. Ce renouveau du local est en partie dû à une professionnalisation des
annonceurs de plus en plus soucieux d'avoir une idée juste de la rentabilité de
leurs investissements médias. Ce qui est vrai pour les conseils l'est aussi
pour les supports qui ont un réel besoin d'affiner leur discours. « Nous
cherchons à avoir une valorisation de l'audience et de la diffusion pour
professionnaliser le discours auprès des annonceurs », note Bruno Ricard,
directeur marketing du SPQR.
A CHAQUE MÉDIA SA LOGIQUE
Tous les médias n'ont pas une logique de précision géographique extrême. Ainsi,
la télévision n'a pas pour vocation d'enclencher une approche plus fine de sa
diffusion globale. Chaque type de support développe un géomarketing qui
correspond à sa vocation médiaplanning et à son mode d'implantation
géographique. Dans un souci renforcé d'offrir une visibilité concrète de sa
présence réelle. « Un des problèmes de l'affichage est qu'on ne se le
représente pas concrètement. La cartographie a permis de le visualiser »,
souligne Marc Ferron, directeur du marketing opérationnel de Giraudy. Malgré
les différences, le point commun de chaque démarche est de confronter une
approche très globale et une approche micro-locale. Très engagés dans le
géomarketing, les afficheurs peuvent, avant toute autre application, proposer
une vue d'ensemble de leurs différents réseaux qui permet aux annonceurs de les
mettre en rapport avec leurs zones d'implantation et de chalandise. Pour
certains, le géomarketing n'a été qu'une continuité de leur démarche
stratégique globale. C'est le cas pour la presse gratuite. « La presse gratuite
est un média jeune lié à la consommation. Il s'est structuré avec
l'organisation commerciale française, explique Xavier Guillon, directeur des
études de la Comareg. Nous avons pu modéliser ce qui était purement empirique
». La démarche géomarketing a également modifié les modes d'analyse
territoriale des médias. C'est ainsi qu'en définissant des bassins d'attraction
cinématographique, Médiavision a repensé l'approche traditionnelle du média
basée à l'origine sur la taille des agglomérations. Désormais, c'est la
fréquentation des salles qui fait office de référence. Toutefois, cette
démarche est aussi le fruit de la modification structurelle du média avec le
développement des multiplexes, les déplacements vers les salles obscures
s'effectuant de plus loin. La cartographie a donc permis de préciser les zones
d'origine du public. Cartographie n'est toutefois pas synonyme de géomarketing.
Celui-ci, en plus de la dimension géographique, intègre des bases de données de
tout type, essentiellement socio-démographiques. La spécificité des médias y
ajoutant des données d'audience sur leur zone. Reste que le géomarketing n'est
pas forcément destiné à tous les types d'annonceurs, mais intègre une notion de
service supplémentaire. « Localement, il est peu utilisé car un dossier
géomarketing demande beaucoup de temps, observe Eric Elan, directeur marketing
d'Europe Régies. Multilocalement, cela a un intérêt dès lors que l'annonceur
n'est pas du cru. Nous utilisons beaucoup ce discours sur des annonceurs qui
connaissent bien le géomarketing. »
ADAPTER LES RÉPONSES AUX ANNONCEURS
Les qualités spécifiques à chaque média incluent des
démarches un peu différenciées. « L'affichage est, par exemple, plus compliqué
que la radio. Il s'agit d'un média de déplacement qui nécessite de trouver des
données de trajet », indique Isabelle Le Roy. Dans leur ensemble, les médias
utilisent le géomarketing pour des raisons de gestion des supports et pour
valoriser les offres auprès des annonceurs. « Le géomarketing a deux fonctions.
En amont, c'est une aide à la mise en place de produits pour identifier les
territoires de construction. En aval, c'est une aide au montage de campagnes
qui permet de mieux répondre aux besoins du client », analyse Eric Merklen,
responsable des études et du développement produit chez Avenir. « Le point de
ressemblance pour les démarches géomarketing consiste à se servir d'une carte
pour des besoins commerciaux », ajoute Thierry Kressmann, directeur général
d'Hémisphères, concepteur de logiciels géomarketing. Mais, avant le côté
commercial, intervient la qualification des zones de diffusion ou
d'implantation. Par exemple, pour la PQR, qui dispose d'environ 250 éditions
publicitaires, le géomarketing, avant toute offre commerciale, a pour but de
qualifier au mieux les audiences. Ainsi, le modèle GAEL (génération d'audience
par édition locale) a permis de descendre par modélisation au niveau
micro-local. Plus de la moitié des titres ont adopté ce modèle, alors que
certains d'entre eux disposaient déjà de leurs propres outils d'analyse,
essentiellement axés sur la diffusion, afin d'optimiser la distribution. Le
besoin d'une approche commune s'est toutefois fait sentir. « La demande est
stimulée par la concurrence, et le marché local est un peu notre fonds de
commerce », remarque Bruno Ricard. En affichage transport, la problématique est
différente, elle doit prendre en compte la mobilité des voyageurs. « Pour
construire les réseaux, nous avons déjà besoin de savoir d'où viennent et où
vont les gens », explique Christine Jourdan, directrice marketing de France
Rail Publicité. Avec son outil Médiaplangares, la régie a aussi besoin de
posséder une représentation géographique des flux à l'intérieur des gares. Une
logique appliquée à Médiaplanbus depuis la reprise de France Bus par France
Rail Publicité. L'affichage grand format est, lui, confronté à des
problématiques proches. Avec une notion plus aiguisée de veille des
implantations. « Le géomarketing permet de valoriser, de développer et
d'utiliser le patrimoine », commente Marc Ferron. La viabilité des emplacements
peut ainsi être affinée par rapport aux zones de chalandises des annonceurs.
Pour la radio, les objectifs des éditeurs et ceux des régies, quoique corrélés,
ne sont pas forcément dans une logique totalement similaire. Les éditeurs
cherchent à optimiser le signal en déterminant quelle est la zone de population
couverte. Lorsque les données sont fournies aux régies celles-ci peuvent
effectuer une représentation cartographique et socio-démographique des zones
couvertes qui détermine la préconisation médias. Après la détermination des
emplacements, de la diffusion, de l'audience, la construction de l'offre
s'avère de plus en plus fine et optimisée. La vraie finalité des applications
médias du géomarketing se trouve à ce niveau. L'objectif étant de calquer
l'offre au plus près des zones de chalandises. « Le géomarketing constitue un
des outils d'aide à la vente », explique Eric Elan.
DISPOSITIFS SUR MESURE
Les arguments apportés par les données sur l'audience, les
zones couvertes par le média en rapport avec le besoin de communiquer sur une
clientèle potentielle sont renforcés par la représentation géographique.
D'autant plus efficacement que les annonceurs disposent de leurs propres
données et peuvent les confronter à l'offre média. « Avoir des données très
précises permet de montrer aux annonceurs ce qu'un support va pouvoir leur
apporter dans la relation clientèle », déclare Xavier Guillon. L'offre
commerciale est désormais souvent bâtie à partir des applications géomarketing.
Ainsi, les afficheurs les utilisent de plus en plus pour des produits
spécifiques. Exemple, les réseaux e-claim chez Dauphin, ou Avenir.fr chez
Avenir, spécifiquement constitués pour les internautes, sont en grande partie
les enfants des logiciels géomarketing. D'autres produits dans des
problématiques spécifiques et événementielles peuvent être conçus à partir des
outils. « C'est important pour la constitution de produits saisonniers avec des
annonceurs qui veulent communiquer ville par ville », souligne Eric Elan.
Suivre une tournée d'été sur les zones côtières avec des adéquations entre les
dates des tournées et les dispositifs médias est ainsi facilité par l'existence
d'outil de réponse. « Nous arrivons à produire un catalogue avec des produits
complémentaires », note Eric Merklen. Coexistent donc l'aspect offre globale et
offre adaptée spécifiquement aux annonceurs. Toujours dans un but
d'optimisation des plans locaux. « Une des raisons pour laquelle nous avons
suivi notre démarche géographique est l'individualisation des propositions
faites à nos clients. C'est-à-dire que nous ne souhaitons pas seulement leur
proposer des produits formatés », précise Fabrice Carlier. Ainsi chez
Médiavision, le chiffre d'affaire des produits répondant à une demande
spécifique est passé de 20 % à plus d'un tiers du chiffre d'affaires en deux
ans et a sans doute contribué au redémarrage publicitaire du cinéma. Les
innovations dues au géomarketing permettent une adéquation renforcée avec les
problématiques annonceurs. « Nous sommes passés d'un géomarketing de
démonstration à un géomarketing d'optimisation », estime Marc Ferron. Les
médias peuvent plus légitimement s'imposer entre une problématique de masse et
une problématique de ciblage. Mais, l'aspect logistique inhérent à chaque média
ne permet pas toutes les finesses de ciblage envisageables. Même si la liaison
entre cet aspect et l'outil géomarketing devrait progresser. Ainsi, Avenir a
commencé à lier une partie de son outil à sa base de planning pour en améliorer
l'utilisation.
INTRODUCTION DES BDD COMPORTEMENTALES
L'affinement du ciblage provient notamment de l'introduction progressive de
nouvelles bases de données dans les outils de géomarketing à la disposition des
médias. L'introduction, en plus de bases socio-démographiques, de bases de
données comportementales de consommation, devient la tendance et l'exigence
vers laquelle tendent tous les médias. Les afficheurs sont déjà
particulièrement avancés dans ce domaine. L'outil Consoplan'R de Dauphin
dispose des données Consodata qui permettent de toucher plus précisément des
catégories de consommateurs, en plus des traditionnels données d'âge ou de
revenu. De même, l'outil Geo-Logic d'Avenir, repose sur l'expertise du
territoire, croisant les données de déplacement, celles de la dépense des
ménages ou des aires de clientèle des magasins entre autres. Carat a, de son
côté, développé Consomap, reposant sur une optimisation géographique des plans
en fonction des éléments liés à la consommation. Pour le cinéma, Médiavision
s'engage maintenant dans la même logique pour permettre de proposer des
produits typés par annonceurs. La presse gratuite a, elle, l'avantage de
disposer de la formidable base constituée par les petites annonces qui ajoute à
sa connaissance des ménages. Sachant que 20 % des ménages achètent ou vendent
par petite annonce tous les ans. Suivant les types d'annonces passées, les
caractéristiques des bassins de consommation peuvent être ainsi précisées. Dans
sa problématique de mobilité, l'affichage doit désormais disposer de données de
déplacement plus fiables. Outil indispensable à la validation de son approche
géomarketing. « Le géomarketing de l'affichage est un géomarketing de flux
alors que le géomarketing aujourd'hui est un géomarketing d'îlot. L'idéal
serait d'avoir des bases de données comportementales qualifiées en termes de
flux », analyse Etienne Reignoux, directeur de projets chez Dauphin. Toutefois
se pose encore un problème sur la réelle valeur des bases de données
comportementales qui restent lourdes à manier même si leur fiabilité tend à
s'améliorer. Dans le domaine de l'affichage transport, la notion de flux prend
également toute sa valeur. « La connaissance de l'origine du voyage et de sa
destination est essentielle ainsi que la desserte utilisée entre les deux,
explique Christine Jourdan. En terme de transport, on n'est pas représentatif
au niveau socio-démographique. » L'utilité des données dépend donc toujours à
ce niveau de la spécificité des médias. De nombreux progrès sont encore
possibles pour les médias dont les développements géomarketing, s'ils n'en sont
pas à leurs débuts, n'ont pas encore atteint leur seuil de maturité maximum.
Les développements technologiques que ce soit en cartographie ou en données de
toute nature sont encore à l'ordre du jour. Internet devrait également jouer un
rôle de plus en plus important, aussi bien pour la transmission que pour le
recueil des informations. Le développement du géomarketing dans les médias ne
doit pas non plus faire perdre de vue l'objectif final de l'outil. Il est très
facile de faire dire tout et son contraire à des données qui demeurent
complexes et ne donnent pas la connaissance absolue de la vérité du terrain. «
Le géomarketing ne peut pas tout dire. C'est l'analyse et la synthèse qui en
découle qui en fait la pertinence », constate Marc Ferron. « La technique
contraint à faire certains arbitrages, nous devons rester simple et
compréhensible pour le client », avoue Isabelle Le Roy. Le nombre d'analyse que
permet le géomarketing doit rester en liaison avec la problématique de
l'annonceur. Tout l'enjeu consiste à simplifier l'explication tout en restant
cohérent. « Vu la complexité des bases de données, le géomarketing peut,
jusqu'à un certain point, devenir une aide, mais peut aussi compliquer toute
explication », souligne Etienne Reignoux. Les médias doivent rester dans
l'optique de proposer une offre adaptée et viable pour le marché, sans
forcément pousser les applications trop loin en perdant leurs vocations de
communication globale. « Les outils médias ne sont pas faits pour descendre à
l'infini », résume Eric Elan. De plus, le géomarketing doit rester un outil
parmi d'autres. « C'est un outil de validation, mais le marketing reste d'abord
du bon sens. Le géomarketing permet de voir si une idée tient la route »,
commente Christine Jourdan. Pour ce faire, l'utilisation du géomarketing comme
un outil de simulation limite la marge d'erreur sur des problématiques de
médiaplanning. Il convient aussi de ne pas prendre pour du géomarketing ce qui
ne demeure que de la cartographie sans analyse complémentaire. Ayant beaucoup
progressé, autant dans sa représentation que dans sa prise en compte de
phénomènes complexes, le géomarketing des médias ne demeure pas moins ancré
dans une problématique de masse, même si ceux-ci tendent à proposer un ciblage
one to few. La prudence dans l'analyse des données demeure de rigueur. Il
convient donc de trouver les données les plus pertinentes à prendre en compte
suivant les cas, sans tomber dans l'excès d'information.
Carat propose l'ISA-Planning
« Nous essayons de couvrir tous les moyens de communication locaux », explique René Saal pour présenter l'outil ISA-Planning. Du fait de l'importance de la communication hors-médias pour les grands annonceurs locaux comme ceux de la distribution, Carat a décidé de prendre en compte à ce niveau l'imprimé sans adresse au même titre que les grands médias. ISA-Planning fonctionne sur la même base que l'outil Consomap, dédié à l'affichage, à savoir la mégabase de Consodata, avec un échantillon redressé. Une cartographie avec la pénétration d'un produit dans un des 7 000 quartiers recensés par l'outil permet d'optimiser l'action en boîte à lettres. « Il s'agit d'un outil d'aide à la décision », précise Albert Asseraf. Après avoir sélectionné un nombre de foyers à toucher et rentré les coûts ad hoc de la communication, apparaît une comparaison des coûts entre la distribution aléatoire et la distribution optimisée par l'outil.