Génération Wikipédia ?
Internet s'est-il aujourd'hui substitué aux encyclopédies et aux livres, sources du savoir millénaire dans notre civilisation ? Selon l'enquête réalisée par Ipsos Marketing, la réponse est plutôt nuancée.
Je m'abonneDepuis une quinzaine d'années, Internet change notre relation au savoir. Quelques clics à peine nous relient à de gigantesques sources d'information, désormais accessibles de partout grâce aux smartphones. Les dictionnaires, dans leur version papier, sont-ils irrémédiablement condamnés ? Le réflexe Wikipédia est-il en train de détrôner l'encyclopédie traditionnelle ? Les livres sont-ils toujours consultés ? L'enquête d'Ipsos Marketing tente de dresser un premier bilan.
Méthodologie
Enquête réalisée on line par Ipsos Marketing pour Marketing Magazine, en février 2010, auprès d'un échantillon représentatif de 507 personnes, internautes et âgées de 15 ans et plus.
Internet, un passage obligé
Force est de constater que le besoin de savoir est très vivace aujourd'hui. Ainsi, 45 % des personnes interrogées disent-elles rechercher au moins une ou plusieurs fois par mois des informations sur des sujets de culture générale (biographie d'une personnalité, événement historique, connaissances scientifiques...). Parmi elles, 14 % le font même plusieurs fois par semaine. L'enquête ne montre pas de différence majeure selon les âges, mais des différences selon le niveau de diplôme. Plus le niveau d'éducation est élevé, plus le besoin de connaissance augmente.
Où recherche-t-on les informations ? Internet est un passage obligé, puisque 98 % des personnes concernées ont recours à un moteur de recherche et 96 % à site spécialisé sur le sujet de leur recherche. Mais les dictionnaires n'ont pas été rangés au grenier : 92 % des répondants continuent en effet à en consulter. Mais là où le bât blesse, c'est qu'ils sont consultés beaucoup plus épisodiquement qu'Internet. Ainsi, 87 % des sondés consultent-ils «systématiquement» ou «souvent» un moteur de recherche sur Internet. Mais ils ne sont que 41 % à le faire aussi régulièrement pour un dictionnaire ! Idem pour Wikipédia : 44 % le consultent «systématiquement» ou «souvent». Ils sont seulement 24 % à faire de même pour une encyclopédie traditionnelle.
Rapidité plutôt que fiabilité
Serait-ce qu'Internet serait jugé plus fiable ? Pas vraiment... Quand on leur demande d'évaluer chacune des sources d'information disponibles, les internautes plébiscitent le livre. Ainsi, sur une note de 1 à 10 (1 signifie qu'elle donne une information très peu fiable, 10 qu'elle donne une information très fiable), ce sont les dictionnaires qui décrochent la première place avec 8,56. Les encyclopédies suivent de près avec 8,51 et les livres spécialisés avec 8,33. Les moteurs de recherche obtiennent 7,38 tandis que le site Wikipédia ne se voit attribuer que 6,62. Les sources traditionnelles sont donc jugées plus fiables. Mais la rapidité est manifestement plus importante que la fiabilité. C'est le paradoxe de notre époque. Les usagers savent que l'information qu'ils recueillent n'est pas totalement sûre, mais ils sont pressés d'obtenir leurs réponses. D'où leur priorité donnée à Internet...
Dans ce contexte, l'avenir appartiendrait-il aux moteurs de recherche humains, tels Yahoo ! Answers ou Aardvark ? Ces services proposent d'interroger la communauté internaute afin de trouver rapidement la réponse à des questions parfois très spécifiques. Une encyclopédie live, en quelque sorte... Même s'ils les perçoivent encore aujourd'hui comme d'une fiabilité limitée (note de 4,4), un quart des individus y ont recours quand ils ont besoin d'informations précises. Un signe pour l'avenir ?
REMY OUDGHIRI, DIRECTEUR DU DEPARTEMENT TENDANCES ET PROSPECTIVE, IPSOS MARKETING