Formation continue: l'ascenseur professionnel
Booster sa carrière, affiner le dessin d'une progression professionnelle, acquérir une double compétence, se donner les moyens dévaloriser son expérience à l'étranger... Pour les cadres marketing, quelle que soit leur fonction, la formation continue fait figure d'accélérateur dans une évolution choisie de carrière. Le «droit individuel à la formation» (Dif), mesure phare de la réforme de la formation professionnelle de 2004, en fait une «obligation nationale»: tout salarié peut prétendre à 20 heures par an, cumulables sur six ans. On estime que la mise en pratique des dispositions légales porterait son impact à plus de 2% de la masse salariale des entreprises. Reste à faire son choix dans une palette générique de labels certes assez restreinte, mais parmi une diversité astronomique de fournisseurs.
La lisibilité de l'offre figure d'ailleurs au rang des priorités des grands organismes spécialisés. A l'image de la Cegos: «Nous avons opéré un recentrage de l'offre autour des grands fondamentaux du marketing: direction et management, marketing stratégique, marketing appliqué, marketing opérationnel», souligne Nathalie Van Laethem, responsable des formations marketing. Une offre plus lisible, des intitulés simplifiés, un corpus global consolidé. Et ce, pour répondre aux attentes d'une clientèle décidément toujours plus demandeuse de stages opérationnels et en phase avec la réalité de leurs entreprises et leurs marchés.
NATHALIE VAN LAETHEM (CEGOS):
«NOUS AVONS OPERE UN RECENTRAGE DE L'OFFRE AUTOUR DES GRANDS FONDAMENTAUX DU MARKETING.»
Accéder au management
Mais pour les professionnels du marketing qui souhaiteraient s'orienter vers une formation «lourde» et véritablement structurante pour leur évolution de carrière, vers quel cursus de troisième cycle s'orienter? Tout dépend du niveau de départ et de celui où l'on placera le curseur de progression. Master professionnel, mastère spécialisé ou MBA? Un troisième cycle décroché en formation continue, c'est un tremplin de progression dans une direction bien définie. Bref, il doit venir servir un projet bien défini, en cohérence avec le parcours antérieur. Car un diplôme seul ne propulsera personne en haut de l'affiche. Par ailleurs, la qualité des expériences, les responsabilités exercées et le dessin de la progression professionnelle constituent les principaux critères d'admission dans une formation de niveau bac+5.
Les anciens DESS, rebaptisés masters professionnels sous l'impulsion de la réforme LMD, fonctionnent comme des outils de validation des responsabilités acquises sur le tas, et/ou comme des tremplins d'accès au niveau cadre. Coeur de cible: des cadres ou des techniciens expérimentés qui exercent une fonction de management intermédiaire sans avoir le diplôme requis. Ils peuvent également être un instrument dans la recherche d'une double compétence, dans le cas, par exemple, de chefs de projet ou chefs de produit souhaitant évoluer vers le management en se formant à la gestion via un master en administration des entreprises.
Plus pointus que les masters obtenus à l'université, les mastères spécialisés (MS), formations de niveau bac+6, ne sont pas des diplômes, mais des cursus labellisés par la Conférence des grandes écoles. Dispensés par les business schools, ils visent le perfectionnement des cadres dans un domaine d'expertise lié à leur fonction. Le groupe ESC Dijon-Bourgogne ouvrira ainsi en octobre une nouvelle formation supérieure: le «MS marketing alimentation santé». Le but? Répondre aux besoins des entreprises du secteur agroalimentaire en général, mais aussi aux entreprises regroupées dans le pôle de compétitivité bourguignon «Vitagora goût - nutrition - santé», dont plusieurs sont d'ores et déjà partenaires du MS. Accréditée par la Conférence des grandes écoles, la formation débutera par six mois de cours (dont un cinquième dispensé en anglais) et fera la part belle aux travaux en groupe.
Les MS sont bâtis en fonction des besoins des entreprises, lesquelles participent souvent à l'élaboration des programmes.
Ce type de partenariat existe également dans certains MBA, à l'image de l'Audencia Stryker MBA, spécialement mis en place à Audencia Nantes Ecole de Management pour la filiale française de Stryker Corporation, spécialiste mondial de l'orthopédie. Le MBA a accueilli début mars sa deuxième promotion: une quinzaine d'étudiants (managers au sein des directions de division, des directions marketing et commerciales ou des directions développement produits)inscrits pour un programme intensif de dix-huit mois. Le MBA intègre en parallèle des enseignements fondamentaux en management, un accompagnement adapté à l'environnement de Stryker et à la mise en oeuvre de projets propres à la société. Les professeurs permanents d'Audencia sont impliqués dans le programme, non seulement pour animer les cours mais également pour assurer le coaching des projets identifiés par Stryker.
Tout comme le mastère spécialisé, le MBA (master of business administration) n'est pas un diplôme. Il s'agit d'un label de management international dédié aux cadres à fort potentiel désireux de progresser vers des postes de haut management et de direction d'entreprise, en France ou l'étranger. S'il s'agit déformations généralistes, certains programmes proposent, sous forme d'option, une spécialité (luxe, vin, conduite du changement lié à l'innovation technologique, management du conseil...).
GEORGES LEWI (CELSA-LA SORBONNE):
«FAIRE COHABITER LES TECHNIQUES DU MANAGEMENT AVEC DES DISCIPLINES ISSUES DES SCIENCES HUMAINES: IL Y A LA UNE VERITABLE OPPORTUNITE D'ENRICHISSEMENT.»
Bulles d'expertise à Reims management school
Créée en juin 2006 au sein de Reims management school (RMS), la chaire «champagne» se veut à la fois un laboratoire et un outil stratégique de formation en «management des vins et du Champagne» des futurs acteurs du marketing, de la commercialisation et de la distribution du Champagne à l'échelle internationale. RMS va mettre en place des modules de formation continue destinés aux cadres des maisons de Champagne et aux dirigeants d'exploitation vinicole. Une majeure de spécialisation en management sera progressivement ouverte aux étudiants de plusieurs programmes de formation de RMS. Enfin, un «summer programme» de trois semaines en management des vins et Champagne pourrait ouvrir dès l'été. Ce stage de formation, proposé à une trentaine déjeunes professionnels et étudiants en fin de master, sera axé sur le management généraliste dans le domaine des vins, le développement du tourisme vinicole entre autres.
A terme, un mastère spécialisé pourrait être créé.
Des prix très variables
Quels sont les niveaux requis pour pouvoir prétendre à ces trois labels de troisième cycle? En principe, pour postuler en dernière année de master, un niveau bac+4 s'avère nécessaire. Quant au MS, il faudra pouvoir se prévaloir d'un niveau bac +5 (diplôme de commerce). Dans la pratique, cependant, les universités et écoles assouplissent les modalités d'accès en formation continue. Grâce à la VAE (validation des acquis de l'expérience), il est possible de sauter des étapes et d'envisager d'entrer en dernière année de master, armé d'un simple bac+2 dès lors que l'on peut justifier d'une expérience professionnelle probante. Même dérogation du côté des mastères spécialisés: la Conférence des grandes écoles réserve 30% des places à des cadres à niveau bac+3, riches d'une expérience de dix à quinze ans.
Autre critère à retenir dans le choix d'une formation continue: le réseau des anciens. Au vu des prix parfois astronomiques des programmes proposés par les business schools, les candidats peuvent légitimement attendre une palette de prestations périphériques, parmi lesquels la taille, la couverture, l'organisation, l'influence du tissu des anciens diplômés revêtent une importance réelle. Les écoles mettent d'ailleurs toutes en avant cette dimension, beaucoup allant jusqu'à réserver sur leur site web un mini site dédié aux anciens. Y compris aux anciens des programmes déformation continue. La communauté des anciens de l'executive MBA d'ESCPEAP compte ainsi 1 500 adhérents. Elle est organiquement constitutive du réseau des anciens d'ESCP-EAP, tous programmes compris, soit 27 000 personnes (120 euros de cotisation annuelle). En 2005 est né le «Club MBA»: conférences, rencontres interpromotionnelles, interventions dans les cours du MBA.
Mais le choix de formation continue entre les différents parcours de troisième cycle disponibles pourra aussi se trouver directement inféodé aux prix proposés par les différentes écoles et universités. Un master oscille entre 2 000 et 8 000 euros, un mastère spécialisé entre 5 000 et 18 000 euros selon le prestige du campus. Pour un MBA, il faudra compter entre 15 000 et 85 000 euros. De façon générale, on constate une double tendance dans la définition des programmes de troisième cycle des universités ou écoles de commerce en matière de formation continue. Premièrement, les cursus cherchent à recentrer les enseignements sur les fondamentaux identitaires et culturels des écoles, afin de revaloriser des expertises reconnues et de renforcer un savoir-faire, tout comme on revendique la légitimité d'une marque. «Nous avons choisi de repositionner nos programmes en les départissant d'une approche trop technologique pour les recentrer sur nos fondamentaux», précise Emmanuel Métais, responsable des programmes internationaux de l'Edhec.
EMMANUEL METAIS (EDHEC):
«NOUS AVONS CHOISI DE REPOSITIONNER NOS PROGRAMMES POUR LES RECENTRER SUR LES FONDAMENTAUX DE L'EDHEC.»
Faire cohabiter management et sciences humaines
Ce souci traduit précisément la teneur du MBA «management, communications et sociétés» mis sur pied, en 2006, par le Celsa et l'université de Paris-Sorbonne. «La formule est particulièrement intéressante en ce qu'elle fait cohabiter les techniques du management, aujourd'hui bien connues, avec des disciplines issues des sciences humaines. Il y a là une véritable opportunité d'enrichissement», explique Georges Lewi, directeur de BEC-Institute, qui pilote les 50 heures de marketing du nouveau MBA. Il faut dire que le corps professoral est assez différent de ceux généralement constitués dans le cadre des MBA de gestion. Notamment en raison de l'intervention de professeurs de l'université Paris-Sorbonne, reconnus pour leur contribution scientifique dans la connaissance des sociétés, des cultures et des civilisations: historiens, géographes, philosophes, anthropologues, sémiologues, spécialistes des civilisations étrangères, des religions, des sciences de l'information et de la communication...
La culture générale alliée à une réelle maîtrise des enjeux stratégiques et opérationnels rencontrés par les entreprises. Car, et c'est la deuxième tendance dans la définition des enseignements, les étudiants inscrits dans le cadre de cursus en formation continue attendent aussi des témoignages et de l'expérience. Une tendance universelle, qui s'affirme même sur les grands campus américains, si longtemps dominés par le concept et la recherche scientifique. «Une grande partie de nos professeurs siègent aux conseils des grandes entreprises et/ou sont consultants», confirme Arnold Longboy, directeur du recrutement de Chicago GSB.
Iseme, la formation à l'heure européenne
En 2006, 38 lauréats sont sortis de la première promotion de l'Iseme, école de commerce européenne de l'ESCEM (Groupe école supérieure de commerce et de management). L'école, dont la vocation est de former aux affaires européennes, recrute au niveau bac et conduit à un diplôme de niveau bac + 3.
Aux termes des sept semaines de cursus, les diplômés peuvent se prévaloir d'une expérience à l'étranger, d'une année d'expérience en entreprise et d'une compétence professionnelle affirmée. Les quatre premiers semestres sont consacrés à l'acquisition des fondamentaux du commerce et de la gestion, au développement des compétences linguistiques et à l'ouverture culturelle, via des séminaires thématiques de culture générale et européenne et des ateliers de développement personnel. Le cinquième semestre est celui de l'immersion dans une université étrangère. Les étudiants peuvent choisir une destination parmi l'une des 16 universités partenaires de l'Iseme en Allemagne, Espagne, Etats-Unis, Finlande, Irlande, Islande, Italie, Mexique, Portugal et Royaume-Uni.
Enfin, les sixième et septième semestres personnalisent et consolident le parcours en alternant les cours de spécialité à la carte, un mémoire tutoré et un stage long en entreprise en France ou à l'étranger. A l'Iseme, 40% des diplômés ont signé un contrat avant d'obtention leur diplôme.