Forces de vente supplétives : le vent en poupe
Le besoin de flexibilité et d'optimisation des entreprises, leur besoin de réactivité sur des marchés en mutation, la réduction des forces de vente interne et leur recentrage sur les comptes clés : autant de facteurs qui concourent à la bonne santé du marché des forces de vente supplétives. Qui ont gagné en expertise, savoir-faire et conseil.
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Segment le plus porteur et le plus stratégique de l'action commerciale
terrain, la force de vente externalisée est un marché pesant environ 100 ME en
2003, en croissance de 15 % par an depuis plusieurs années, selon le Sorap, le
syndicat des professionnels de l'action commerciale terrain. C'est le segment
le plus dynamique du périmètre Sorap qui inclut également l'animation, le
merchandising, l'audit, les hôtesses, l'événementiel, puisque le chiffre
d'affaires des adhérents, dans leur ensemble, ne progresse que de 5 %.
Leader
sur le marché de la force de vente externalisée, CPM détient 18 % de part de ce
marché et réalise près de 40 % de son chiffre d'affaires avec cette activité.
Une activité qui a progressé de 30 % en 2004. « Nous tirons la croissance de ce
marché et, on peut désormais dire que la force de vente externalisée est passée
dans les mœurs. Avant, on en parlait beaucoup et on en faisait peu.
Aujourd'hui, on en parle beaucoup, mais on en fait aussi beaucoup », se
félicite Fabrice Pierga, directeur général adjoint de CPM.
Si, il y a encore deux ans, les directions générales se posaient plutôt comme
question “Pourquoi externaliser ?”, aujourd'hui, celle-ci est devenue: “Qu'est
ce que je peux ou dois externaliser ? Et quelles sont les limites ?” Avec un
cahier des charges très poussé et une attente de valeur ajoutée. « Nous
réalisons 80 % de notre chiffre d'affaires forces de vente avec des missions
permanentes et 20 % avec des opérations commandos, précise Véronique Motte,
directeur général adjoint de CPM. Et les deux activités sont en progression.
Nos clients externalisent des projets avec des hommes, du marketing, une
logique CRM et sont en attente de prestataires très professionnels qui puissent
les conseiller sur leur stratégie d'entreprise comme sur l'opérationnel.
D'ailleurs, nous faisons de plus en plus de tests avec des scenarii. »
Numéro deux du marché, B&W connaît lui aussi une progression à deux chiffres de
son chiffre d'affaires en forces de vente supplétives, qui s'est élevé à 12 ME
en 2004. Même tendance pour Ajilon Sales & Marketing, ou pour Circular Pro
Vente (+ 34 % en 2004).
« C'est un marché qui croîtra à deux chiffres pendant encore trois à cinq ans
», prédit Jean-Claude Montaudoin, directeur associé de Circular Pro-Vente. Que
l'on soit en conjoncture positive ou négative, le besoin en forces de vente
supplétives existe : en conjoncture favorable, les entreprises ont des besoins
supplémentaires, car elles investissent davantage ; en conjoncture défavorable,
elles sont en recherche d'optimisation et de flexibilité. Dans les deux cas,
les relations évoluent vers plus de partenariat.
La proximité sous toutes ses formes
En moyenne, les deux tiers du marché sont réalisés sur des missions de forces
de vente permanentes et le reste sur des opérations commando. Ces dernières
deviennent typiquement saisonnières. Sur des réseaux qui sont moins visités
(les petits supermarchés, par exemple), les “commandos” se font de manière
récurrente, un compromis entre le permanent et le commando. « Les comptes clés
restent chez le client et sont visités par la force de vente interne, remarque
Fabrice Pierga. Mais toute l'activité à plus faible valeur ajoutée, du
garnissage de linéaire au relevé de prix, en passant par le merchandising, la
mise en avant, la résolution des problèmes de logistique et d'administration
des ventes, peut être externalisée. »
En cinq ans, la population des vendeurs a
été réduite de 40 % en France, au prétexte que les grands comptes modifient
leurs process d'achat. Or, constate également Fabrice Pierga, « jamais les
grandes enseignes et les clients indépendants n'ont réclamé autant de proximité
de la part de leurs fournisseurs, autant de conseil et de plans personnalisés,
c'est-à-dire individualisés à leur positionnement et à leur chalandise. Et
jamais, non plus, les circuits longs, qui exigent une pression commerciale
forte, n'ont été aussi porteurs de développement. » Conséquence : les forces de
vente supplétives travaillent de plus en plus les circuits de proximité
(stations-service, petits supermarchés, boulangeries, pharmacie, CHR, etc.) que
les grandes marques connaissent peu ou mal, mais aussi la vente aux
particuliers, le B to B.
Des investissements lourds
Longtemps réservée aux PGC, la force de vente supplétive est aujourd'hui au
cœur du développement des entreprises de haute technologie qui ont découvert
l'externalisation il y a cinq ans (téléphonie, informatique grand public, etc.)
pour leur plus grand bien. DMF dispose d'une centaine de commerciaux qui font
du porte-à-porte (c'est notamment un circuit de développement très fort pour
Canal +).
Ajilon a lancé en 2004 une nouvelle offre, une force de vente
permanente mais mutualisée pour visiter les réseaux secondaires. « Les forces
terrain restent indispensables pour les nouveautés et les promotions, néanmoins
leur rôle a changé parce que la distribution est en attente de visites
régulières et de relations humaines agréables, explique Bruno Rechard,
directeur marketing et développement de B&W Marketing Group.
Commercial terrain : une multiplication de profils
«Le commercial terrain devient un conseiller, un garant des accords, un
collecteur d'informations, axé sur la revente, ce qui nécessite de repenser
l'organisation commerciale sur le terrain et milite en faveur de
l'externalisation qui s'inscrit davantage dans la durée.», précise Bruno
Rechard. Les profils se multiplient, ils vont du promoteur des ventes, qui a
une mission de PLV, à l'ingénieur des ventes qui réalise des quotations et
conclut des contrats. « Ce ne sont pas les mêmes profils d'hommes, ni les mêmes
niveaux», souligne Jean-Claude Montaudoin.
Les sociétés prestataires de forces
de vente supplétives accordent donc une importance accrue au recrutement et à
la formation. « Le fait que les entreprises nous confient des missions
permanentes nous permet d'investir dans les gens, de les embaucher en CDI, de
s'attacher les meilleurs, d'investir en formation et en informatique », ajoute
Jean-Claude Montaudoin. « Le recrutement est la première pierre de l'édifice »,
souligne Roderick Lançon, directeur commercial d'Ajilon Sales & Marketing.
Dernier domaine où les prestataires ont procédé à de lourds investissements
récemment : les outils d'aide à la vente (call center, fax, etc.) et de
reporting (Pocket PC, site web…) Des outils tellement performants pour certains
que les clients les adaptent à leurs propres forces de vente internes.
Coach : un nouveau métier
Dans les réseaux de distribution spécialisés, une nouvelle race de vendeurs-animateurs voit le jour : les coaches. Nokia a ainsi fait appel à CPM pour créer et développer son réseau d'après-vente. Nokia offre à tous les acheteurs d'un téléphone de sa marque de devenir membre du Club Nokia et ces derniers peuvent se rendre à tout moment dans un point de vente signalé Point-Service Club Nokia (150 environ en France) pour modifier les fonctions de leur appareil, l'accessoiriser, l'entretenir ou le faire réparer.
CPM a créé une équipe de coaches, qui visite chaque magasin et forme un ou plusieurs employés au diagnostic Nokia, installe le matériel nécessaire pour un diagnostic, met en place la signalisation ou l'identification du magasin et prépare avec son responsable le modèle de rémunération du service, pour qu'un clubiste Nokia dont l'appareil est sous garantie ne soit pas facturé, et pour que les prestations complémentaires aient un coût harmonisé.
« Ainsi les animateurs du réseau ne sont plus des vendeurs ni des prospecteurs, mais des coaches qui forment, qui apportent une assurance technique, et qui développent les ventes», remarque Olivier Delavaud, en charge du programme King Coach chez CPM.
Electronic Arts : externalisation en évolution
En France, le leader des jeux vidéo, Electronic Arts (EA), externalise en partie sa force de vente. « Dans le domaine du jeu vidéo, l'activité est saisonnière, souligne David Neichel, directeur commercial d'Electronic Arts. Le dernier trimestre de l'année représente une part conséquente de notre chiffre d'affaires annuel avec une préparation qui se fait de plus en plus en amont sur le terrain. Nous ne souhaitons pas répondre à de telles variations avec nos seules ressources internes. » La force de vente interne d'Electronic Arts (1 chef de vente et 8 commerciaux) a pour mission de visiter les 375 clients des réseaux spécialistes ou de la grande distribution et de prendre les commandes dans les enseignes pour lesquelles il y a livraison directe au point de vente.
« Dans nos métiers, tout ce qui provoque l'achat d'impulsion est essentiel, poursuit David Neichel. La force de vente supplétive travaille comme des “commerciaux bis” et nous permet d'augmenter la fréquence de couverture et de démultiplier notre présence sur un territoire. Elle intervient également sur des activités à plus faible valeur ajoutée pour nous, comme le merchandising. Au plus fort de nos besoins, nous utilisons jusqu'à 50 à 60 personnes en supplément. »
Depuis deux ans, Electronic Arts travaille avec B&W. « Ils ont un très grand savoir-faire et notamment, pour la communication à distance avec les magasins (Numéro Vert, “turbo fax”, serveur vocal). Nous avons mis en place ce dispositif pour des magasins qui reçoivent moins de visites et nous avons eu des retours extrêmement positifs. B&W fait également des rappels téléphoniques sur les titres qui sortent. Dans notre métier, nous ne pouvons admettre de retard au moment de la sortie d'un nouveau jeu. B&W nous apporte de plus en plus de flexibilité et de réactivité.
Par exemple, si, en plein mois de novembre, un magasin a un problème de rupture de stocks ou d'insuffisance de PLV, il appelle le N° Vert géré par B&W, qui envoie un SMS sur le portable de notre commercial interne qui déclenche immédiatement l'action appropriée. B&W dispose également de très bons outils de reporting, qui nous inspirent pour notre propre force de vente interne. » Electronic Arts réfléchit actuellement à un nouveau modèle, qui consisterait à apporter une vraie continuité avec une force ce vente supplétive tout au long de l'année.
Ils parlent de leurs missions
Stéphane Dufour (Circular) :
«Cinq portes poussées, cinq contrats»
«Tout au long de l'année, sur mon secteur - la Picardie -, je viens en aide aux souscriptions auprès des PME/PMI commerçants pour tout ce qui est rattaché à la téléphonie fixe et à l'ADSL pour Cegetel, explique Stéphane Dufour, chef de secteur chez Circular. Je procède par rendez-vous préparés par Circular Pro-Call mais également en porte-à-porte auprès des commerçants et artisans. Aujourd'hui, par exemple, j'ai poussé cinq portes et j'ai signé cinq contrats.
Au début, j'avais plus de mal à concrétiser mes visites, mais fort de mon expérience, j'ai réfléchi sur la meilleure façon d'améliorer mon rendement.» Rattaché à un chef de région, qui passe une journée avec ses chefs de secteur tous les quinze jours, Stéphane Dufour rencontre Cegetel lors d'un séminaire annuel où il prend connaissance des nouvelles offres et des nouveaux services, sans oublier de prendre en compte les priorités de l'entreprise. Plusieurs fois au cours de l'année, avec deux ou trois autres chefs de secteur, Stéphane Dufour accompagne son chef de région pour une opération commando (encore appelée “opération rendement”) dans une ville considérée comme stratégique par Cegetel pour son développement.
Stéphane Armany (Circular) :
«Nous sommes les représentants de la marque»
Commercial chez Circular pour une grande marque alimentaire, Stéphane Armany a pour mission de visiter un univers de magasins afin d'y développer la part d'offre et de linéaire de la marque. « A partir du moment où nous sommes sur le terrain, nous sommes les représentants de la marque même si nous sommes employés de Circular, et c'est ce qui me plaît, explique-t-il. Je voulais trouver un métier de commercial sur la route qui me permette de travailler pour plusieurs grandes marques tout en restant chez le même employeur.»
Si la force de vente interne de la marque s'occupe des grands comptes et de la grande distribution, Stéphane Armany et ses 23 autres collègues de chez Circular travaillant sur cette marque, visitent les supermarchés et les magasins de proximité. « Nous avons un panel d'environ 350 magasins que nous visitons sur des cycles d'un mois par micro-tournées d'une vingtaine de magasins, soit huit points de vente par jour. »
Tous les mois, une réunion avec les autres représentants et les cadres Circular fait le point sur les activités. Après les réunions, des sketches de vente sont organisés à partir des difficultés rencontrés, suivis d'une formation sur la vente et une formation sur la marque. Après deux ans en tant que commercial pour la même marque, Stéphane Armany vient d'être nommé par Circular, à 33 ans, chef de vente sur le sud de la France.