Extensions de marque : les risques cachés...et comment les eviter
Pas d'innovation sans risque : pourtant, il n'y a rien de pire que de parier sur un choix “facile” et de se tromper. Forte d'une expérience quantifiée sur plus de 20 000 cas, RI livre ici une analyse des raisons d'échec des extensions de marque. Et quelques clés pour maximiser les chances de succès.
Depuis quelques années, les nouveaux produits sont majoritairement lancés
sous des marques existantes. Dans les années 90, le marketing s'est attaché à
comprendre les leçons essentielles du branding. Maintenant, il s'agit
clairement de savoir jusqu'où une marque peut étendre son territoire, dans de
nouvelles catégories de marché. Résultat ? Une avalanche de nouveaux produits,
mais très peu de marques nouvelles. Seuls 2 % des directeurs marketing estiment
qu'ils lanceront probablement une nouvelle marque dans les années à venir, et
seulement 15 % des projets d'innovation faisant l'objet d'un test de potentiel
font entrer en scène une nouvelle marque. Plus inquiétant : les extensions de
marque, qui sont effectivement lancées sur le marché suite à un test de
potentiel, n'ont pas obtenu de meilleurs résultats lors de ces tests que les
extensions qui n'ont pas été lancées… Tout se passe donc comme si les sociétés,
tellement sûres du succès des extensions de marque qu'elles prévoient de
promouvoir, ignoraient les conclusions des études menées préalablement au
lancement. Cette attitude peut s'expliquer par l'impression de sécurité donnée
par la puissance de la marque mère, et la confiance que l'on peut avoir dans sa
capacité à générer de la demande consommateur sur un nouveau produit. L'aspect
financier entre également en ligne de compte. On considère généralement que
promouvoir un nouveau produit, sous une marque existante, est moins coûteux et
moins risqué que de le lancer sous une nouvelle marque que l'on devrait
construire ex nihilo. Et si ce n'était qu'une théorie ? Il n'y a pas de
lancement sans risque : extension ou pas, la majorité des lancements échoue. Et
d'ailleurs, l'examen des bases de données de Research International montre que
les lancements d'extensions de marque échouent en moyenne plus que les produits
lancés sous de nouvelles marques. Ce qui est confirmé par une étude d'Ernst &
Young selon laquelle la proportion de lancements arrêtés après un an est plus
importante pour les extensions que pour les nouvelles marques.
La différenciation : un facteur déterminant
Quelles sont donc les
principales raisons d'échec des extensions ? Il est facile de se laisser
séduire par les intentions d'achat et d'oublier que le produit doit se
différencier. Certes, les extensions de marque recueillent en test de
meilleures intentions d'achat que les produits proposés sous de nouvelles
marques (+ 12 % en moyenne), et cet indicateur est souvent pris comme un bon
présage de leur succès sur le marché, en même temps qu'un prétexte pour fermer
les yeux sur les autres. Mais un autre critère primordial doit aussi être pris
en compte : la capacité du produit à se différencier de l'offre existante. La
différenciation est un facteur déterminant dans la prévision des volumes… Or,
la majorité des extensions ne sont pas considérées comme suffisamment
“nouvelles et différentes” par les consommateurs. Mais ceux-ci les apprécient,
non ? Pas tout à fait… Dans le cas d'un produit lancé sous une nouvelle marque,
c'est parce qu'ils aiment le produit que les consommateurs vont l'essayer. En
revanche, pour une extension, la corrélation entre appréciation et essai est
bien moindre. Ce n'est donc pas parce qu'ils aiment le produit qu'ils vont
l'essayer, mais plutôt parce qu'ils connaissent la marque et lui font
confiance, ce qui ne garantit en aucun cas le ré-achat et le succès à long
terme du produit. Cette aura de la marque mère est d'ailleurs pour certaines
sociétés une “excuse” pour mettre sur le marché un produit d'une qualité
moyenne, en tout cas inférieure à ce que serait celle d'un produit nouveau
lancé sous une nouvelle marque. Ceci peut avoir des répercussions sur la marque
mère : le lancement d'une telle extension, envisagé au départ comme une
opération à risque limité, peut en réalité compromettre la marque tout entière
!
Manque de soutien marketing
Budgets inférieurs,
performances moindres des communications… les extensions de marque ne
bénéficient pas du support publi-promotionnel qu'elles méritent. Une des
raisons fréquentes de leur échec est bel et bien le manque de soutien
marketing. Comme l'on compte sur la puissance de la marque mère,
l'investissement alloué est, en moyenne, deux fois inférieur à celui d'un
produit lancé sous marque nouvelle, souvent en espérant faire d'une pierre deux
coups et communiquer pour la marque mère. Mais, selon les données de Millward
Brown, les scores de reconnaissance des annonces publicitaires pour des
extensions de marque sont bien inférieurs à ceux des nouveaux produits lancés
sous de nouvelles marques. Ce score est même en moyenne deux fois moindre pour
une extension de marque que pour la marque mère ! En voulant communiquer
également pour la marque mère, on en vient à “oublier” le nouveau produit dans
le message.
Des risques au niveau du capital marque
Multiplier les extensions de marque - même réussies ! - peut fragiliser le
consensus existant autour d'une marque, et par là-même entamer son capital. En
effet, la force d'une marque se mesure en termes de performances fonctionnelles
et d'affinité émotionnelle. Les marques fortes reposent beaucoup sur cette
affinité, sur leur image et la relation qu'elles établissent avec le public et
avec leurs consommateurs. Et, plus une marque est forte, plus le consensus est
important sur les valeurs qu'elle véhicule. Au début des années 80, aux
Etats-Unis, la marque de dentifrice Crest était en difficulté. Elle proposait
alors une cinquantaine de références. Interrogés, des consultants ont suggéré :
“Aucune marque de dentifrice ne devrait avoir dans sa gamme plus de produits
que nous n'avons de dents dans la bouche”. En suivant ce conseil et en
recentrant son offre, Crest a regagné des parts de marché. Tous les jours, des
extensions de marque réussissent, mais la plupart échouent. Linus Pauling, prix
Nobel, disait : « Pour avoir de bonnes idées, il faut en avoir beaucoup, et
jeter les mauvaises »… Autant jeter les mauvaises avant de les lancer sur le
marché !
Démarche
Comment mettre toutes les chances du bon côté… - Capitaliser sur les valeurs de la marque mère. - Comprendre les leviers de performance de la catégorie d'extension pour maximiser la différenciation. - Investir sur une campagne publicitaire bien ciblée, à forte reconnaissance.