Eurostar, faute d'Humanité
Avouons-le. A priori, le trentième Grand Prix de l'Affichage, qui s'est
déroulé du 17 au 20 octobre à Fès (Maroc), n'avait rien d'excitant. Débarrassée
des campagnes fantômes - la pige Secodip avait été retenue comme mode de
sélection -, la cuvée 2003 ne laissait apparaître aucun réel favori. On
s'attendait donc à assister à des débats convenus sur la finalité d'un Grand
Prix, la nature même de l'affiche, les parti pris créatifs, graphisme versus
texte, on ne s'attendait certainement pas à suivre un procès. Ce fut pourtant
le cas. Oubliant qu'ils jugeaient une création, la majorité des 13 membres du
jury, constitués en Soviet suprême, ont voué aux gémonies la campagne de
L'Humanité ou plutôt le titre et son géniteur, le PCF. Le conclave, à défaut
d'élire un pape, a donc cultivé l'anathème en guise d'encyclique. Au nom de
l'histoire, au nom de la mémoire, les arguments englués de pathos ont fait fi
du choc graphique et visuel de la campagne signée Leg, de sa modernité
ambiguë. Stigmatisée et fusillée - « Cette campagne est formidable puisqu'elle
occulte complétement ce qu'est L'Humanité » (Vincent Leclabart - Australie) ; «
C'est une mauvaise pub pour la publicité, tant sa naïveté frise la bêtise »
(Christophe Lambert - Publicis) -, la campagne fut exclue du palmarès final
même si pour certains, « elle reste la campagne la plus forte et la plus
nouvelle de l'année » (Oliver Altmann - BBDP & Fils). Au final, ce débat
devrait en soulever un autre. Existe-t-il dans le monde merveilleux de la pub,
une place pour des marques, et L'Humanité en est une, qui ne soient ni une
grande cause, ni une certaine idée du bonheur pur ? Le 17 octobre, à trois
heures de Fès, une nuée de graffeurs maculait les affiches de pub dans le métro
parisien (Libération du 20 octobre). Estimant probablement, pour reprendre la
formule de Frank Tapiro (Hémisphère Droit), que « dans un monde idéal la pub
n'existerait pas »…