Enfants et pub : le divorce ?
“Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas” ou “Pour votre
santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé”… Voilà les messages
qui accompagnent désormais toutes les publicités de l'industrie
agro-alimentaire à la télévision, à la radio, dans les journaux, sur les
affiches ou les brochures de grande distribution. Sous peine d'acquitter une
taxe de 1,5 % de leurs dépenses de publicité au profit de l'Inpes (Institut
national de prévention et d'éducation pour la santé). Objectif : lutter contre
l'obésité. Et particulièrement contre le surpoids des enfants, qui concerne
près de 20 millions de petits Européens.
Au niveau mondial, plusieurs
entreprises du secteur agroalimentaire ont déjà pris des mesures volontaristes
concernant leur publicité adressée aux enfants. Ainsi, aux États- Unis, dix des
plus grosses firmes alimentaires (Kraft, Coca-Cola, General Mills, Mc-
Donald's, Pepsico, Unilever, etc.), qui comptent pour plus des deux tiers des
investissements pour les enfants, ont pris des engagements concernant leurs
communications envers les moins de 12 ans : consacrer la moitié de leurs
investissements publicitaires à des produits plus sains ou à la promotion d'une
meilleure alimentation, limiter l'utilisation du licensing, etc. En Europe,
certaines marques ont été jusqu'à s'interdire toute communication envers les
plus jeunes. Comme Kraft Jacob Suchard qui a renoncé à tout investissement
publicitaire à la télévision, la radio et dans les magazines pour les campagnes
concernant les moins de six ans. De même, en France, McDo ne devrait plus
diffuser de publicité pendant les programmes matinaux pour enfants à partir
d'avril.
Une relation de cause à effet ?
Partout, la
réglementation se durcit. Les états suédois et norvégiens ont fait figure de
précurseurs en interdisant toute publicité destinée aux enfants pendant les
programmes TV pour la jeunesse dès 1991… La Grande-Bretagne, où 22 % des
mineurs seraient victimes d'obésité selon l'OMS (Organisation mondiale de la
santé), vient à son tour de bannir toute publicité pour aliments trop gras,
trop sucrés ou trop salés des émissions destinées aux moins de 16 ans et des
programmes pour adultes attirant un large public jeune. Des mesures instaurées
sous la pression de l'Ofcom (l'autorité de régulation des télécommunications
britanniques) qui table sur un manque à gagner de 57 millions d'euros pour les
diffuseurs. Et qui irritent particulièrement l'industrie agro-alimentaire
jugeant ces dispositions “disproportionnées”. Selon celleci, en effet, aucune
relation ne serait clairement établie entre la publicité et l'obésité.
Au
Québec ou en Suède par exemple, où la promotion de la “junk food” a été
interdite en direction des enfants, le taux d'obésité chez ces derniers serait
resté inchangé et même supérieur à ce que l'on peut observer en France. Ce que
conteste l'UFC-Que Choisir qui, dans une étude publiée en octobre 2006, conclut
à une corrélation directe entre la consommation de produits gras et sucrés et
le temps passé devant la télévision.
Les enfants vont-ils devenir la cible
interdite des industries agro-alimentaires ? Pas vraiment, si l'on prend en
compte la dernière version de la directive “Télévision sans frontières”,
adoptée en première lecture par le Parlement européen. Celle-ci élargit, en
effet, le champ de diffusion de la publicité télévisée. Contrairement aux
amendements qui avaient été proposés, les députés se sont prononcés pour
l'autorisation des coupures publicitaires toutes les 30 minutes (au lieu des 45
actuelles), y compris dans les programmes pour enfants et pour les industries
agro-alimentaires invitées à adopter un code de conduite volontaire. Reste à
savoir si le Conseil européen suivra cette position.