En route pour l'écopack attitude!
Premier média entre le consommateur et la marque, le packaging est de plus en plus controversé. Jugé trop envahissant par les Français, il doit désormais se réinventer. Avant que la réglementation ne s'en mêle.
Je m'abonneEn mars dernier, sur des affiches de la mairie de Paris, des canettes et des emballages ménagers gisaient sur une banquise avec un slogan accrocheur: «Inacceptable? A Paris aussi!». Au-delà d'une énième dénonciation d'incivilité, c'est le packaging qui était montré du doigt par les pouvoirs publics en raison de son impact sur l'environnement. Certes, comme le souligne Sophie Romet, directrice générale de Dragon Rouge, «le packaging a bon dos. On lui donne le rôle de pollueur parce qu'il est visible», mais la chasse au suremballage commence à trouver un écho chez les Français, même s'il ne se traduit pas encore dans leurs actes d'achat. En effet, selon un sondage TNS réalisé en 2008 pour l'Ademe et Eco-emballages, les consommateurs français considèrent l'emballage comme «envahissant, il y en a partout» (47% contre 23% en 2000) et que l'on «pourrait s'en passer» (37% contre 11% en 2000). Sa fonction de protection et de transport - pourtant essentielle - n'est citée que par 41% des sondés alors qu'ils étaient 61% à le faire sept ans auparavant. Tous les secteurs sont touchés par cette perception d'emballage excessif, mais deux d'entre eux émergent particulièrement: l'alimentaire et l'entretien.
L'heure est donc venue pour les marques de se pencher sur la question. Or celles-ci en sont encore davantage au stade de la réflexion que de l'action. Certes, selon les différentes agences de design interrogées, l'aspect environnemental est de plus en plus intégré dans les briefs des annonceurs. Mais il est encore loin d'être un prérequis et la complexité du sujet (problème d'offre, filière de recyclage incomplète, prise en compte de l'ensemble de la chaîne de production, coût, etc.) en rend l'application difficile. «Nous avons de moins en moins la volonté d'étouffer le produit en l'emballant de trop de matière, mais on ne pourra pas non plus faire l'économie du packaging, d'autant plus en cette période de crise où le pack est un support de communication déterminant», souligne Loïc de Béru, directeur associé d'Euro RSCG 360 Design. Pour le moment, l'essentiel des efforts des entreprises porte sur la réduction du packaging qui leur est d'ailleurs imposée par la réglementation en vigueur. Ainsi, entre 1994 et 2006, les emballages ménagers ont baissé de 5%, passant de 4,6 à 4,4 millions de tonnes, tandis que la consommation mesurée par le PIB augmentait de 30 %. Dans leurs rapports de développement durable et même parfois sur leurs produits, les marques se sont lancées dans la course à la réduction du poids des emballages: Henkel déclare ainsi avoir réduit de 37% ses déchets sur les dix dernières années et annonce 10 % de plus avant 2012; chez Auchan, ce sont 3 900 tonnes qui ont été économisées sur les marques propres grâce à la suppression d'étuis ou «clusters», quand Coca-Cola se donne pour objectif de réduire de 10 000 tonnes ses emballages d'ici à 2010 et d'intégrer 25 % de PET (polyéthylène téréphtalate) recyclé dans ses bouteilles.
Loïc de Beru (Euro RSCG 360 Design)
«La culture de l'écoattitude commence à rentrer dans les moeurs mais, d'un autre côté, on multiplie les monodoses et les packs pour une consommation nomade...»
Un argument marketing?
Des actions qui ont aussi la grande vertu d'entraîner de nombreuses économies pour les entreprises et les distributeurs. Ces derniers «qui ont un rôle déterminant», selon Daniel Thorel, vice-président de l'Institut français du design et en charge du marketing alimentaire chez Auchan, poussent d'ailleurs de plus en plus leurs fournisseurs à aller dans ce sens, à l'image de WalMart ou d'Amazon. Car qui dit moins d'emballage dit également moins de matières premières, moins d'énergie nécessaire à sa fabrication, moins de camions pour le transport, etc. Mais, dans certains secteurs, la réduction d'emballage commence aussi à devenir un argument marketing. Depuis quelques mois, Garnier précise sur les packs de sa gamme Fructis que ses flacons pèsent 5,5 g de moins qu'il y a dix ans, un gain de poids qui représente 1 300 tonnes de CO
High-tech: un virage écologique difficile à négocier
Stratégie - Ecologie et high-tech font-ils bon ménage? Les marques multiplient les initiatives, mais peinent à trouver un modèle écoresponsable convaincant.
Aujourd'hui le monde du high-tech affiche sa prise de conscience écologique et revendique la maîtrise de son impact sur l'environnement. Réalité ou communication? L'enjeu commercial est, en revanche, bien présent et à la hauteur de l'intérêt que portent les consommateurs au développement durable. Chez Philips, les produits verts représentent en effet le quart du chiffre d'affaires (pour un marché total français de 19,5 MdEuros en 2008), et devraient atteindre 30% d'ici à 2012. Les marques communiquent donc sur leurs produits. En témoigne la dernière campagne publicitaire d'Apple pour son nouveau MacBook Pro, «Le MacBook le plus écolo jamais conçu». Une réponse aux fans qui ont activement participé à l'opération «Green My Apple», mais aussi un message fort à ses détracteurs. La marque avait, en effet, été épinglée par Greenpeace, dans la 8e édition de son guide du high-tech responsable (juin 2008). Avec ce nouvel ordinateur portable, i Apple revendique sa capacité à écoconcevoir ses produits.
Le mercure utilisé dans le rétroéclairage, et l'arsenic contenu dans le verre des écrans ont été bannis. Sa coque constituée d'un unique bloc d'aluminium (recyclable) remplace des dizaines de pièces individuelles. Disque dur et processeur ralentissent lorsqu'ils sont inactifs et l'écran baisse d'intensité lumineuse lorsque la pièce s'assombrit. La machine ne consomme plus que le quart de l'énergie d'une ampoule électrique de 60 W. Enfin, elle porte la mention «Gold», la plus haute distinction de l'Epeat (un outil d'évaluation environnementale des produits électroniques).
Un avenir high-tech responsable
Pour autant, concilier course à la technologie et écoconception apparaît presque antinomique. «C'est pourquoi nous ne parlons jamais d'éco-produits ou de produits respectueux de l'environnement», explique Mats Pellbärck-Scharp, responsable du développement durable chez Sony Ericsson, en tête du classement 2008 de Greenpeace. Ses produits, il préfère les appeler «GreenHeart» (esprit écologique), du nom de la gamme de mobiles lancée par la marque en mars dernier, écologiquement responsables «tout au long de leur cycle de vie». Boîtiers en plastique biodégradable, claviers en matière plastique recyclée, chargeurs économes en énergie... bref, un concentré de technologies nouvelles. Pour certaines marques, ces technologies permettent une meilleure gestion des déchets à travers une chaîne de recyclage performante et des matériaux plus adaptés. A l'instar de Samsung, dont le modèle E200 Eco dispose d'une coque fabriquée à partir d'amidon de maïs. Et, plus récemment, de son modèle Blue Earth composé d'un matériau recyclé à partir de bouteilles d'eau et dont les substances nocives ont été supprimées. Il se recharge grâce à des capteurs solaires, mais également via un chargeur classique plus «économe».
Mais ces produits sont encore bien souvent placés dans le haut de gamme des marques. Bien que certaines s'en défendent. Chez Nokia, «la composante environnementale est intégrée dans tous les appareils. C'est pourquoi nous n'avons pas de prix spécifiques à ces produits», précise Susan Smith, directrice de la communication monde de la marque. Le responsable du développement durable chez Sony Ericsson est, quant à lui, plus nuancé: «Il doit y avoir un équilibre entre l'investissement dans les technologies développées et les réductions de coûts inhérentes à l'amélioration des process de fabrication.»
La bonne foi des marques et leur volonté de bien faire sont évidentes. Les idées foisonnent, de nouvelles technologies apparaissent. Toutefois, le spectre du greenwashing est encore bien présent. Aux marques donc de prouver qu'elles n'utilisent pas ce procédé marketing et qu'elles proposent un modèle clair ainsi qu'une vraie vision d'un avenir high-tech responsable.
Le retour des vieilles recettes
D'une part, la réflexion sur le packaging est souvent englobée dans une démarche beaucoup plus large d'écoconception et, dans ce cas, «le surcoût entraîné par un matériau plus vert et souvent plus cher peut être compensé en revoyant tout le processus de production et de distribution», estime Anne Henry, planneur stratégique chez Extrême. De plus, un packaging ayant moins d'impact sur l'environnement n'est pas forcément plus cher, bien au contraire. En témoignent les recharges. Mises sur le marché il y a quelques années par des marques comme Nescafé ou Persavon, elles n'avaient alors pas remporté le succès escompté. Mais, aujourd'hui, elles ont un double intérêt: outre l'argument écologique, les marques peuvent aussi avancer un gain économique, un «plus» en cette période de crise. Ainsi Dove, Sanex, et bientôt Corine de Farme, proposent des écorecharges pour remplir leurs bouteilles de gel douche. Et des parfumeurs comme Givenchy ou Mugler ont lancé des petits berlingots ou des fontaines à parfum. Autre bonne vieille recette: la consigne, utilisée par la marque de cosmétiques Khiel's et même par certains distributeurs comme Leclerc dans deux magasins pilotes en Alsace. Le vrac fait aussi un retour remarqué chez Auchan, dans les Biocoop et supermarchés bio. La réflexion porte également sur la réutilisation de l'emballage. En premier lieu par le recyclage. Mais si le Grenelle de l'environnement s'est fixé comme objectif 75% d'emballages ménagers recyclés en 2012, des matériaux comme le PLA ou l'aluminium ne sont pas encore pris en charge en France. A l'étranger, la réutilisation directe de l'emballage est aussi étudiée. La marque de cosmétique canadienne Cargo enveloppe ainsi sa gamme PlantLove dans un packaging qui se plante et fleurit! Le cabinet de design durable Ciclus a, lui, conçu un packaging de bouteille qui se transforme en lampe (Cavallum) tandis que, sur son site, la marque d'eau en bouteille Plup incite les consommateurs à imaginer la seconde vie de la petite fiole en forme de donuts! Un concept qui lui permet aussi de vivre plus longtemps auprès de son consommateur...
Faire évoluer les comportements
Un consommateur qui doit donc changer ses propres habitudes. Car le Français, schizophrène, continue de plébisciter les produits surconsommateurs d'emballages, comme les produits traiteur, les fromages et les fruits et légumes préemballés. Il est accro aux monodoses, lingettes et autres packagings destinés à une consommation nomade. Il existe également des freins psychologiques que chacun de son côté s'empresse d'évoquer. Ainsi, chez Auchan, une étude a montré que le consommateur n'était pas prêt à délaisser le suremballage pour certains produits impliquants, comme la cosmétique. Une attitude confirmée par la marque Corine de Farme qui a réduit ses emballages sur les gels douche mais ne peut le faire sur ses crèmes de soin, «perçues alors comme des produits bas de gamme et moins sûrs», assure la directrice marketing, Dorothée Dehec. Pour autant, «le packaging plus respectueux de l'environnement ne pourra passer que par l'innovation, et donc le changement de comportement du consommateur», affirme Joël Desgrippes, directeur de création international de Brandimage. Déjà, certaines marques se risquent à proposer des packs jugés a priori peu compatibles avec le produit. Soléou vient ainsi de lancer une gamme d'huile d'olive dans des briques Tetra Pak. Une solution que la toute jeune société Drinkiz a aussi retenue pour son eau Aquapax, en faisant de son packaging écolo un argument de vente et de différenciation. Et si, en Angleterre, la petite bouteille est surtout vendue dans le circuit bio, en France, elle cartonne déjà dans les magasins et restos branchés. «Avant d'atterrir en GMS», espère le distributeur d'Aquapax en France, Alexis Vaillant.
Mais face à une offre encore trop pauvre, industriels et agences de design réfléchissent à de nouveaux concepts. Ainsi, le fabricant de verre SGD vient de mettre au point un verre «infini», 100% recyclé et 100% recyclable, et dont le design a été travaillé avec l'agence Extrême. Une petite révolution et un vrai défi sachant que ce verre est destiné à la parfumerie, un secteur où l'apparence des flacons est un critère d'achat important. «Pour l'instant, de nombreuses marques se sont montrées intéressées mais, pour transformer l'essai, il faudra attendre la mise sur le marché de nouveaux parfums, explique Catherine Descourtieux, directrice marketing de SGD. En effet, les marques ne pensent pas que leurs clientes seraient prêtes à accepter le surcoût induit par un matériau 20 à 30% plus cher qu'un verre classique.» Un surcoût certes, mais aussi un très bon vecteur de communication sur l'engagement durable des marques... «Les applications du design responsable peuvent devenir un atout inestimable pour la marque et augmenter sa valeur», renchérit l'agence Brandimage qui a travaillé sur un concept novateur. L'un de ses designers américains a imaginé la «360 paper water bottle», une bouteille en feuilles de palmier et bambou, encapsulant un film en PLA qui «éclôt» en se remplissant et qui s'ouvre en détachant le haut de la bouteille. Une nouvelle expérience pour le consommateur et une innovation qui a séduit plusieurs marques avec lesquelles l'agence est en pourparlers. «On pourrait la voir apparaître en rayon d'ici deux ans», prédit Joël Desgrippes. Un bon timing sachant que le 1er janvier 2011, tous les produits de grande consommation devront afficher leur impact environnemental et donc celui de leur emballage...
Catherine Descourtieux (SGD):
«Nous avons mis au point un verre 100% recyclé et 100% recyclable.»