Dove, la quadrature du cercle
Mégamarque, Dove l'est déjà. Ses ventes mondiales génèrent, selon une étude ACNielsen (1), 1,2 milliard d'euros. Ce résultat, aussi positif soit-il, peut cependant être amélioré. C'est l'objectif de sa dernière diversification. Après l'hygiène corporelle, la marque s'attaque au marché des produits capillaires, hors coloration.
Souvenons-nous. En février 2000, Unilever annonçait le lancement de sa
nouvelle stratégie : "Path to Growth" ou, en français, le chemin vers la
croissance. Une stratégie destinée à renouer avec la croissance et rassurer les
milieux boursiers sur les performances du groupe. Et qui devait se traduire par
la suppression pure et simple de quelque 1 200 marques dans un délai de cinq
ans. « Nous allons accélérer la croissance future au moyen d'un portefeuille
réduit de 400 marques leaders... Elles vont inclure des marques
internationales, telles que Dove, Lux, Lipton et Magnum, des positionnements
internationaux, comme Rexona/Sure et Axe/Lynx... Nous investirons un milliard
de livres supplémentaires en support marketing pour nos marques leaders »,
déclaraient ainsi le 22 février 2000, Niall FitzGerald et Antony Burgmans, le
binôme à la tête du groupe. Dans la foulée, Unilever annonçait la suppression
de 25 000 emplois dans le monde et la fermeture d'une centaine de sites
industriels. Quelque deux ans plus tard, force est de constater que les
restructurations industrielles suivent leur cours et que le nombre de marques a
été divisé par trois. Quant aux résultats financiers, ils sont en phase avec
les objectifs fixés. Le 19 décembre dernier, les dirigeants d'Unilever, malgré
l'essoufflement du dernier trimestre, annonçaient pour l'année 2001 une
croissance de 5 %. Bref, la stratégie des mégamarques mise en oeuvre semble
payante. Et Dove y fait figure de très bonne élève. Sur tous les marchés où
elle est présente, elle collectionne les bons points. En France, son chiffre
d'affaires a été multiplié par trois depuis 1997 pour s'établir à 81 millions
d'euros. Entre temps, elle n'a cessé d'étendre son territoire de marque.
Lancée en 1991 sur le marché des savons solides, puis des produits pour la
douche, elle embrasse aujourd'hui les déodorants, les laits corporels et les
lingettes nettoyantes. Avec 7,7 % du marché valeur, elle occupe le premier rang
du marché de l'hygiène corporel. Lui restait à conquérir un nouveau bastion :
celui des shampooings. C'est aujourd'hui chose faite. Après Taiwan, le Japon,
l'Italie et la Belgique, la France accueille depuis quelques semaines une gamme
composée de 5 shampooings, 3 après-shampooings et un masque traitant.
Leadership mondial
Un choix de diversification qui ne
doit rien au hasard. Troisième catégorie en termes de chiffre d'affaires
mondial pour le groupe, le marché du capillaire (35 milliards d'euros) est
aussi celui qui connaît la plus forte croissance (+ 9,8 % en 2000). Hors
coloration, le groupe détient 12 % de ce marché, derrière Procter & Gamble (17
%), mais devant L'Oréal (9 %). Ses objectifs : le leadership mondial et donc 17
% de PDM. Pour y parvenir, les services marketing ont planché sur le
positionnement de cette gamme qui devait, cohérence oblige, s'inscrire dans la
promesse globale de la marque, l'hydratation. « Les connaissances du cheveu et
de ses besoins ont évolué. Après les actions protectrices à la surface du
cheveu, nous savons aujourd'hui agir en profondeur grâce à l'hydratation. Le
cheveu contient en effet 10 % d'eau. Il a donc besoin d'être hydraté. Grâce à
une technologie unique, la gamme Dove contient un quart de lait hydratant »,
indique Sandrine Conseiller, chef de groupe capillaire de Lever Fabergé France
(2). Reste à savoir si les consommatrices comprendront le concept et
l'adopteront ? Les tests quanti réalisés en juin dernier sont bien sûr plus que
positifs. Et le plan marketing qui accompagne le lancement est à la hauteur des
ambitions de la marque. Pas moins de 1 000 journées d'animations, 13 millions
d'échantillons distribués via la presse, le MD et les boîtes aux lettres, des
programmes d'animations transversaux (colis naissance, visiteurs médicaux,
Téléthon), et surtout un plan médias puissant concocté par Ogilvy & Mather. Au
programme deux films : le premier riche de testimoniaux, le second plus
explicatif. Ces investissements, dont les montants n'ont pas été communiqués,
doivent permettre à la marque Dove de dépasser la barre des 100 millions
d'euros. « Fin 2002, Dove Shampooing doit peser 4 % du marché des capillaires
hors coloration, soit un chiffre d'affaires de 13 à 15 millions d'euros »,
poursuit Sandrine Conseiller. Si, malgré la soi-disant crise, ce résultat est
au rendez-vous, Lever Fabergé France confirmerait son poids croissant sur ce
marché. « Alors que le marché du capillaire a enregistré, en 2001, une
croissance de 8,3 %, Lever Fabergé progressait de 23,2 % », note Etienne
Sacilotto, directeur marketing. Six ans après son lancement, et après un énième
relancement au courant du premier semestre 2001, Organics passe enfin la barre
des 5 %, tandis que la dynamique Timotei se poursuit (5,1 % de PDM fin 2001).
Les deux marques voient d'ailleurs leurs gammes s'enrichir de nouveautés. Quant
à Clear, marque antipelliculaire, elle maintient sa part de marché, 1,4 %. En
revanche, le sort de Sunsilk est plus inquiétant. Ses faibles performances,
moins d'1 %, dans la logique de la stratégie "Path to Growth", risquent de lui
faire connaître le sort peu enviable de Wisk dans les lessives ou celui de Très
Près dans les dentifrices. A moins qu'à l'image de Lux, sa notoriété ne la
sauve des oubliettes... (1) In L'Expansion du 22/11/2001. (2) Nouvelle entité
née du regroupement des activités des deux sociétés Lever et Elida Fabergé
début 2002.