Diddl ou les mystères du bouche-à-oreille
C'est un cas d'école pour les étudiants et… les services marketing soucieux d'imposer un produit destiné aux enfants sans aucune publicité. La petite souris Diddl enflamme les cours de récréation de toute l'Europe. Uniquement par le bouche-à-oreille.
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T ous les hommes de marketing rêvent d'exploiter à leur profit le
bouche-à-oreille, qui voit un client ou un prospect servir lui-même de relais
vers un autre. Il se trouve que ce sont les enfants qui se révèlent être les
champions en la matière. Il n'y a qu'à se pencher sur la petite souris
allemande Diddl (prononcez Dideule) pour en être convaincu. Parlez-en dans une
cour de récréation d'Europe, suivront d'abord un enthousiasme quasiment
frénétique, puis des échanges de blocs de papiers à lettres ou de Post-it®, des
heures durant. Car voilà, Diddl est bel et bien devenue la coqueluche des 4-15
ans dans 24 pays d'Europe. Et pourtant, ni dessin animé, ni BD, ni même
publicité, sont venus annoncer la naissance de cette souris aux grands pieds.
Si les écoles n'avaient pas vu entrer un tel phénomène dans leur cour de
récréation depuis longtemps, les points de vente sont encore étonnés du
phénomène. « Cela fait vingt-deux ans que nous avons ouvert et une telle folie,
il n'y en a jamais eue, lance le propriétaire d'une boutique spécialisée dans
les jouets et licences, à Paris dans le XVe arrondissement. J'ai commandé, en
1994, six peluches Diddl qui sont restées dans ma boutique pendant quatre ans.
Personne n'en voulait. Il y a six ans, les peluches ont commencé à partir comme
des petits pains. Je ne sais toujours pas pourquoi. » Depuis, le phénomène
laisse pantois tous les observateurs. Quatre cents lettres de fans reçues par
semaine, 14 000 visites par jour sur le site internet et des ventes toujours en
hausse dans plus de 1 500 points de vente en France.
Le bureau de design allemand mise sur l'abondance
Les clés du succès ? La
souris garde bien évidemment son secret au chaud. Depuis son arrivée dans
l'Hexagone en 1994, la société détentrice de la licence, Kontiki à Lyon,
cultive une discrétion sans faille, tout en développant un marketing orchestré
autour de l'abondance des produits, avec un rythme soutenu de nouveautés. « Ce
sont des pros, lâche un point de vente. Kontiki lance, par exemple, trois à
quatre blocs par an dont les collections ne sont jamais reconduites. Les
enfants sont réceptifs, car ils aiment le renouvellement. » « Nous basons toute
notre stratégie sur le bouche-à-oreille, confirme-t-on chez Kontiki. Nous ne
souhaitons aucune publicité, aucun partenariat. Nous ne voulons pas que nos
clients se lassent. » Pour renouveler rapidement ses collections, le bureau de
design allemand (9 designers) conçoit aujourd'hui plusieurs dizaines de
produits par mois. Conséquence : 350 nouveaux produits ont vu le jour en 2004
contre 220 l'année dernière. La distribution est assurée par certains grands
magasins (Printemps, Virgin, etc.), les carteries et les boutiques cadeaux. «
Nous demandons à notre réseau de points de vente de développer la marque,
c'est-à-dire d'offrir un large choix à leurs clients tout en cultivant l'effet
club », explique un représentant de Kontiki. Les distributeurs jouent bien
évidemment le jeu. Pour certains d'entre eux, les ventes Diddl représentent 50
% de leur chiffre d'affaires, voire 80 % en période de Noël. Il n'est pas si
facile de provoquer et de contrôler un bon bouche-à-oreille. La petite souris
est, semble-t-il, passée à travers les difficultés, en cultivant justement le
principe du secret.