Recherche

Détournement packaging, quels repères préparons-nous à nos enfants ?

Pour sortir du lot, se différencier, recruter de nouveaux consommateurs, les produits de grande consommation détournent de plus en plus les conditionnements. Cette mode qui bouscule les habitudes et les conventions ne risque-t-elle pas de générer des effets secondaires désastreux sur la perception des produits, notamment par les enfants.

Publié par le
Lecture
3 min
  • Imprimer


Un gel douche proposé en canette de soda, un flacon de parfum qui adopte une boîte de conserve pour étui, des soins corporels conditionnés dans des bocaux en verre, on ne compte plus les produits de beauté qui se sont travestis en produits alimentaires. Cette rupture des codes établis pour attirer l'attention et émerger sur leur lieu de vente est le fruit d'une réflexion marketing se voulant innovatrice. Cependant, le consommateur séduit par ces nouveautés n'en est pas pour autant fidélisé. Ces effets de style ne provoquent que des achats d'impulsion rarement renouvelés. Après l'attraction arrive très vite la lassitude. Celle-ci est d'autant plus forte que ce nouveau type de conditionnement n'offre pas le moindre bénéfice d'usage. J'ai été très surpris de découvrir, lors d'une recherche de nouveaux produits en confiserie, des bonbons du type "Smarties" conditionnés dans un blister de médicaments. Après les cigarettes en chocolat, voici l'ecstasy au chocolat ! Cette nouveauté me révolte car j'ai aussi des enfants. Je me demande quel monde nous leur préparons en étant des marketeurs et des créatifs si peu conscients et responsables. Nous ne sommes d'ailleurs pas loin de frôler la correctionnelle avec le chewing-gum blanchissant Tonigum. En effet, on peut comprendre une stratégie marketing qui utilise l'univers médical pour mieux communiquer la blancheur des dents. Mais doit-on accepter une présentation si proche de celle d'un médicament pour vendre une friandise dans un rayon aussi convoité par les enfants ? Imaginons, un instant, un petit qui voit sa mère mâcher ce chewing-gum. Quelle sera son attitude devant une plaquette de médicaments oubliée sur la table ? Face à cette confusion dans la lisibilité des produits, doit-on attendre un accident qui sera suivi d'une loi contraignante ? L'industriel prendra-t-il enfin conscience de sa responsabilité, tant pour ce qu'il met dans la boîte que pour la forme de la boîte elle-même ? En Allemagne, la législation interdit de faire figurer des ingrédients en situation de consommation sur les packagings de produits non comestibles. Il nous a été impossible, par exemple, de représenter un abricot ouvert sur le shampooing Ultra Doux Enfant. Les enfants allemands sont-ils moins intelligents que les nôtres ou leurs parents plus responsables ? Si la vertu principale des cartes blister thermoformées est bien de montrer le produit contenu, alors proposons des bonbons aux formes originales et novatrices qui ne ressemblent pas à des médicaments. Disposons les à l'intérieur de la carte de façon plus créative qu'un alignement en rang d'oignons. Pourquoi se contenter d'un opercule argenté pour refermer la carte ? Apportons à celui-ci de la couleur, des graphismes qui renforcent le positionnement du produit. Enfin, ce type de conditionnement peut permettre d'inventer des friandises nouvelles : Ying-Yang, les bonbons qui vous réveillent le matin, qui vous relaxent le soir ; Fruitou, les bonbons 100 % fruits... On peut aussi induire de nouveaux gestes de consommation : associer, par exemple, deux textures, deux goûts différents, qui pourraient être un bonbon aux fraises avec un coulis de framboise, etc. A l'heure où nous entendons dire qu'il faut éduquer nos enfants aux goûts et aux saveurs, commençons par ne pas perturber leur perception des produits avec des conditionnements qui se veulent créatifs mais ne sont en fait que de véritables bombes à retardement. Toute démarche design novatrice doit s'inscrire dans une certaine éthique.

Fabrice Peltier, Président de P'Référence

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page