Designers de paradoxes
Quand les designers s'interrogent sur leur avenir, ils n'ont aucune raison de s'inquiéter, sauf sur la nature de ce qui leur sera demandé et sur la manière de le faire.
Je m'abonne
Le 22 octobre dernier s'est déroulé, au château de Ferrières
(Seine-et-Marne), le 29e congrès du PDA, Pan European Brand Design Association.
Cette association, qui compte près de quatre-vingts agences membres réparties
dans dix-huit pays, avait choisi un château pour débattre de l'avenir du
design, thème de la journée. Ce lieu historique, décoré dans la plus pure
tradition française du XIXe siècle, peut paraître paradoxal. D'autant plus
qu'un designer doit être à la pointe de l'innovation et avoir quelques
longueurs d'avance sur les tendances. Le contraste était saisissant : Macintosh
derniers modèles télécommandés par téléphone portable, présentations
audiovisuelles sur écran plasma géant, musique électronique au milieu d'une
salle, dont les moulures dorées à l'or fin rivalisaient avec les sculptures
baroques. Ce côté décalé faisait sens, tant les intervenants ont parlé des
extrêmes toute la journée. Le ton était donné dans le message d'accueil de
Shan Preddy, consultante en design et maître de cérémonie. « Ce château est à
l'image de ce que nous vivons quotidiennement dans notre profession. Son style
vous semble français, pourtant il a été conçu et réalisé en 1855 par Sir
Paxton, architecte du Royaume d'Angleterre. Les créatifs ont toujours
travaillé hors de leurs frontières en adaptant leur œuvre aux contraintes
locales et à celles de leur commanditaire… »
1er paradoxe : être global, paraître local…
Europe à vingt-cinq, mondialisation,
demain encore plus qu'hier, le designer devra créer pour répondre aux attentes
d'une cible de plus en plus large. Cependant, pour gagner encore plus en
proximité, ces créations internationales devront paraître locales. Le designer
devra savoir s'adapter à une culture locale tout en respectant les impératifs
de la globalisation des marques.
2e paradoxe : plus de packaging, moins de déchets d'emballage…
La présentation sur l'avenir du
design packaging a soulevé une contradiction à laquelle le créatif devra
trouver une solution. Pour répondre aux attentes d'un consommateur en
perpétuelle mutation et de plus en plus exigeant, les designers vont créer des
packagings spécifiques. A l'avenir, un même produit aura un conditionnement
selon l'âge de son utilisateur, son instant de consommation, son lieu de
consommation, son bénéfice d'usage… Le contenu ne changera pas sensiblement,
le packaging fera la différence et il sera produit en masse dans le monde
entier. Parallèlement, notre planète s'épuise. Nous n'avons pas les ressources
d'un tel développement exponentiel. La réduction à la source des matériaux
d'emballage, un meilleur recyclage, voire la réutilisation des emballages,
l'assistance à trier et à bien jeter sont des impératifs pour les générations à
venir.
3e paradoxe : petites locales, grosses internationales…
Debora Dawton, responsable du DBA (Design
Buisiness Association), association regroupant près de 200 designers en
Grande-Bretagne a mis en exergue des notions opposées. Selon les études
réalisées par son association, il n'y aura dans le futur de place que pour deux
types d'agences. Des petites locales de dix à vingt collaborateurs maximum.
Hautement spécialisées dans une discipline, ces agences devront être toujours
plus dynamiques, critiques et forces de proposition pour leurs clients. A
l'extrême, nous trouverons de très grosses agences, beaucoup plus généralistes,
capables d'accompagner les multinationales dans leur développement planétaire.
Selon Debora Dawton, « l'agence qui se situe entre les deux est promise à un
avenir incertain, car peu rentable… »
4e paradoxe : conseillers de confiance, mise en compétition…
« Mon agence de design doit être
mon miroir, mon confesseur, mon mentor, a proclamé William H. Lunderman,
vice-président design global de Campbell Soup Company. Notre relation doit
s'inscrire dans la durée avec une vision à long terme… » Propos qui ont laissé
rêveurs bon nombre de designers. La compétition est en effet systématique, les
négociations avec les services achats des grandes entreprises récurrentes…
Le 29e congrè
Le 29e congrès du PDA a rassemblé 80 agences de design dans un château de Seine-et-Marne, conçu en 1859 par un Anglais.