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Des points de vente à l'épreuve des sens

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Les cinq sens trouvent leur place sur le point de vente. Une mise en scène des espaces qui peut prolonger l'acte d'achat, à condition de ne pas sombrer dans la cacophonie sensorielle.

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Proposer au client une expérience de consommation faisant appel aux sens et aux émotions. Telle pourrait être la définition du marketing sensoriel. C'est un phénomène qui ne date pas d'hier. « Une véritable prise de conscience s'est opérée dans les années quatre-vingt-dix, explique Virginie Maille, professeur de marketing au Skema Business School, à Sophia-Antipolis. On s'est enfin rendu compte que le simple fait de placer des melons sous l'étal des marchés pour diffuser des odeurs ou même juste de peindre un mur, pouvait changer le comportement des clients. » Des propos que confirme Claude Nahon, directeur général du groupe Mood Media, agence de marketing sonore: « Les enseignes prennent conscience de l'importance d'introduire de la sensorialité dans leurs espaces. Aiguiser les sens aide à identifier la marque et à fidéliser des consommateurs de plus en plus exigeants. »

D'après lui, c'est d'abord l'ambiance sonore qui a été mise en avant dans les magasins. « Dans les années quatre-vingt, un DJ passait des vinyles toute la journée dans les magasins Monoprix. Aujourd'hui, nous diffusons des bandes magnétiques pendant huit heures sans interruption », poursuit-il. Restaurants branchés, bars d'hôtels, centres commerciaux et même pharmacies... Plus aucun lieu n'échappe au design sonore. En équipant de ce système près de 117 000 points de vente à travers le monde, Mood Media fait partie du quotidien des consommateurs. Mieux encore, l'agence adapte ses créations en fonction de la moyenne d'âge de la clientèle, du moment de la journée et de l'emplacement du magasin. Face à ce succès, Mood Media a élargi ses activités à l'habillage visuel et à la diffusion d'odeurs. « L'olfactif parle davantage à la mémoire, remarque Claude Nahon. 80 % des personnes ayant trouvé l'odeur agréable désirent retourner dans un magasin. » Selon lui, si l'olfactif prend vraiment de l'ampleur cette année, il va falloir du temps pour mettre au point les bonnes fragrances, sans agresser le consommateur: « Si l'olfactif concerne seulement 5 % des enseignes aujourd'hui, 20 % devraient y avoir recours en 2013 ».

Nespresso: avec une mise en scène digne d'un musée, la marque a mis au point un flagship sur les Champs-Elysées, fondé sur la création d'un monde rassurant et idéal.

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Yves Rocher: chants d'animaux, chuchotements de femmes... Les nouveaux points de vente Yves Rocher célèbrent la nature et la féminité.

Yves Rocher: chants d'animaux, chuchotements de femmes... Les nouveaux points de vente Yves Rocher célèbrent la nature et la féminité.

Trop de sens tue le sens

Si la plupart des enseignes avancent prudemment sur le secteur du sensoriel, certaines ont un train d'avance. C'est le cas d'Yves Rocher, dont les points de vente ne ressemblent à aucun autre. Carrelage en grès qui donne l'aspect granit des ardoises de Bretagne (berceau du fondateur de la marque), meubles en bois brut qui rappellent la forêt de Brocéliande, tables gigognes inspirées de l'établi utilisé par Yves Rocher... Depuis fin 2008, avec le soutien du cabinet Saguez & Partners, l'enseigne a repensé ses points de ventes.

Objectif affiché: s'inscrire dans un retour à la nature. Un concept également illustré par de grands visuels de plantes et des tons pastel, qui invitent les clients à la relaxation. Enfin, Mood Media a ajouté une ambiance sonore qui colle aux valeurs de la marque. Discrètes, des voix douces et féminines susurrent des mots comme «tranquillité» ou «femme» à l'oreille des clients. Si ce changement chez Yves Rocher séduit Virginie Maille, de manière générale la spécialiste se méfie de la surenchère dans la théâtralisation de ses points de vente. Elle cite l'exemple d'Abercrombie & Fitch, enseigne américaine de vêtements, prête à inaugurer un flagship à Paris début 2011. « Avec leur ambiance de boîte de nuit, ces magasins misent trop sur le sensoriel. Résultat, on ne voit même plus les produits. » Un constat qui, selon elle, s'applique à de nombreuses enseignes américaines. Même si ces dernières ont souvent de l'avance en matière de créativité sur le point de vente, « les enseignes pour les jeunes n'hésitent pas à forcer le trait sur le marketing sensoriel dans leurs boutiques ». Pire, l'absence cruelle de renouvellement de ces espaces va ennuyer les consommateurs.

Claude Nahon (Mood Media):

«80 % des personnes ayant trouvé l'odeur agréable retournent dans un magasin»

La complémentarité des sens

Pour Virginie Maille, ce constat s'applique également à l'enseigne Nature & Découvertes: « Le facteur surprise est essentiel pour assurer la pérennité d'un point de vente. Chez Nature & Découvertes, on utilise les mêmes recettes et cela n'a plus autant d'impact qu'au début ». La spécialiste va plus loin encore. Selon elle, les clients commencent à se sentir manipulés par la superposition d'ambiances auxquelles recourt l'enseigne. A cause du manque de cohérence dans son mélange des sens, l'enseigne perdrait en authenticité. Autrement dit, la cacophonie sensorielle provoquerait un sentiment de saturation chez le client. Pour cette raison, l'enseigne a annoncé le mois dernier le renouvellement de ses magasins.

Consciente de cette réalité, l'agence de marketing sensoriel Keo propose depuis le mois dernier une solution qui permet de diffuser dans le point de vente une ambiance sonore et vidéo en adéquation, le Keo admin. « Nos clients peuvent lancer des campagnes où la musique, le contenu artistique vidéo, la publicité audio et vidéo pourront non seulement cohabiter sans se gêner, mais seront capables de diffuser un message commun, explique Richard Szewczyk, directeur commercial du groupe. Pendant l'acte d'achat, chaque sens à son importance, insiste-t-il. Si on les sépare, le client ne comprend plus rien. » Autrement dit, chaque sens agit en complémentarité avec les autres. En entrant dans un magasin, la vue est le premier sens mis en éveil. Puis suivent le son, l'odeur et enfin celui qui détermine l'achat, le toucher. Selon l'étude Peck & Childers (2003), le toucher est la source d'information principale pour le consommateur.

Frédéric Hertzog (SFR):

« Les consommateurs peuvent toucher les produits, ils prolongent ainsi l'acte d'achat »

SFR: Les nouvelles boutiques SFR recourent aux sens pour privilégier la relation client.

SFR: Les nouvelles boutiques SFR recourent aux sens pour privilégier la relation client.

Flatter les sens améliore la relation client

L'enjeu de la complémentarité des sens, SFR l'a bien compris. Depuis le printemps dernier, l'entreprise a lancé le concept Imagine sur une vingtaine de ses 820 points de vente hexagonaux. Terminés les magasins entièrement en blanc et rouge, cette fois SFR a incorporé dans ses espaces du mobilier et du carrelage de couleur taupe. De même, une lumière plus tamisée et des odeurs de fleur de lotus viennent ajouter de la convivialité aux boutiques. Par ailleurs, pour mieux mettre en scène ses points de vente, l'opérateur a équipé ses salons de tables basses à écran tactile. « De cette façon, les clients peuvent manipuler les produits, ce qui les fait patienter avant la venue d'un conseiller, explique Frédéric Hertzog, directeur de la communication chez SFR. Du coup, ils restent plus longtemps dans le magasin et prolongent par conséquent l'acte d'achat. »

Nature & Découvertes: au pays du marketing écologique

3 questions à... Antoine Lemarchand, vice-président de Nature & Découvertes, symbole du mariage réussi business-environnement.


MM: Sur quoi repose le concept de Nature & Découvertes?
Antoine Lemarchand: Sur l'idée de faire connaître la nature de façon pédagogique. Par exemple, à travers notre fondation, nous organisons chaque année plus de 4 000 activités de randonnée ou de balade pour observer les oiseaux. C'est un complément indispensable au point de vente. Sans valeurs inhérentes à la marque, une boutique n'est qu'un support de distribution, sans âme ni identité. Nous animons également des ateliers pour enfants en magasin. De cette façon, nous mettons en valeur nos produits tout en restant pédagogiques (en expliquant par exemple comment recycler le papier de nos emballages).


MM: Pourquoi parle-t-on de Nature & Découvertes comme d'une entreprise à l'esprit familial?
AL: Si notre turnover est seulement de 15 %, c'est parce que nous privilégions la fidélisation de nos salariés. Dans chaque boutique, un vendeur est nommé membre du réseau vert. En d'autres termes, il s'assure du tri des déchets ou encore de sensibiliser ses collègues aux problèmes environnementaux, lors de réunions bimensuelles. Ces responsabilités valorisent le vendeur et améliorent ses relations avec les clients. D'ailleurs, sur nos points de vente, on emploie le terme de «guide» plutôt que celui de «vendeur».


MM: Pour vos 20 ans, vous relookez vos magasins. A quoi vont-ils ressembler?
AL: Il s'agit de redonner un coup de jeune en intégrant dans les points de vente des matériaux plus légers et qui émettent donc moins de CO2. Dans cette optique, nous avons fait appel au cabinet Saguez & Partners. Mais nous n'allons pas faire de Nature & Découvertes un concept de chaîne. Chaque boutique disposera de son cachet propre.


DAMIEN GROSSET

Les points de vente se veulent apaisants.

Les points de vente se veulent apaisants.

Antoine Lemarchand (Nature & Découverte):

« Sans valeurs inhérentes à la marque, une boutique n'est qu'un support de distribution sans âme. »

 
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Amelle Nebia

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