Des afficheursen quête de différenciation
Morosité publicitaire oblige, entre média de couverture et nécessité de ciblage, l'affichage met, plus que jamais, le cap sur la complémentarité de l'offre.
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Sans aller forcément jusqu'à dire, comme Stéphane Delaporte, directeur
délégué commercial, en charge de l'affichage et du mobilier urbain chez Clear
Channel, que « l'on est en train de vivre une vraie révolution de l'affichage
», il est clair que ce média fait actuellement évoluer sa copie marketing à pas
cadencé. Compte tenu de son état de santé général, on serait tenté d'ajouter
qu'il n'a pas vraiment le choix. Selon TNS Media Intelligence, au premier
trimestre 2003, la publicité extérieure affichait, en effet, un retrait de 2,7
% (- 15 ME). Un repli largement dû aux mauvais scores du grand format, qui
chute de 6,1 % quand le mobilier urbain ne recule “que” de 1,2 % ; les
transports enregistrant, pour leur part, une progression de 5,4 %. Le marché
global a pu se féliciter d'une accalmie, en mai dernier, réduisant sa baisse à
1,4 %, grâce à un meilleur climat d'affaires ce mois-là (+ 4,7 % par rapport à
mai 2002). Des données cependant toutes relatives, puisqu'exprimées en brut, et
qui ne tiennent donc pas compte des remises conséquentes qui caractérisent ce
média. Pour les acteurs de la publicité extérieure, l'objectif est double :
augmenter la part de marché du média et convaincre les non-utilisateurs
d'afficher leurs marques. Pour Nathalie Danel, directrice du marketing des deux
marques du groupe JCDecaux, Avenir et JCDecaux, la solution est de « proposer
des offres toujours plus adaptées aux besoins de ciblage, de couverture,
d'événementiel et de jouer la complémentarité de l'offre ». Une solution
surtout défendue par les poids lourds, dont les structures permettent
d'appliquer une politique multimarque. « La stratégie des marques d'affichage
va vers la proposition d'une offre de plus en plus marketée, de plus en plus
ciblée. Et c'est nécessaire car, dans un contexte économique difficile, on
monte de plus en plus de campagnes sur des niches plutôt que sur des gros
volumes au ticket d'entrée important », analyse Jean-Marc Ohran, Dg d'Optimédia
Territoire. Et Albert Asseraf, Dg de Carat Expert affichage et médias locaux,
d'ajouter « on observe de la part des annonceurs une vraie demande de souplesse
dans l'utilisation de l'affichage afin d'obtenir des réponses adaptées à leur
problématique. Dans ce sens, il est positif que ce média se donne les moyens de
toucher certains individus plus que d'autres ».
Réorganisation transversale en interne
Pour mettre en œuvre cette stratégie de
manière efficace, plus question d'avancer en ordre dispersé, l'heure est à la
transversalité dans les rangs des groupes. Une heure qui a sonné depuis près de
deux ans chez JCDecaux. « La transversalité marketing est indispensable pour
structurer la prise de parole en direction du marché publicitaire, confirme
Nathalie Danel. Jusqu'il y a encore deux ou trois ans, Avenir avait développé
une approche géomarketing quand Decaux était plus dans une logique commerciale.
Mais les choses ont changé, le marché s'est tendu, l'offre est montée en
qualité et nous sommes maintenant dans un contexte de problématique de gestion
de la totalité de cette offre. » Pour le numéro un de la communication
extérieure (36,5 % de parts de marché valeur contre 27,8 % pour Clear Channel
et 22,8 % pour Viacom Outdoor. Source TNS Media Intelligence 2002), cette
transversalité s'arrête toutefois aux portes du commercial, géré par deux
équipes distinctes. Si l'une et l'autre procèdent à des ventes communes de
réseaux, le catalogue du groupe ne propose toutefois pas de packages. « On
préfère penser à des offres qui peuvent intelligemment s'associer plutôt que
commercialiser des produits formatés », dit Nathalie Danel. Opérationnelle chez
JCDecaux, la transversalité est en pleine construction chez Clear Channel.
L'étape la plus significative a été franchie, avant l'été, avec l'arrivée de
Cécile Chambaudrie, ex-directrice commerciale d'IP Radio, au poste de
directrice générale adjointe en charge du commercial de l'ensemble du groupe.
Une création de poste qui va consister à mettre en œuvre une stratégie
commerciale transversale pour les quatre lignes de produits du groupe, à savoir
affichage-mobilier urbain, publicité transport, Malls-Médiaparc et les
opérations événementielles. Une révolution dans la culture de l'entreprise. «
Avant, chaque type de produit se battait pour avoir un maximum d'annonceurs,
explique Stéphane Delaporte. Nous allons dorénavant travailler sur des concepts
transversaux adaptés à des cibles particulières. »
Surpression sur des cibles données
Dans cette optique de ciblage, le groupe
planche déjà sur une gamme de produits, baptisée Clear Channel Conso, qui
utiliserait les différents formats du catalogue maison. En mobilier urbain
arrive Consopôle, un dispositif de 2 m2 dont l'objectif est d'être situé à
10-15 mn d'un point de distribution. Un concept déjà développé en grand format
par Dauphin Affichage, avec ADOC, un module géomarketing, disponible sur
Internet, qui permet de sélectionner les réseaux implantés sur les zones de
chalandise les plus en affinité avec une cible recherchée. Adshel vient, par
ailleurs, de commencer à commercialiser Consom'Activ, un format 2 m2 qui cible
les femmes actives. Même si Stéphane Delaporte tient à préciser que ce produit
« cible des femmes pas forcément aisées et avec une couverture géographique
plus large », on ne peut s'empêcher de le rapprocher de Distinguo, lancé au
début de l'année par JCDecaux. « Son objectif est de faire venir de nouveaux
annonceurs, issus de secteurs comme les produits de soin, la parapharmacie, le
maquillage en offrant un dispositif surpressant la cible des femmes aisées,
urbaines au cœur des lieux de vie », rappelle Nathalie Danel. Le groupe a
croisé pour cela un certain nombre d'informations comme les quartiers de
résidence de la cible mais aussi, pour favoriser la répétition, certaines de
ses destinations, écoles maternelles, pharmacies ou citymarchés. Un dispositif
qui a déjà convaincu des marques comme Bourjois, Chanel Accessoires, Smart,
Princesse Tam Tam, mais aussi le groupe Marie-Claire pour le mensuel
Marie-France. Dans cette stratégie de ciblage engagée par le marché, Viacom
Outdoor fait un peu figure d'exception qui confirme la règle. « Il faut revenir
au basic du média, martèle François Morinière, son directeur général. C'est un
outil hors pair dans une logique de géomarketing, pas un outil de ciblage pour
colorer un plan médias. » Il n'empêche que ce besoin de proximité, affiché par
les annonceurs, bénéficie aux afficheurs plus petits qui ont d'emblée joué
cette carte. Insert Centre Ville Communication fait partie de ceux-là. Rentrée
dans les mesures d'Affimétrie, la société a d'ailleurs franchi une nouvelle
étape en avril dernier en lançant Full Monty, un réseau qui commercialise
l'intégralité de son offre au niveau national (voir MM n° 79). Un lancement
renforcé par une première campagne de publicité déclinée sur le thème “Celui
qui tient la rue tient l'opinion”. « On nous interroge aujourd'hui en quantième
de Full Monty, à la différence d'il y a six mois où on nous positionnait plus
comme un média malin, proche de besoins spécifiques, raconte François de
Chaillé, directeur du développement d'Insert. On nous considère là comme une
vraie alternative aux autres afficheurs de centre-ville. » Chez
Médiaperformances, autre afficheur ciblé directement sur le point de vente avec
Affichariot, on enregistre également une appréciation plus positive du marché.
« Nous sommes maintenant intégrés à toutes les configurations de plan médias,
note Véronique Arnal, directrice générale ajointe, en charge du marketing. Et,
à la différence d'il y a 2-3 ans, où on nous utilisait surtout pour des
campagnes de lancement de produits, la moitié des campagnes concernent
aujourd'hui des produits déjà existants. » Face à une offre qui va toujours en
se développant, jusqu'où peut aller l'affichage pour se poser en passage obligé
? « Il faut une offre qui ne soit pas alternative à d'autres médias et surtout
alternative à celle des confrères, car le problème actuel de l'affichage est
qu'il existe trop de produits interchangeables », estime Stéphane Delaporte.
JCDecaux, renforce, en ce moment, les effectifs du pôle études. « On est fort
en géomarketing, mais on pêche en études médias, alors qu'il y a un énorme
travail à faire pour expliquer ce média qui est encore perçu comme complexe à
utiliser dans un plan et compliqué en matière de tarifs », déclare Nathalie
Danel. On l'aura compris, l'affichage est condamné à aller plus loin dans sa
stratégie marketing. « Il le faudra effectivement pour que l'affichage soit de
plus en plus utilisé avec une notion de médiaplanning, c'est-à-dire que l'on
puisse utiliser chacun des supports pour que la campagne suive un fil rouge qui
ne joue pas forcément sur une période donnée », estime Albert Asseraff.